Droits d'auteur

Les acteurs du livre québécois et franco-canadiens interpellent leur futur gouvernement sur l'IA

Le communiqué dénonce une déréglementation du recours aux œuvres par les outils d’IAG, et demande à ce que les géants de la Tech restent soumis aux règles existantes. - Photo ANEL, COPIBEC, REFC, UNEQ

Les acteurs du livre québécois et franco-canadiens interpellent leur futur gouvernement sur l'IA

Le 23 avril 2025, à l’occasion de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, les principales organisations du secteur du livre francophone au Québec et au Canada lancent un appel pressant au futur gouvernement fédéral. Ils l'incitent notamment à réformer la Loi sur le droit d’auteur, et à renforcer l'encadrement de l’intelligence artificielle générative (IAG).

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Par Louise Ageorges
Créé le 23.04.2025 à 15h22

Dans un communiqué daté du 23 avril 2025, journée mondiale du livre et du droit d’auteur, le secteur québécois et franco-canadien a interpellé son prochain gouvernement afin d’améliorer la loi sur le droit d’auteur en insistant sur l’utilisation de l’intelligence artificielle générative (IAG).

Une réforme particulièrement attendue

Face à la prolifération des copies non autorisées dans certains établissements d’enseignement canadiens (particulièrement en dehors du Québec), de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une réforme de la loi sur le droit d’auteur. L’objectif : assurer une rémunération équitable pour les auteurs et les éditeurs, trop souvent privés de revenus en raison d’une interprétation jugée excessive de l’exception dite d’« utilisation équitable à des fins éducatives ».

« Cette exception, introduite dans la loi en 2012, doit être recadrée conformément aux recommandations 18 à 21 du rapport "Paradigmes changeants" adopté en 2019 par tous les partis », rappelle dans le communiqué Christian Laforce, directeur général de Copibec, la société québécoise de gestion collective représentant plus de 30 000 auteurs et 1 300 maisons d’édition.

Ses signataires soulignent ainsi la nécessité de restreindre cette exception, afin qu’elle ne s’applique que lorsque les œuvres ne sont pas disponibles sous licence. Il est également demandé que les tarifs établis par la Commission du droit d’auteur retrouvent leur caractère juridiquement contraignant pour tous les utilisateurs. Et enfin, que les sociétés de gestion collective puissent accéder à des mécanismes de compensation plus équitables, notamment par l’instauration de dommages-intérêts préétablis.

Piedad Sáenz, directrice générale du Regroupement des éditeurs franco-canadiens (REFC), insiste quant à elle sur l’importance d’un droit d’auteur équilibré, essentiel pour « favoriser l’élaboration de matériel pédagogique de qualité et contribuer à la vitalité du secteur du livre à travers tout le pays. » Le REFC rassemble les éditeurs francophones autour d’actions de promotion, de formation et de représentation.

L’IAG en ligne de mire

Le communiqué dénonce une déréglementation du recours aux œuvres par les outils d’IAG, et demande que les géants de la tech restent soumis aux règles existantes. Pour Geneviève Pigeon, présidente de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL, qui regroupe la majorité des maisons d’édition francophones du Canada), l’encadrement de l’IAG passe aussi par la mise en place de « nouvelles exigences de transparence, de conception technologique l’empêchant de produire du contenu illégal, et d’étiquetage des résultats générés ou modifiés par l’IAG. » À l’occasion du dernier Salon du livre de Montréal, l’ANEL avait d’ailleurs publié 20 constats sur le livre et l’intelligence artificielle générative.

« On ne doit pas y ajouter d’exceptions qui permettraient à des entreprises technologiques de légaliser le vol de livres dont on les accuse au Canada, aux États-Unis, en Europe et ailleurs », alerte Pierre-Yves Villeneuve, président de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), qui représente aujourd’hui près de 1 800 auteurs. Fondée en 1977, l’UNEQ défend les droits professionnels et économiques des artistes littéraires québécois.

Des interrogations à l’échelle internationale

En mars dernier, aux États-Unis, l'Association des éditeurs américains (AAP) avait lancé une initiative similaire, adressant une lettre au gouvernement fédéral, dans laquelle elle appelait à accorder une attention renforcée à la protection du droit d’auteur dans le cadre de son plan d’action sur l’intelligence artificielle.

En France, la question du droit d’auteur face à l’essor de l’IA suscite également de vives discussions. Le 12 mars 2025, le Syndicat national de l’édition (SNE), la Société des gens de lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC) annonçaient avoir assigné Meta, le groupe de Mark Zuckerberg, devant le tribunal judiciaire de Paris. Vincent Montagne, président du SNE, déclarait alors : « Nous demandons à Meta, ainsi qu’à tous les créateurs de modèles d’intelligence artificielle de se conformer aux règles établies par la Commission européenne. » Le groupe était accusé d’avoir exploité de nombreuses œuvres sans autorisation, au profit de ses systèmes d’IA.

Le 23 avril, Rachida Dati, ministre de la Culture, et Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’IA et du numérique, ont fait part du lancement d’un cycle de concertation encadré par les deux ministères. Celui-ci réunira des représentants des développeurs de modèles d’IA générative et des représentants des ayants droit des secteurs culturels et médiatiques, dans l’objectif de « favoriser la compréhension des enjeux réciproques entre ces acteurs, la mise en lumière d'intérêts communs et l'identification de bonnes pratiques. »

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