Trophées de l'édition 2024

Antoine Caro : « La poésie est un accès direct au monde » (3/5)

Antoine Caro - Photo DR

Antoine Caro : « La poésie est un accès direct au monde » (3/5)

Trophée de l'éditeur ou éditrice de l'année (3/5). Cette semaine, Livres Hebdo présente chaque jour un des nommés pour les Trophées de l’édition 2024 dans la catégorie éditeur ou éditrice de l’année. Aujourd’hui, Antoine Caro, l’ancien directeur général adjoint de Robert Laffont, qui a relancé avec succès la maison Seghers en 2021, participant à un renouveau de la poésie qui colore tout son catalogue et se traduit en ventes conséquentes.

Par Jacques Braunstein
Créé le 09.01.2024 à 17h23

Antoine Caro ne se voyait pas éditeur et aujourd’hui, on ne le verrait guère faire autre chose.

Fils d’un producteur de cinéma (Pierre Caro, assistant d'Alain Delon puis producteur du film Le vieux fusil), il imagine se diriger vers cette industrie, mais lorsqu’il écrit à d’autres producteurs, on lui reproche le côté trop bien écrit de ses lettres. Il lit tout le temps, notamment Proust, dont il hésite aujourd’hui à parler. « Ce n’est pas très original, c’est un wannabe, qui est devenu l’auteur préféré de tous les wannabe. » Après quelques piges à L'Équipe ou à Vogue, il fait la tournée des maisons pour devenir auteur de l’ombre, et rencontre Bernard Fixot qui lui fait comprendre que ce qui l’intéresse, c'est de former un jeune éditeur. Après trois années d’apprentissage, il suit Fixot, nommé directeur éditorial de Robert Laffont. Et, quinze ans plus tard, devient directeur général adjoint de Robert Laffont, alors dirigé par Leonello Brandolini et Nicole Lattès (2013).

« Moi, c'est les livres »

« Moi, c’est les livres. Je n’ai jamais cessé de travailler avec les auteurs », affirme-t-il, citant, dans le désordre, Charles Pépin, Marc Levy, Tzvetan Todorov ou Sophie Fontanel… Toujours animé d’« un désir d’éditer moi-même ». Ce qu’il fait désormais avec les éditions Seghers. « Pierre Seghers, poète résistant, a lancé en 1944 la collection “Poètes d’aujourd’hui”. Une collection carrée, comme des livres de poche avant l’heure, publiant notamment Eluard, vendu à 300 000 exemplaires. Mais aussi les collections “Autour du monde” (Fernando Pesoa, Pablo Neruda, Anna Akhmatova, Tennessee Williams…) ou “Poésie et chansons” (Brel, Brassens, Aznavour ou Gainsbourg) », raconte-t-il. 

Seghers avait rejoint Robert Laffont en 1969. Et Antoine Caro forme le projet fin 2020 d’en refaire une marque autonome. Avec Anne Dieusaert à la direction littéraire et Vahram Muratyan pour repenser l’identité visuelle de la maison dans la lignée exigeante du typographe et graveur Louis Jou, ils republient Aragon, Neruda ou Kerouac, Maya Angelou ou Grisélidis Réal, qui connaissent des succès conséquents.

« En cinq ans, le marché de la poésie est passé de 10 à 15 millions. On vit une période métaphysique, la poésie est un accès plus direct au monde dans lequel on vit », décrypte l'éditeur, notant le succès des poèmes sur les réseaux sociaux comme celui du Déversoir d’Arthur Teboul, très soutenu par les libraires et par une tournée de l’auteur-compositeur de Feu! Chatterton à travers la France. 

« Notre slogan, c’est : “La poésie est partout” », ajoute l’éditeur, qui la retrouve dans Get back, le beau livre des Beatles vendu à 15 000 exemplaires, comme dans La souterraine de Sophie Marceau, « un de nos gros succès 2023, fait de 13 nouvelles et 7 poèmes ». Éditeur littéraire mais pas snob, Antoine Caro parle avec le même enthousiasme de la comédienne que des poèmes de Picabia qu'ont découvert les sœurs Berest,ou de Robert Desnos (dont il a republié des inédits en 2023)…

Il s’enthousiasme comme s’il était le premier étonné que la poésie puisse colorer toute sorte d’art et de savoir, citant encore Les nuits étoilées de Vincent Van Gogh de l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet, ou l’anthologie de Bob Dylan parue en octobre dernier.

L’Editrice ou l’Editeur de l’année

 

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