Beaucoup de livres, c'est mieux

Stand Mexique au Salon du livre © Olivier Dion

Beaucoup de livres, c'est mieux

Dimanche, deux éditeurs, un libraire et une lectrice ont planché sur la question : "Publie-t-on trop de livres en France et sont-ils vendus trop cher ?". Vaste programme dont il est ressorti un consensus en faveur de la diversité et de la richesse de l'offre.

Par Catherine Andreucci
avec ca Créé le 15.04.2015 à 21h00

C'était le débat-piège, le serpent de mer de l'interprofession, la question qui fait surgir tous les écueils possibles. Réunis dans une salle du stand du SNE pour plancher sur la question "Publie-t-on trop de livres en France et sont-ils vendus trop cher ?", Matthieu de Montchalin (librairie L'Armitière à Rouen), Marion Mazauric (éditions Au diable Vauvert), Anne Delaplace (enseignante, ancienne membre du jury du prix du livre Inter) et Olivier Bétourné (directeur général d'Albin Michel) ont louvoyé avec les questions de Philippe Delaroche (magazine Lire) et Daniel Martin (La Montagne, France Culture). Finalement, tous se sont accordés pour ne pas donner une vision catastrophiste de la surproduction, et pour la faire rimer avec diversité et richesse.

"Dans ce débat, la question est plutôt celle-ci : qui fixe la limite du nombre de livres à publier, et où la fixe-t-on ?" a lancé le libraire Matthieu de Montchalin. "Je ne veux pas être le censeur qui dit au 395e auteur de la rentrée littéraire : désolé, nous faisons comme pour les concours d'entrée dans les grandes écoles, nous nous arrêtons à 394." Pour lui, la question réside plutôt dans la façon dont les libraires vont choisir les livres et dans leur durée de vie.

Pour Olivier Bétourné, "c'est le propre des sociétés ouvertes de publier en abondance, de soutenir et de valoriser la création. (...) Les dix plus grands groupes d'édition ont réduit leur offre de 5,3% entre 2007 et 2008. Les limites de la rotation trop rapide donnent lieu à une correction de tir qui va dans le bon sens."

La question de la qualité des livres a été balayée par les intervenants. "Quand j'entends le mot qualité, cela me rend très méfiante, a dit Marion Mazauric. Les livres que je publie représentent ma qualité à moi. Mais d'autres pensent que ces livres sont sans qualité, et je les comprends."

"Je remarque aussi en tant qu'enseignante que pour les élèves, un livre dont le prix dépasse 5 euros commence à être cher."

Les best-sellers nuiraient-ils aux très bons livres en les reléguant aux frontières des librairies ?
"Amélie Nothomb n'a pas empêché Albin Michel de publier François Bon ou Mathieu Belezi...", a remarqué Olivier Bétourné. "L'effet de masse n'a jamais été nuisible, il est même archi-nécessaire", a déclaré Matthieu de Montchalin, rappelant la sacro-sainte loi de la péréquation. Mais pour la lectrice Anne Delaplace, "cet afflux de nouveautés est parfois angoissant, il est difficile de s'y retrouver. Du coup, on se reporte souvent sur les classiques."

D'où la question du prix de vente des livres. "Si je sais exactement quel livre je vais acheter, le prix ne sera pas un obstacle, témoigne la lectrice. Mais si je flâne en librairie, j'achèterai peut-être un livre broché et le reste en poche... Je remarque aussi en tant qu'enseignante que pour les élèves, un livre dont le prix dépasse 5 euros commence à être cher."

Pour Marion Mazauric, "toute chose est relative. Le bon prix du livre est le bon prix pour son lecteur. Un public captif est prêt à payer plus cher pour l'auteur qu'il connaît. Mais les lecteurs prendront moins de risque sur un premier roman." Et Olivier Bétourné de pointer "l'idéologie de la gratuité qui vient corrompre l'approche du calcul du prix de vente en fonction du prix de revient. Il faut conserver en tête que le livre a un prix."

Le fausse note dans ce tableau consensuel est venu d'une question de la salle, pointant le nombre de livre "morts" après la rentrée littéraire et le pilon. Du coup, Marion Mauzaric s'est emportée contre le "manque d'autorégulation pour les livres subventionnés, publiés par des éditeurs non professionnels." Et sur la surproduction des "marchés en expansion sur lesquels tous les éditeurs se jettent. L'autorégulation se fait après le passage des contrôleurs de gestion."

15.04 2015

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