Fait plutôt rare en ces temps de transition technologique, un vrai dialogue s'est instauré entre auteurs, éditeurs et bibliothécaires mercredi 21 octobre à l'hôtel de Massa, à Paris, lors de la dernière journée du forum annuel de la Société des gens de lettres inauguré la veille (voir notre actualité du 20 octobre).
Dans la matinée, éditeurs, bibliothécaires et écrivains se sont penchés sur « La mémoire des oeuvres ». Pour la bibliothécaire Adrienne Cazenobe, responsable des formations continues à Mediadix, « une des grandes incertitude des supports numériques est leur pérennité et des solutions comme la veille automatique de migration d'un format à un autre, sont à l'étude. C'est une des raisons pour lesquelles ce serait folie d'abandonner nos fichiers à Google car nous perdrions toute maîtrise sur leur devenir. »
Alban Cerisier, responsable du patrimoine et du développement numérique chez Gallimard, estime lui aussi qu' « il est crucial de conserver la maîtrise des supports numériques, mais aussi de pouvoir identifier chaque fichier par ses métadonnées comme on le fait en bibliothèque ». 22 000 ouvrages du fonds Gallimard sont d'ores et déjà numérisés, « non seulement pour des questions de conservation mais aussi de promotion (consultation d'extraits ou de chapitres en ligne par exemple) », a précisé l'éditeur.
« Ce n'est plus le support qui fait la durée, mais la réimpression, la réexploitation de l'oeuvre, a ajoué de son côté l'écrivain Jean Claude Bologne, qui est aussi responsable du patrimoine à la SGDL. Nous bataillons depuis 2002 pour un véritable fichier des ayants-droit à la SGDL. Nous sommes contents que le collectif européen Arrow s'y mette, nous le serions encore plus s'il nous invitait à y participer ».
Dans l'après-midi, la table-ronde sur « Les enjeux de la diffusion et de la distribution » a été l'occasion d'une opération de séduction de la part de Google, représenté par Philippe Colombet. Mais au bout de trois heures de discussions, les sujets qui fâchent, enfin soulevés, sont restés sans réponse : Google est-il prêt à respecter le droit moral des auteurs ? Comment l'offre éditoriale numérique pourra-t-elle être interopérable ? Peut-on envisager un prix unique du livre ?
Dans son discours de clôture, citant Voltaire et Borges, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a réaffirmé la place centrale et absolue du droit d'auteur « à la française », « chevillé à l'auteur à la différence du copyright qui protège l'intérêt du producteur ». Il a plaidé pour la mise en place rapide d'une « offre légale de livres numériques riche, simple techniquement, accessible économiquement, et qui puisse garantir une juste rémunération des auteurs ». Annonçant par ailleurs, qu'il avait demandé au directeur du Livre et de la lecture de lui faire « des propositions claires pour améliorer la situation sociale et fiscale des auteurs », il s'est réjoui que le 30e salon du livre soit consacré en 2010 aux auteurs. « J'entends bien qu'il soit votre salon, a-t-il lancé aux hôtes de l'hôtel de Massa, siège de la SGDL où avait lieu la réunion. Il sera en tout cas le lieu de restitution de tous nos travaux sur et pour les auteurs. »