Dans la préface qu’il donne à Je me souviens de Zig et Puce et de quelques autres , José-Louis Bocquet note que « l’auteur semble refuser l’emploi des dates avec une constance qui confine à l’exercice de style. » Ce n’est pas tout à fait vrai : Alain Saint-Ogan ne rechigne pas à fournir les précisions chronologiques nécessaires. Et, à vrai dire, on en a bien besoin. Notamment pour rectifier une « information » de la quatrième de couverture, où le créateur d’Alfred est affublé d’une date de naissance fantaisiste : 1885. Le dessinateur ne l’a pas fait exprès (il est mort en 1974), mais il rectifie dans le premier paragraphe de son autobiographie : il est né en 1895. On ne va pas se fâcher pour ça. L’ouvrage, publié en 1961 pour la première fois, est une mine d’anecdotes souvent amusantes sur l’époque, sur la presse, sur le beau et le petit mondes. Qu’il transposait, à sa manière, dans ses dessins. Pas n’importe comment : Alain Saint-Ogan avait la vénération de ce qui était imprimé. Bien imprimé, de préférence – il a failli démissionner d’un journal dans lequel ses dessins ne ressemblaient plus à rien. Il y a tellement d’anecdotes qu’on cherche, longtemps en vain, ce qui nous intéresse vraiment : comment l’artiste a trouvé sa voie, comment il a créé ses personnages. Cela vient, vers la fin, quand il explique comment sa capacité d’étonnement a développé son sens de l’observation, comment il a cherché « à dissimuler le sérieux sous un air de raillerie » plutôt que le contraire – qui correspond, dans le dictionnaire (lequel ?) à la définition du mot « humour ». Il n’était donc pas humoriste, explique-t-il. Tant pis pour lui : il nous fait souvent rire quand même. Notamment quand il raconte la naissance de M. Poche en transcrivant le monologue suffisant d’un consommateur attablé non loin de lui à une terrasse. L’ancêtre d’Achille Talon, le personnage qui a fait la gloire de Greg, a donc existé. Et, puisque je parle de Greg, il est juste de dire que la préface est quand même riche en informations. De la visite d’Hergé (dont Alain Saint-Ogan ne se souvenait pas quand il le revit plus tard) aux travaux, précisément, de Greg, toute une histoire de la bande dessinée se retrouve ici, en filigrane.   ________ Alain Saint-Ogan. Je me souviens de Zig et Puce et de quelques autres . La Table Ronde, La petite vermillon , n° 281, 255 pages, 8,50 €.
15.10 2013

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