Toute une vie. Voilà sans doute l'ouvrage de littérature jeunesse le plus original de l'automne. Vingt ans durant, Antonin Louchard a glané toutes sortes de figurines, petits soldats et poupées dans des vide-greniers et des solderies. Son but ? Les photographier. Dans ce livre, il va plus loin, il les fait descendre de ses étagères et en fait le sujet de ses peintures. Les compagnons de toute une vie voisinent avec ses tableaux aux formes abstraites, leur répondant comme un écho de couleur. Parfois leurs images sont carrément recouvertes de motifs bariolés, bonhommes noirs, rubans multicolores. Bécassine, Batman, canard jaune en plastique, majorette à galons, marquise à houppelande, footballeurs en action et petits baigneurs sont invités dans la ronde. On en a plein les yeux, de couleurs, de formes, de mouvements. Ça danse, ça jette, ça vit. Mais ce qui nous touche véritablement est la vulnérabilité que dégagent ces petits êtres de plastique, de caoutchouc, de peluche ou de plâtre. Leurs bouilles désarmantes nous émeuvent, laissant entrevoir l'affection que leur porte leur propriétaire. Ici, une poupée à jupette et chapeau tyrolien dont on ne sait si c'est une fillette ou un animal nous fixe de son regard étrange. Là, les yeux bleus d'un poupon frappent par la densité de leur expression. On sourit à la vue de la série des petits soldats et des cowboys auxquels l'arme à feu donne à peu de frais un orgueil viril et un peu stupide. Mais à la page d'après, l'Indien à coiffe de plumes est tout aussi belliqueux. On adore !