Un homme libre. Rarement une poésie aura été aussi autobiographique, personnelle, sur le ton de la confidence faite au lecteur, que celle d'Abdellatif Laâbi. Ce nouveau recueil, d'ailleurs, ne devait-il pas s'appeler Je n'ai pas dit mon dernier mot ? Mais le titre était déjà pris par un autre, aux antipodes des valeurs du poète marocain. Il a donc changé pour La terre est une orange amère, avec ses réminiscences éluardiennes mêlées à ce qui semble être une complainte.
La vie de Laâbi, né à Fès en 1942, n'a pas été facile. Il créa en 1966 la mythique revue Souffles, laquelle incarna, durant ses six années d'existence, le formidable espoir né de la décolonisation. Mais cet espace de liberté littéraire et politique valut à son inspirateur les foudres de Sa Majesté, et huit ans et demi d'emprisonnement. Ce pourquoi, par la suite, et en dépit d'une tentative de revenir dans son pays dans les années 1990, Laâbi a fait sa vie et publié son œuvre, abondante, majeure, en France.
Il explique que, contrairement à pas mal de ses confrères, ses recueils ne sont pas une simple réunion de textes épars. Chacun est composé d'une seule traite, en chapitres, comme un roman. Un roman parlé, récité. On connaît le poids de la culture orale au Maghreb. Abdellatif Laâbi s'en souvient à chaque page, à chaque vers. Cela donne un côté unique à sa prosodie. Il y dit ses joies et ses souffrances, revient sur ses années de prison, un séjour récent à l'hôpital, dans une espèce de vide total, et, surtout, sa liberté, irrépressible : « Avis aux tyrans : / je n'ai pas dit / mon dernier mot ! »
Castor astral
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 16 € ; 142 p.
ISBN: 9791027803576