Decryptage

Abou Dhabi, hub des littératures arabes

Abu Dhabi International Book Fair

Abou Dhabi, hub des littératures arabes

Parmi les événements de la Foire internationale du livre de la capitale des Emirats Arabes Unis (ADIBF), la première depuis la pandémie, qui s’est tenue du 23 au 29 mai, la remise des prix littéraires du monde arabe Sheikh Zayed (SZBA), qui existent depuis 2004.

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Par Jean-Claude Perrier, Abou Dhabi
Créé le 31.05.2022 à 13h20

Les littératures arabes d’aujourd’hui, dans leur infinie diversité, sont largement méconnues en France, en dépit du travail de quelques éditeurs qui publient régulièrement des écrivains syriens, irakiens, koweitiens, émiratis, jordaniens, égyptiens ou saoudiens… Les auteurs du Maghreb ou du Liban, nombreux à vivre en France et à écrire en français, étant eux bien mieux représentés. Parmi ces pionniers, Sindbad, dirigée par le Syrien Farouk Mardam Bey, qui s’apprête à célébrer cette année ses 50 ans.

La maison du groupe Actes Sud figurait d’ailleurs parmi les cinq finalistes du prix Sheikh Zayed, dans la catégorie Edition et technologie. Elle a été devancée par la fameuse Bibliothèque d’Alexandrie, institution égyptienne unique au monde. Tout comme l’Institut du Monde Arabe, déjà récompensé par le passé. Peut-être Sindbad l’emportera-t-il l’an prochain.

Mais la compétition est très disputée. Le docteur Floréal Sanagustin, professeur à l’ENS de Lyon et seul membre français du comité scientifique du prix, explique que ses évaluateurs « ont reçu cette année plus de 3000 candidatures, provenant de 50 pays de langue arabe ». Parmi lesquelles ont été établies des listes restreintes de cinq noms, dans neuf catégories. Et c’est parmi ces finalistes qu’ont été choisis les lauréats définitifs, lesquels remportent chacun un chèque de 750 000 AED (Dirhams des Emirats Arabes Unis), soit l’équivalent de 240 000 dollars. Les prix ont été remis le 24 mai, lors d’une cérémonie dans l’auditorium du Louvre Abou Dhabi, prouesse architecturale de Jean Nouvel et l’un des plus beaux musées du monde, sous la houlette du docteur Ali Bin Tamim, secrétaire général des prix Sheikh Zayed et directeur du Centre de langue arabe, au sein du Ministère de la culture et du tourisme d’Abou Dhabi.

Jean-Paul Sartre au Caire 

Parmi les lauréats, dans la catégorie littérature, la poétesse et romancière émiratie Maisoon Saqer, pour Regard sur l’Egypte, le Café Riche (Nahdet Misr Publishing, 2021), une espèce de biographie du célèbre café du Caire, que fréquentèrent Naguib Mahfouz, Fairouz ou encore Jean-Paul Sartre. Dans la catégorie jeunesse, l’auteure syrienne Maria Daadoush, pour Le mystère de la boule de verre (Dar Al-Saqi, 2021). Ou encore, dans la catégorie « jeune auteur », l’universitaire tunisien Mohamed Al-Maztouri, pour son essai Le bédouinisme dans la poésie arabe ancienne (Al-Atrash Complex for specialized Books, 2021). Sont également récompensées la traduction, la critique, ou encore la personnalité littéraire de l’année, en l’occurrence le professeur et critique littéraire saoudien Abdullah Al-Ghathami. Quant aux ouvrages des lauréats, ils attendent des traductions dans d’autres langues. Des programmes sont aussi prévus pour ce point capital.

Peut-être en allemand, puisque l’Allemagne était cette année l’hôte d’honneur de la Foire, avec une trentaine d’ éditeurs (notamment en jeunesse) et une quinzaine d’écrivains présents. Une fidélité de quinze ans à la foire d’Abou Dhabi, même si, ainsi que le reconnaît Juergen Boos, Président de la Foire du Livre de Francfort, « les Emirats ne représentent pas un gros marché pour le livre allemand ». Pour le soft power, en revanche…

Côté français, on notera la seule présence de la librairie Clavreuil de livres rares, puisque, à la Foire d’Abou Dhabi, contrairement à ce qui se pratique en France, les stands d’ouvrages anciens et contemporains cohabitent. Le libraire de la rue de Tournon proposait bien sûr un catalogue adapté à sa clientèle arabe, mais également des éditions originales du Rouge et le noir, ou encore des Essais de Montaigne. Quant la bibliophilie s’inscrit dans le dialogue entre les cultures, et l’exception culturelle française.

« Les prix, conclut le professeur Sanagustin, sont, ici comme partout ailleurs, un moteur de la vie littéraire. Mais ce qui paraît évident, c’est qu’on assiste aujourd’hui, en partie pour des raisons politiques et économiques, à un transfert du centre de gravité de l’activité culturelle en langue arabe, autrefois incarnée par l’Egypte ou le Liban, vers les Emirats ».

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