« Là, tu vois, mon but c'est de créer un 4x4 tout en imaginant qu'il puisse aller sous l'eau. » Ailerons aérodynamiques, pare brise 360° et pneus antidérapants... De loin, on pourrait presque se croire à une convention des nouvelles ingénieries « spéciale sports aquatiques ». Et pourtant, ce n'est pas de Polytechnique qu'est sorti Romuald Racioppo mais de l'école Estienne. Auteur de la série pour enfants Pyjamasques (Gallimard jeunesse), il se prête régulièrement à ce jeu de création, jusqu'à mettre sa patte dans la fabrication des produits dérivés de la version animée de son œuvre. Écrivains et illustrateurs, ils sont nombreux comme lui à voir leur métier changer depuis l'explosion des adaptations audiovisuelles. Une diversification des compétences et des aptitudes qui transforme la profession d'auteur jusque dans l'acte même d'écriture.
Créée en 2007, la série pour enfants éditée par Gallimard jeunesse, Pyjamasques devient internationalement connue en 2015 quand Frog Box, Entertainment One1 et Walt Disney en font une série télévisée. Face à ce projet d'envergure, qui comptabilise déjà cinq saisons, Romuald Racioppo négocie un contrat lui permettant une participation active. Scénario, direction artistique, voix des comédiens, il s'implique jusque dans le dessin des personnages animés.
Comme lui, mais dans un tout autre genre, Patricia Tourancheau démultiplie ses compétences à travers les adaptations audiovisuelles de ses ouvrages. La journaliste et auteure spécialisée en faits divers est devenue, au fil de ses collaborations avec Netflix, consultante puis coauteure et coréalisatrice pour la série sur le petit Grégory. Dernière corde à son arc, elle sera coscénariste sur l'adaptation fiction de son ouvrage autour de l'affaire du Grêlé, à paraître en mars au Seuil. « Mon rôle n'est pas symbolique. Sur une adaptation, je peux bâtir des séquenciers, participer au tournage et même au montage », raconte celle qui va jusqu'à corriger la façon de parler d'un officier de la crim' pour faire plus réel.
Intérêt économique
Face à cet éclatement des compétences, les frontières entre adaptations et livres se brouillent. Au fil des années, Romuald Racioppo ajoute à ses pinceaux un logiciel de peinture numérique ravivant les couleurs et plus rapide. Son trait s'arrondit et son rapport aux proportions devient plus exigeant. « Ce sont deux éléments qui facilitent le passage du livre à la télé », explique-t-il. Les deux supports se nourrissent tant qu'ils vont même jusqu'à s'influencer. « Je ne transforme pas ma façon d'écrire en vue d'une adaptation. Cependant, en amont de mes projets, je pense à la fois livre, docu et fiction, pour la même affaire si elle en a les ressorts, et je choisis les histoires en fonction », ajoute quant à elle Patricia Tourancheau. Même si Netflix n'est « pas non plus la poule aux œufs d'or », nous avertit la journaliste, l'intérêt économique d'une adaptation n'est pas négligeable pour un auteur.
Pour la fait-diversière, la fiction est davantage lucrative. Cette dernière rapporte 50 % du montant des droits cédés ainsi que 15 % des droits de diffusion restitués par la SACD, tandis que le documentaire est calculé en fonction du nombre de vues dans les différents pays. Des avantages négociés avec Netflix par ses éditeurs et ses avocats qui lui rapportent « bien plus comme auteur que l'écriture d'un livre document qui se vend à moins de dix mille exemplaires ». Constat identique pour Romuald qui estime les bénéfices de ses livres à un dixième de son revenu annuel. « L'adaptation m'a permis d'ouvrir une fenêtre sur quelque chose de plus vaste », précise l'auteur envisageant même, en se projetant un poil, des Pyjamasques interagissant virtuellement dans le métavers.