Pour son éditeur, Pierre Fourniaud, directeur de La Manufacture de livres, c'est une divine surprise : les droits de Ce qu'il faut de nuit, premier roman d'un inconnu, ont déjà été cédés, avant sa parution, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas. Et ce n'est sans doute pas fini. La preuve qu'un roman français peut être à la fois très français, ancré dans un terroir, la Lorraine, le milieu ouvrier, et raconter une histoire banale en apparence, la tragédie d'une famille frappée par le malheur, et atteindre à l'universel. Ce n'est pas si fréquent.
L'auteur, Laurent Petitmangin, semble avoir puisé dans son vécu personnel un certain nombre d'éléments : l'environnement régional, la région de Metz touchée depuis des lustres par la désindustrialisation ; le contexte social : un milieu ouvrier déboussolé, en perte de repères ; et politique, avec la montée de l'extrême-droite sur des terres qui votaient autrefois toujours à gauche, souvent communiste. Les jeunes, notamment, sont les premières cibles, les premières victimes de cette situation. C'est le cas de Frédéric, que l'on surnomme Fus (à l'allemande, le Luxembourg est tout proche), dérivé de Fussball, à cause de sa passion pour le ballon rond, où il excelle. Un gamin épatant, jusqu'à ce que sa mère tombe malade, puis décède d'un cancer.
Le père, un type jusque-là sans histoires, monteur de câbles à la SNCF, militant d'un PS en totale déliquescence, fait de son mieux pour les élever, lui et son jeune frère Gillou. Mais rapidement, Fus part en vrille. Il laisse tomber ses études, se met à fréquenter des gars peu recommandables, des fachos. Son caractère et son comportement à la maison s'en ressentent. S'il reste toujours proche de son cadet, avec le père les ponts sont rompus. Le malaise, la réprobation, le silence s'installent. Jusqu'au jour où un autre drame va tout faire basculer : Fus, qui distribuait des tracts du FN avec sa copine, s'est fait salement tabasser par des antifas, des militants d'extrême-gauche, dont l'un, Julien, au visage grêlé. Il est ensuite retourné pour se venger, et a tué son agresseur à coups de barre de fer. Comment le père va-t-il réagir ? On n'en dira pas plus. Héritier d'un certain naturalisme, Laurent Petitmangin a composé un roman âpre, tout en pudeur et en retenue, avec des personnages attachants (le brave Gillou, par exemple, qui saura prendre l'ascenseur social et réussir ses études à Paris), servi par un style sans fioritures. Son authenticité, sa problématique très contemporaine peuvent faire son succès.
Ce qu'il faut de nuit
la Manufacture de livres
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 16,90 euros ; 192 p.
ISBN: 9782358876797