Enquête

Éditeurs (In)dépendants ? Vraiment ?

L'édition indépendante, tout un état d'esprit - Photo Laurence chéné

Éditeurs (In)dépendants ? Vraiment ?

Qu'est-ce qu'un éditeur indépendant ? Avant d'entamer notre tour de France et des mondes de l'édition, revenons sur une question de taille qui traversera sans doute les 2e Assises nationales de l'édition indépendante fin février à Bordeaux.

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Par Élisabeth Segard , Alexandre Mouawad
Créé le 06.02.2025 à 16h45

On oublie qu'il existe des maisons dites indépendantes de toutes les tailles, depuis l'éditeur qui tire à 200 exemplaires et entasse les cartons dans son salon, jusqu'à Albin Michel, qui pesait 231 millions d'euros en 2023 et publie Amélie Nothomb, Maxime Chattam et Mélissa Da Costa. Ou Michel Lafon, chez qui un livre vendu à moins de 10 000 exemplaires est ressenti presque comme un échec commercial. Mais la question est débattue sans fin : Qu'est-ce qu'une maison d'édition indépendante ? Et vis-à-vis de qu(o)i ? Des investisseurs ? Du marché ? Des partenaires ? Des lecteurs ? S'agit-il d'indépendance éditoriale ? d'indépendance financière ? Est-elle choisie ? Subie ?

« L'indépendance est avant tout un état d'esprit » , pour Benoît Laureau, cofondateur des éditions de l'Ogre en 2015. Mais les indépendants étaient plus nombreux dans les années 2000. Une partie d'entre eux a été rachetée et forme les galaxies que l'on connaît : Madrigall, Editis, Hachette ou encore Média Participations. On peut citer P.O.L, Héloïse d'Ormesson, le Cherche-Midi, Les Éditions du Sous-sol, Sarbacane... Ces éditeurs, conservent-ils une forme d'indépendance, adossés à de grands groupes ? Que reste-t-il de cet « état d'esprit » ? Pour beaucoup de ceux que nous avons interrogés à l'occasion du Podcast LH de Lauren Malka Les Voix du livre, l'indépendance n'est pas seulement administrative. Elle définit d'abord le rapport d'un éditeur à ses textes et le temps qu'il peut consacrer à ses auteurs.

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Les limites financières n'ont pas empêché la City, fondée par Frédéric Thibaud de remporter les enchères sur deux livres qui figurent dans le top 3 des mieux vendus en 2024, La femme de ménage et La sage-femme d'Auschwitz tous deux repris chez J'ai Lu. « Je ne vois pas trop de limites à mon indépendance, explique-t-il, mais c'est aussi parce que City suit un modèle classique, et que la visibilité d'un gros diffuseur, Hachette, est un soutien. » 

Mais quittons l'avenue Gutenberg pour la rue de Condé. « Une structure comme la nôtre tient du label, confirme Yves Pagès, codirecteur avec Jeanne Guyon de Verticales. Nous avons toujours été une collection, d'abord au sein du Seuil, puis aujourd'hui chez Gallimard, et, malgré tout, les lecteurs nous perçoivent comme une maison d'édition à part entière. La différence se joue plutôt entre petites et grosses structures, et Verticales est d'une agilité à faible coût, nous sommes deux éditeurs et un graphiste en free-lance, Philippe Bretelle. En revanche, il faut donner envie à la maison-mère de nous garder. Il faut se rendre incontournable, c'est un travail au long cours. »

Ces légères structures se consacreront davantage à l'éditorial, la maison-mère apportant ses services supports. Être adossé à un groupe peut offrir une certaine liberté d'esprit, car les petites maisons ont des résultats plus irréguliers. Yves Pagès souligne d'ailleurs qu'il préfère négocier avec les équipes de Gallimard qu'avec son banquier : « On se comprend, on parle la même langue. Ils savent qu'on ne peut pas avoir un best-seller chaque année. » Mais savent aussi que cela arrive régulièrement... 

Si l'indépendance de chacun est discutable, l'interdépendance de tous l'est beaucoup moins.

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