7 janvier > Histoire France

Difficile de faire entendre sa voix quand presque tout le monde veut écouter autre chose. C’est ce qui est arrivé à Maisie Renault. Sœur du colonel Rémy, elle rejoint la Résistance dès l’été 1941. En 1942, elle est arrêtée par la Gestapo avec sa jeune sœur, Isabelle. En août 1944, après plusieurs prisons, elle est envoyée au "pays de la mort", au camp de Ravensbrück, où elle retrouve d’autres résistantes françaises comme Germaine Tillion.

Elle publie son récit en 1948, à un moment où l’on n’entend pas la voix des déportés, avec un avant-propos de son frère. Pour ce livre choc, elle reçoit le grand prix Vérité, créé par Le Parisien libéré. L’historien Christian Delporte a eu la belle idée de rééditer ce qui fut le seul livre de Maisie Renault, dans la perspective des commémorations pour le 70e anniversaire de la libération des camps. Ce témoignage, écrit à chaud, se distingue par son côté descriptif du martyre quotidien : les blocs sales qui délimitent ce "quartier de la misère", la vermine, les poux, la dysenterie, la lutte pour manger, pour dormir, pour conserver une dignité que les gardiennes cruelles veulent faire disparaître. "Si nous voulons tenir, il ne faut pas penser", note Maisie Renault. Seulement parler, de tout, de rien, pour gagner du temps sur la mort.

Dans ce camp de femmes, elle raconte les "folles" encore plus décharnées qui se déchirent pour un quignon de pain, les SS avec leurs chiens qui les regardent en riant ou l’arrivée de nouvelles dans le baraquement qui se battent pour des lits : "A Auschwitz, nous ne savions jamais la veille si le lendemain nous serions vivantes. Nous voulons dormir ce soir ; s’il le faut, nous tuerons quelqu’un, mais nous dormirons."

Maisie Renault et sa sœur comptent parmi les 17 survivantes sur les 300 femmes du convoi de Romainville restées à Ravensbrück, avant de rejoindre le camp de Rechling où elles seront libérées par la Croix-Rouge suédoise. Dans ce document, elle ne se demande jamais pourquoi des êtres humains infligent cela à d’autres êtres humains. "Quel que soit le danger, ne jamais laisser voir qu’on a peur." C’est cette absence de jugement qui saisit toujours. Ne reste que la mémoire brute, le souvenir mat et glaçant, la foi qui permet de tenir. Maisie Renault est morte à Vannes en 2003. Elle avait 95 ans. L. L.

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