En créant en 2002 dans sa ville de Vincennes le Festival America, Francis Geffard souhaitait modestement ouvrir un espace où les écrivains d'outre-Atlantique "pourraient dialoguer, échanger avec le public et entre eux". Dix ans plus tard, la manifestation, dont Livres Hebdo est partenaire pour une demi-journée professionnelle le 20 septembre, s'est imposée comme l'un des tout premiers festivals littéraires du pays. Or son succès qu'on mesurera, lors de sa nouvelle édition du 20 au 23 septembre, doit autant à la passion et au professionnalisme de l'équipe organisatrice qu'à la transformation des rapports entretenus avec les Etats-Unis par le public français, qu'elle a su percevoir et accompagner.

Les représentations mythiques du Nouveau Monde ont, avec la puissance du "soft power" culturel américain, leur part dans l'intérêt suscité chez nous par les littératures américaines. Mais, de plus en plus depuis dix ans, une autre Amérique se présente à nous. Les attentats du 11 septembre 2001 et leurs conséquences ont profondément imprégné le roman américain contemporain. Avec la montée en puissance de l'Asie et plus largement des "Brics", ils l'ont rendue plus perméable aux ébranlements du monde, moins arrogante, plus ouverte aux idées venant d'ailleurs, plus proche en somme.

Pour s'en tenir au monde du livre, ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est au cours de la dernière décennie qu'Hachette a pu s'ancrer aux Etats-Unis, après un premier échec et celui de Vivendi dans la période précédente. Mais cette expérience, qui contribue sans doute au rapprochement des cultures, a aussi son revers. Elle se solde pour le groupe français par une facture de plusieurs dizaines de millions de dollars, au seul motif qu'il s'est efforcé de contenir les rabais d'Amazon sur les prix des livres numériques pour juguler les risques de constitution d'un monopole dans la distribution, aux Etats-Unis et dans le monde. C'est loin, l'Amérique ? Encore un peu, oui.