17 avril > Reportage littéraire Inde

Journaliste goanaise qui vit entre l’Inde et San Francisco, Sonia Faleiro s’est fait connaître par ses reportages sur des sujets épineux, tant aux Etats-Unis que dans le sous-continent. Bombay baby, qu’elle intitule « reportage littéraire », a apporté à son travail une consécration, puisque le livre a été sacré « meilleur livre de l’année » par plusieurs journaux et magazines anglais. A juste titre.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Situé en 2005 - on comprend pourquoi dans la deuxième partie -, Bombay baby s’attache au sort de Leela - son nom de scène -, une victime comme il y en a beaucoup en Inde et ailleurs dans le monde. Née dans une famille misérable de Meerut, Etat de l’Uttar Pradesh, son enfance fut un calvaire, entre Apsara, une mère peu farouche, femme battue et soumise qui finira quand même en maquerelle à Bombay, et un homme, Manohar (on n’ose parler de père), alcoolique, violent, qui livre sa fille, dès l’âge de 10 ans, à dépuceler et violer par ses amis flics ripoux, en échange de quelques faveurs. Mais Leela a un sacré caractère, et un formidable instinct de survie. Trois ans après, elle part pour Bombay, la mégalopole la plus dynamique de l’Inde, la ville de tous les possibles où le luxe le plus insolent côtoie la misère la plus farouche, de tous les trafics aussi, où elle est sûre de pouvoir faire son trou. Et elle y parvient. A 19 ans seulement, la voilà bar dancer au Night Lovers, un endroit « chic » et non un vulgaire bar à putes, même si elle et ses copines, comme Priya, sa meilleure amie, sont aussi des prostituées. Elle gagne très bien sa vie, envoie des subsides à sa mère pour entretenir ses fainéants de frères. Apsara vient même rejoindre sa fille à Bombay. Dans cette ville qui « sent la merde », Leela a compris que tous les moyens étaient bons pour survivre, et que money égale azaadi, liberté.

Bien sûr, tout n’est pas rose : il y a le patron, le gros Shetty, plutôt protecteur, mais rapace, les macs qui tournent autour des filles, les flics qui exigent des pots-de-vin en échange de leur bienveillance, le racket de la mafia locale. Le monde de Leela, sa clientèle, c’est celui des Baba Dons, les caïds, mais surtout des chamar chor, de petits voyous prêts à tout qui finissent souvent par devenir des assassins et meurent jeunes. Mais une sorte de société parallèle s’est ainsi créée et fonctionne. Jusqu’à ce jour de septembre 2005 où R. R. Patil, Chief-minister du Maharashtra, l’Etat dont Bombay/Mumbai est la capitale, décide d’interdire la danse dans les bars, les condamnant ainsi à fermer. Une catastrophe pour Leela, Priya et leurs consœurs, contraintes d’aller travailler à l’étranger, dans les Emirats. Où leur sort d’esclaves sexuelles sera pire encore qu’au pays. En 2010-2011, la Cour suprême de l’Inde contestait encore cette mesure faussement morale. Trop tard pour Leela.

Bombay baby est un récit âpre, au contact d’une réalité rendue sur le vif - morceaux d’interviews, collage entre plusieurs langues indiennes - : hindi, marathi et « inglish », avec pour dieu suprême le bijniss. J.-C. P.

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