Poussière d'ange. Qui se souvient de lui ? Pas grand monde et pour cause. Toute sa courte vie, Alain Kan aura flirté avec une gloire allumeuse, mais qui se sera toujours refusée à lui. Il fut d'abord chanteur yéyé, sans lendemain, avant de commencer à trouver sa voie comme meneur de revue à l'Alcazar de la grande époque où l'amitié de Dani l'avait introduit. Beau-frère par ailleurs de Christophe qui lui concède l'écriture de quelques chansons, il se produit alors sous le nom d'Amédée Jr, que lui avait trouvé Françoise Sagan. Ces choses-là n'ont qu'un temps et il découvre le glam et le rock à travers Bowie ou Lou Reed ; et bientôt le punk, dont l'urgence sauvage le foudroie. Là encore, le succès pourrait être au rendez-vous, notamment avec son nouveau groupe, Gazoline, mais les incessantes provocations de Kan, notamment à propos de son homosexualité et de sa toxicomanie, n'arrangent pas l'affaire. Les années 1980 ne sont pas plus heureuses pour lui. Et par l'une de ces ironies amères qu'il aurait sans doute appréciée à sa juste valeur, si Alain Kan reste tout de même dans les mémoires, c'est grâce au mystère qui entoure sa disparition. Le 14 avril 1990, un ami l'accompagne jusqu'à l'entrée de la station de métro Châtelet. Nul ne reverra jamais le chanteur, mort ou vif.

Artiste maudit, Alain Kan se voulait aussi artiste total. Musique, cinéma aussi et même littérature. Il disait avoir toujours un roman en cours. Il mentait beaucoup. C'était vrai. Ce livre, L'enfant veuf, paraît enfin aujourd'hui, comme sauvé des limbes. Et c'est bien toute une époque qui revient avec lui. Il y est question de deux garçons qui s'aiment. Jules et Jim. Qui se rencontrent au Palace. Voyez le genre... Bien sûr, cela n'ira pas très loin, seulement très vite et c'est déjà pas mal. « Blafard, définitivement beau, Jim, dont la blessure déforme lentement le visage, gît sur la banquette avant. Le choc déclenche une radiocassette, sa Lucky mal éteinte se consume sur un air de disco diabolique. » Kan, toujours, est prolixe de ses fulgurances. Ce poème cold wave se moque de tout et de rien, sauf du style. C'est notre jeunesse qui en fait un peu trop. C'est ensemble Sodome et Gomorrhe et Le temps retrouvé.