A l’origine, il y a le questionnement d’un certain nombre d’acteurs de la chaîne du livre sur leur impact écologique et leurs pratiques. Chez les libraires, cela s’est notamment traduit par des ateliers d’écriture menés entre novembre 2018 et mai 2019 et qui ont abouti à l’écriture de 11 nouvelles imaginant le futur des librairies selon différents scénarios écologiques. Ce temps d’échanges a alors rencontré d’autres envies dans d’autres branches du livre et nous nous sommes rendu compte que le besoin d’un lieu interprofessionnel pour discuter de l’écologie existait.
Quels sont vos objectifs ?
Notre premier but est d’œuvrer à la diffusion de l’écologie auprès de l’ensemble des acteurs et des actrices du livre et de la lecture. Nous travaillons autour de trois axes : l’information et la formation ; la structuration collective d’un travail d’analyse critique et de plaidoyer ; la recherche d’actions collectives sur différents aspects de l’écologie du livre. Nous aimerions par exemple mener une grande enquête sur la fabrication du papier et les certifications et aller à la rencontre des professionnels qui ont mené des actions innovantes. En attendant, nous avons fait paraitre en mars 2020 Le livre est-il écologique ? (Éditions Wildproject) qui reprend l’avancée de nos discussions et réflexions.
Aujourd’hui, les constats sont posés. Mais, selon vous, qu’est-ce qui empêche le secteur du livre d’entrer véritablement en action ?
Globalement, les marges de manœuvre financière des différents acteurs sont faibles. A cela s’ajoute une certaine atomisation du secteur, ce qui ne facilite pas l’action collective. Mais surtout, les résistances sont encore vives. Je me souviens de cette table ronde aux Rencontres nationales de la librairie de 2019 à Marseille. Les libraires y ont manifesté leur désir connaître les lieux de fabrication des livres. C’est une donnée importante pour se décider lors des achats des offices. On nous a alors répondu que cette demande s’apparentait à de la censure.
La crise sanitaire a t-elle fait avancer les débats ?
D’un côté, elle a montré l’importance du livre et mis en lumière le fait qu’il était possible de s’organiser en partie ensemble. Dommage que ces actions aient été vite dépassées par la reprise des dialogues habituels et du quant à soi. D'un autre côté, elle a accentué la prise de conscience sur les impacts écologique de la chaîne du livre ou de sa réalité enfermante pour des modifications structurelles. Beaucoup ont saisi que les questions écologiques permettent de réfléchir autrement les conditions de travail et de diffusion des pensées dans la chaîne du livre. En adoptant cet angle, on peut appréhender autrement des enjeux que les professionnels rencontrent depuis quelques années telles la désertification des centre villes ou la répartition de la valeur. Les analyses critiques portées par les pensées d'écologie politique peuvent nous permettre d’imaginer d’autres systèmes que celui que l’on subit aujourd’hui.
Votre deuxième campagne d’adhésion vient tout juste de commencer. A ce jour, combien comptez-vous d’adhérents ?
Malgré une communication plutôt discrète, nous avons officiellement 180 membres dont 90 adhérents. On y retrouve principalement des libraires, des éditeurs et des bibliothécaires ainsi que des structures et associations. Il nous reste à solliciter plus d’imprimeurs, d’auteurs et de lecteurs.
Pourquoi avoir aussi ouvert l’association aux chercheurs et aux spécialistes de l’écologie ?
Nous pensons que la chaîne du livre est un écosystème et que le travail en filière est important. Mais le regard et l’expertise de chercheurs et militants sur les enjeux de la diffusion et de l’économie du livre nous est précieux. Pouvoir ainsi croiser les réflexions contemporaines sur l’écologie politique, les communs, l’économie circulaire ou les droits culturels nous donnent des horizons et de la hauteur.