Un père inventeur, une mère féministe dont le père disait qu'elle avait toujours raison même quand elle avait tort. Voilà comment on devient non-conformiste. John Cage (1912-1992) a toujours été dans les marges, de la musique, de l'enseignement, de l'existence même. Son autobiographie exhale tout cela, ce parfum entêtant et libertaire, cette force de conviction qui devient presque agaçante à la longue tant elle paraît exemplaire. Ce texte tiré d'une conférence donnée à Kyôto en 1989, proposé en anglais et en français, est un régal. Un homme à l'affût des sources de plaisir s'y dévoile. C'est sur ce seul principe qu'il a quitté ses pinceaux pour étudier la musique avec Schoenberg. Sans transition, il passe de Max Ernst à Merce Cunningham dont il fut le directeur musical. Avec la même frénésie, il s'adonne au bouddhisme zen, étudie les champignons, fait de la lithographie, s'inspire des tableaux blancs de Rauschenberg pour ses compositions et dit préférer Satie à Beethoven. Pour montrer que le silence n'est pas l'absence de bruit, il signe 4'33", une pièce sans notes mais pas sans son. « Ma musique préférée est celle que je n'ai pas encore entendue. Je n'entends pas la musique que j'écris. J'écris pour entendre la musique que je n'ai pas encore entendue. »
John Cage cultive l'art du paradoxe comme une plante hallucinogène dont il savoure par avance les effets. Il pousse toujours le bouchon assez loin en prenant le risque de ne plus le distinguer et de ne pas être compris. « Je voulais rendre la musique aussi difficile que possible pour que l'exécution montre que l'impossible n'était pas impossible. » Tout John Cage est dans ce dépassement permanent. En fin de compte, les seuls événements qu'il a vraiment préparés dans sa carrière ce sont ces fameux pianos dans lesquels il plaçait différents objets pour en altérer le son. Tout chez lui relève de l'expérimentation radicale, et il conçoit l'existence comme audace permanente. Il ne s'en cache pas et revendique l'avant-garde comme seul chemin de son harmonie personnelle. « Ouvrez ce livre et toutes les portes où que vous les trouviez. Il n'y a pas de fin à la vie. Et ce livre prouve que la musique en fait partie. » Que l'on soit ou non réceptif aux œuvres de John Cage, on ne peut qu'être sensible à sa formidable liberté d'esprit et de vie dont ce précieux petit texte témoigne.
Autobiographie - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Monique Fong-Wust
Allia
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 6,50 euros ; 64 p.
ISBN: 979-10-304-1180-5