Livres Hebdo : Créée en 2022, l'émission du Book Club existait avant votre arrivée. Comment vous êtes-vous approprié ce format ?
Marie Richeux : C’est une proposition que j’ai accueillie avec enthousiasme. Ce que j’aime dans ce format, c’est justement cette idée de communauté. À la radio, il existe déjà une forme d’intimité collective entre l’antenne et ceux qui écoutent. Le Book Club vient renforcer ce lien, en misant sur le plaisir du partage, l’accueil, l’ouverture : des valeurs que l’on associe volontiers au service public, et qui me tiennent à cœur.
Comment expliquez-vous le succès de l’émission ?
Il y a toujours une part de mystère. Je ne suis pas certaine de pouvoir l’expliquer, mais je m’en réjouis ! Parler des textes, le faire dans un long format avec de la générosité, une exigence littéraire, de la rigueur et de la curiosité… Si tout cela trouve un écho chez les auditeurs, c’est que le pari est réussi. Cela fait maintenant quinze ans que je fais de la production radio, et cette expérience m’a offert une grande liberté dans la manière d’aborder le récit, en laissant une place importante à la subjectivité et à la première personne. Mon travail s’est toujours situé dans le champ de l’art, un territoire sensible où la rigueur factuelle, fondamentale ailleurs, se fait moins pesante. La seule rigueur absolue que j’applique concerne le respect des valeurs républicaines et du cadre du service public.
Lors de votre rendez-vous du vendredi, intitulé Dans la bibliothèque de…, vous visitez vos invités chez eux. Comment concevez-vous ce rapport entre la lecture et l'intime ?
C’est une démarche que j’aborde avec beaucoup de précaution. Demander à quelqu’un de parler de ses lectures, c’est l’inviter à se dévoiler. Je suis une personne très pudique, donc j’avance toujours avec une grande attention : je m’assure que ce qui est partagé l’est en toute confiance. Je ne vais jamais chercher la confidence ou la révélation personnelle. En revanche, quand un livre ouvre une porte, quand l’intime s’exprime déjà par l’écriture, alors il me semble légitime d’explorer ce terrain avec l’auteur. Ce qui m’intéresse, c’est moins l’intimité de la personne que la relation intime qu’elle entretient avec une œuvre.
Comment attisez-vous la curiosité des auditeurs dans l’émission ?
J’essaie d’abord d’installer une atmosphère, un ton : celui de l’accueil, de l’attention sincère. Si vous écoutez votre invité avec concentration et générosité, je suis convaincue que cette qualité d’écoute se transmet aussi à ceux qui sont à l’antenne.
Et puis, il y a tout le travail collectif en amont, notamment sur la programmation : choisir qui fait entendre sa voix, faire dialoguer les invités avec les questions de notre époque, trouver l’équilibre entre notoriété, pertinence et découverte. Il y a aussi une réflexion sur la valorisation des contenus, via la communication et la vie numérique, qui est devenue essentielle aujourd’hui.
Croyez-vous encore à la réconciliation entre les Français et la lecture ?
En France, nous avons des atouts formidables, à commencer par l’école publique, l’accès à la littérature, et une histoire nationale profondément liée aux Lettres. Mais la question de l’accès réel est plus complexe. On peut se féliciter pour un réseau très riche de bibliothèques publiques, tout en sachant que, dans certains endroits en France, des enfants n’osent pas pousser la porte d’une bibliothèque, simplement parce qu’ils n’y ont jamais été invités, ni entendu dire que cela pouvait être pour eux. Les outils existent, oui, mais encore faut-il avoir les moyens d'actionner les politiques publiques qui les accompagnent.
Ce que l'on peut dire à l'échelle du Book Club, c’est que la communauté du compte Instagram de l'émission progresse de manière exponentielle. Les discussions y sont joyeuses, animées, précises, intelligentes. Mais quelle est sa part de représentation ? J’ai un grand désir de ça et ce n’est pas juste un désir de producteur, mais de service public. En valorisant cette émission, France Culture promeut la lecture, les livres, et mise sur la curiosité des gens, sur leur intelligence. C’est une mission du service public et c’est notre espoir.