22 août > Roman France

Au fil de ses derniers romans, Emilie de Turckheim nous a quelque peu accoutumés à ses histoires délirantes qu’elle met en mots de la manière la plus blanche possible, afin de les rendre, sinon logiques, presque crédibles, et de susciter l’interrogation du lecteur. Après le très échevelé Héloïse est chauve (Héloïse d’Ormesson, 2012), où la forme épousait le fond, elle a mis un semblant d’ordre dans son grand bazar, pour cette Sainte.

Placée dès l’enfance sous le patronage de sainte Hélysabel, l’héroïne ne doute pas qu’elle a été mise sur cette terre pour faire le bien, gagner son paradis et être un jour canonisée. Sauf qu’elle s’y prend de curieuse façon : elle se fait renvoyer de son pensionnat très catholique, tue son chat, vole de l’argent à sa vieille mère qu’elle va voir pieusement dans sa maison de repos, supporte à peine les divagations alzheimeriennes du vieux voisin dont elle s’occupe… Il n’y a qu’avec Marie, sa meilleure amie, qu’elle se sente à l’aise. Celle-ci, secrétaire dans une marbrerie funéraire, deviendra actrice porno, en ménage avec une star du genre, José, qui lui fera un enfant.

Mais la grande affaire de l’héroïne, sa principale BA, c’est d’aller visiter en prison Dimitri, un criminel de bas étage. Très assidue, elle finit par devenir son amie, l’hébergeant un temps chez elle, à sa libération, en compagnie de sa copine de 20 ans, enceinte. Sauf que dans le « civil », le voyou a perdu tout son charme, et l’héroïne toute raison de vivre et d’accomplir ce qu’elle estime être son sacerdoce. Elle va donc accuser mensongèrement Dimitri de l’avoir violée, ce qui va le renvoyer illico derrière les barreaux, où elle pourra aller de nouveau le réconforter. Mais tout ne va pas se passer selon les désirs de l’héroïne, laquelle va basculer dans une démence complète, télescopant les personnages et les épisodes surréalistes, dans un maelström impossible à synthétiser.

Les fans d’Emilie de Turckheim adoreront, les autres resteront sans doute perplexes. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’on a affaire à l’un des auteurs les plus singuliers de sa génération et de notre paysage littéraire.

J.-C. P.

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