En décembre 2020, je quitte la Librairie des Pertuis à Oléron, où je travaille depuis trois ans. J’ai alors envie de faire totalement autre chose. Mais le projet de monter ma librairie, que je caresse depuis mes débuts dans le métier il y a dix ans, reste dans un coin de ma tête. Quelques mois plus tard, mon chemin croise celui de Margaux Segré, qui a envie d’arrêter. Pour moi, ça a été le signal qu’il était temps de me lancer. J’ai finalement racheté la librairie début juin et à peine 15 jours plus tard, j’étais sur les routes.
Le modèle de la librairie ambulante est réputé fragile. Qu’est-ce qui vous a attiré ?
C’est vrai, le métier est difficile et demande beaucoup de travail. L’itinérance y ajoute des contraintes comme la manutention, encore plus présente qu’en librairie statique, ou des horaires parfois étranges et très étendus. Certaines journées commencent à 7h sur un premier marché et finissent à 22h ou 23h sur un second. Mais je ne passe plus mon temps sous les néons d’un magasin et l’ambiance sur les marchés me plait beaucoup. C’est un microcosme très intéressant. L’objet librairie itinérante, et en premier lieu le camion, attire aussi un public de curieux qui ne fréquentent pas forcément les librairies statiques. La clientèle est plus variée et on retrouve une certaine proximité. Le temps de gestion réduit - je n’ai que 3 000 références maximum - m’autorise aussi à consacrer plus de temps aux gens.
Sur quels leviers allez-vous vous appuyer pour développer le Serpent d’Etoile ?
Margaux arpentait les environs de La Rochelle mais le tissu de librairies y était déjà bien fourni. J’ai donc déplacé les tournées sur Oléron. J’ai l’avantage de bien connaître le territoire, qui ne dispose que d’une seule librairie pour 20000 habitants à l’année. Cela laisse de la place à une structure comme la mienne qui se déplace notamment dans les communes les plus éloignées, au nord ou au sud de l’île. En été, je fais beaucoup de déplacements, 6 jours sur 7, et parfois sur deux marchés en une journée. Comme Oléron abrite un bon nombre de résidences secondaires, je compte garder ce rythme pendant les vacances. Sur ces deux premiers mois d’activité, j’ai réalisé la moitié du chiffre d’affaires (45000 euros) que Margaux parvenait à dégager à l’année avant le Covid. Ce qui me laisse penser que je ne suis pas très loin de mon point d’équilibre : avec un CA de 110000 euros, je peux me payer.
Et pendant les périodes creuses ?
C’est là que va se faire réellement le test. Pour me faire connaître et étendre ma zone de chalandise, j’espère pouvoir m’installer dans des endroits plus lointains, sur le continent par exemple. Mais il faudra alors bien calculer la rentabilité des déplacements et ne pas hésiter à visiter deux communes par jour. Je compte aussi sur les animations pour créer des rendez-vous. Tout cela devrait se déployer dans l’année qui vient.
Vous êtes limités à 3 000 références. Comment avez-vous composé votre assortiment ?
Je l’ai pensé selon le principe : un peu de tout pour tout le monde. Le Serpent d’étoiles est donc une librairie généraliste avec de la littérature comme du manga ou du pratique et une bonne proportion de jeunesse. La contrainte liée à l’espace limité du camion me plait bien : elle m’oblige à faire des choix drastiques mais personnalisés et à naviguer sur le fil, entre meilleures ventes et livres moins médiatisés.