Il en arrive des choses les jours de grand vent ! Tenez, par exemple, Louis le mouton, il broute tranquille son herbe quand soudain une belle couronne bleue lui échoit sur le sommet du crâne. Comme chacun sait, l’organe crée la fonction. Et voilà que notre quadrupède se dresse illico sur ses pattes arrière, premier symbole de son tout nouveau pouvoir. Un sceptre et un trône plus loin, on le voit couché dans son lit d’apparat, entouré de sujets bêlant d’admiration qui assistent à son coucher. Des grands monarques, il a tous les tics : chasse à courre, jardins à la française, spectacles mirifiques… Il n’y a pas de lions dans son royaume ? Que nenni ! Il suffit d’en faire venir ! Comment s’y prendre pour les défilés militaires alors que ses sujets n’ignorent pas le pas de l’oie ? Qu’à cela ne tienne ! Ils marcheront au pas de mouton ! De la monarchie au despotisme, il n’y a qu’un pas que Louis Ier franchit sans aucun état d’âme. S’en suit un décret terriblement discriminant : seuls les moutons les plus beaux pourront fréquenter la cour, qu’on se le dise. Mais comme tout a une fin, un jour de grand vent, alors que Léon Ier broute tranquille son herbe…
La drôlerie de cette fable animale sur les dérives du pouvoir est rehaussée par le talent d’Olivier Tallec, illustrateur connu jusqu’au Japon pour sa saga Rita et Machin (Gallimard Jeunesse). De dessin en dessin, on voit le benoît roi Louis à la bonne bouille se muer en despote non éclairé qui redresse crânement le menton. Quant à ses sujets moutons, leur expression placide, béate et vide de la moindre lueur d’intelligence, ils sont irrésistibles !
Fabienne Jacob