Il faut imaginer Bardot heureuse. Et faute de pouvoir jamais y parvenir tout à fait, concéder que notre trésor national en robe de vichy fut, demeure et restera un objet de fascination et un formidable sujet de livre. C'est une époque (au moins), c'est un pays que dessine la trajectoire de cette femme, depuis la petite Parisienne des beaux quartiers qui s'échinait, un peu Zelda, un peu Catherine Certitude, à devenir danseuse, jusqu'à la misanthrope de la Madrague, donnant son avis sur tout au risque assumé de raconter n'importe quoi. Peu importe, il n'est pas nécessaire de comprendre Bardot, il faut seulement l'aimer. Comprendra-t-elle elle-même à la lecture de ce Brigitte Bardot, plein la vue que lui consacre Marie-Dominique Lelièvre, combien cette fois-ci, elle l'est ? La biographe de Sagan, de Gainsbourg et de Saint-Laurent poursuit avec B.B. son tour d'horizon des mythologies de la France des Trente Glorieuses. Elle procède sans complaisance - ce n'est pas le genre de la maison -, avec son talent coutumier pour le portrait en pointe sèche, mais ce qui se dégage de ces pages c'est moins la trouble fascination pour des monstres, fussent-ils charmants, qu'une bienveillance nouvelle (née sans doute de cet aveu au détour d'une page, "Bardot, c'est ma mère"). Certes, elle ne cache rien des crapuleries de la bande à Vadim, des pas de deux ambigus entre la star et la presse people, mais ce que Marie-Dominique Lelièvre nous offre avant tout, c'est un portrait de Bardot en enfant perdue. Ce sera donc l'histoire, tristement classique, d'une gamine qui faute d'avoir vraiment été regardée par les siens s'invente une vie en s'offrant aux regards et au désir de tous. Et se perd peu à peu sans espoir de retour, parmi trop d'hommes, trop de photos, trop de solitude, et finalement, pas assez d'amour.