Édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef adjoint

Photo PHOTO OLIVIER DION

Faut-il, comme les auteurs américains, se dire "soulagés" par l’accord intervenu la semaine dernière entre Amazon et la filiale d’Hachette aux Etats-Unis après six mois de conflit ouvert ? Sans doute puisque, si l’on en croit les communiqués de l’un et de l’autre, le contrat, comme celui signé quelques semaines plus tôt par Simon & Schuster avec le cybermarchand, laisse à l’éditeur le droit de fixer les prix publics de ses livres numériques. Cette forme particulière de prix fixe fondée sur un "contrat de mandat" lui donne la possibilité de préserver ses revenus et ceux de ses auteurs en limitant les discounts spectaculaires auxquels procède Amazon au prix de pertes abyssales pour faire du livre un produit d’appel pour son Kindle et pour les autres rayons de son hypermarché en ligne.

Au-delà, l’accord constitue aussi un signal positif, pour les éditeurs et les auteurs américains d’abord, pour ceux du reste du monde ensuite, confrontés, même dans les pays de prix fixe, aux tendances hégémoniques d’Amazon. Il montre que, même dans un contexte difficile, où l’on a pu voir un Etat se saisir contre les éditeurs de la loi antitrust pour venir finalement soutenir une tendance monopolistique sur le marché du livre, il est possible de réintroduire des règles qui préservent la diversité indispensable des circuits de vente du livre tout en conservant toute sa place à un commerçant en ligne qui a su démontrer une réelle capacité d’innovation.

Si l’analogie entre Amazon et Dark Vador proposée l’été dernier par le libraire Renny Aupetit a du sens, ce n’est pas par la diabolisation à laquelle elle semble procéder, mais par le rappel de ce qu’Amazon a d’abord été une sorte d’Anakin Skywalker avant de basculer "du côté obscur". Respect des règles de la concurrence, respect de ses partenaires dans la chaîne du livre, respect de ses propres salariés dans ses entrepôts, respect de ses obligations fiscales et ainsi de ses propres clients… Il est vrai qu’Amazon a beaucoup à faire pour retrouver l’esprit qui l’animait dans sa jeunesse. Mais il est de l’intérêt de la diversité de la création, et partant de la vitalité de la démocratie, de l’y aider par tous les moyens, fussent-ils musclés.

21.11 2014

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