12 février > Essai France

Le député jacobin Torné propose en 1792 l’interdiction générale et absolue du costume religieux dans l’espace public. La loi de 1905 relative à la séparation de l’Eglise et de l’Etat adoptera une position plus libérale : laïcité égale neutralité de l’Etat vis-à-vis de la question religieuse. Aucun signe ostentatoire d’appartenance à telle ou telle croyance dans les administrations publiques mais liberté totale d’afficher sa foi en société. Le prêtre traditionaliste en soutane, le juif pratiquant arborant la kippa, le moine bouddhiste en robe safran peuvent déambuler dans la rue sans craindre de violer le principe de laïcité. Quid de la musulmane en burqa ? Réponse dans le Journal officiel de la République française daté du 12 octobre 2010 - la loi énonce : "Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage", ergo le voile intégral est prohibé. "Etrange loi", note Constantin Languille, auteur de La possibilité du cosmopolitisme : Burqa, droits de l’homme et vivre-ensemble qui expose, sans pathos et sur le plan du raisonnement juridique, les tensions entre démocratie et vivre-ensemble. En quoi quelqu’un qui cache son visage trouble-t-il concrètement l’ordre public ?

Les parlementaires ont invoqué l’égalité homme-femme, les valeurs de la République : laïcité, liberté, égalité, fraternité, universalisme… Le Conseil constitutionnel en validant la loi s’est implicitement prévalu de la notion d’"ordre public immatériel", défendu par le juriste Guy Carcassonne qui avait conseillé le gouvernement. La burqa serait contraire à ce que le constitutionnaliste appellerait notre ""code social", reposant sur un socle de valeurs implicites". La vérité, c’est que le voile intégral constitue pour la majorité des Français une violence symbolique, une atteinte insupportable à l’image que l’on se fait de la femme et à la communication sociale. Certains sociologues y ont plutôt vu une preuve d’islamophobie. Taxés de communautaristes par les républicains fidèles au concept d’Etat-nation, les champions d’une société "cosmopolitique" - une démocratie pleinement ouverte au monde - pointent le doigt sur la faillite d’un système paternaliste et hypocrite qui n’a pas su intégrer les immigrés.

L’universalisme à la française n’étant autre que les valeurs hexagonales imposées à l’ensemble de la planète. Le débat n’est pas près de se refermer. S. J. R.

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