Quinze leçons sur la sémiologie, la langue et l'écriture. Ce sont les dernières données par Emile Benveniste (1902-1976) au Collège de France, juste avant qu'une attaque cérébrale le laisse paralysé et le prive de parole, lui l'homme des mots. Ces ultimes cours représentent à peine une centaine de pages dans ce volume. Mais ils sont si précieux qu'on leur a adjoint plusieurs textes en guise d'écrin : une introduction de Jean-Claude Coquet et Irène Fenoglio, une biobibliograhie signée Georges Redard, le légataire universel de Benveniste, et une étude d'Emilie Brunet sur l'éparpillement des papiers du célèbre linguiste. Ajoutons-y une préface de Julia Kristeva et une postface de Tzvetan Todorov sur "le plus grand linguiste français du XXe siècle", deux textes sur l'oeuvre du maître qui disent combien ces intellectuels doivent à l'auteur des Problèmes de linguistique générale.
Dans ces notes brèves et allusives, Benveniste montre toute sa précision lorsqu'il discute l'oeuvre de Ferdinand de Saussure et qu'il affirme sa conviction "que la langue est non seulement faite de signes, mais qu'elle est aussi productrice de signes, que le système qui la compose engendre lui-même de nouveaux systèmes dont la langue est l'interprétant".
La sécheresse de ces retranscriptions n'altère pas la vision que l'on peut avoir de cette formidable mécanique intellectuelle qui sait en quelques phrases redonner la tonalité d'un moment, d'une époque qui n'est plus la nôtre mais qui nous parle encore.
Dans ces Dernières leçons, c'est bien le professeur qui surgit. Le dynamisme de la pensée s'accompagne d'une fermeté dans l'enseignement, dans cette élaboration d'une théorie du langage. Benveniste avance vite mais il contrôle toujours la tenue de route. Avec tous ces accompagnements universitaires, voici donc une excellente introduction au travail de cet homme qui s'était lancé le défi de comprendre le signe de la langue.
"Je ne fais pas de génétique des écritures ; je ne cherche pas l'origine de l'écriture. Je veux seulement voir quelles solutions l'homme a données au problème de la "représentation graphique"."