" Les libraires viennent de modifier leurs étiquettes dans une assez grande indifférence, l'augmentation de la TVA n'aura pas servi de détonateur au débat public sur la politique de l'écrit, même si elle focalise l'attention des politiques... En toile de fond, une guerre de position oppose deux autres maillons de la "chaîne du livre" : éditeurs et bibliothécaires. Deux organisations professionnelles, l'IABD (Interassociation archives, bibliothèques documentation) et le SNE (Syndicat national de l'édition) ont fait paraître des revendications opposées, destinées aux candidats.
D'un côté, "Pour une politique publique d'accès à la culture, à la connaissance et à l'information". De l'autre, "Réaffirmer le droit d'auteur à l'ère du numérique".
D'un côté, l'affirmation d'un intérêt public : gratuité des publications produites grâce à l'impôt (recherche universitaire notamment), licences négociées collectivement, exceptions pour des usages non marchands, notamment à visée culturelle et pédagogique. De l'autre, une condamnation de la gratuité totale, l'affirmation d'un droit d'auteur rigoureusement appliqué, sans aucune exception pour les usages pédagogiques ou spécialisés, par peur qu'un fichier numérique soit dupliqué indéfiniment.
Plus qu'une chaîne du livre, on a l'impression d'une chaîne arrimant le droit d'auteur, comme une image inversée des représentations de la culture libératrice chères aux Lumières.
Historiquement, l'opposition n'est pas neuve, chaque révolution technologique de l'écriture a entraîné des convulsions, puis des modifications. Texte après texte (plan Besson, schéma numérique des bibliothèques, 14 propositions pour le développement de la lecture...), chaque camp élève donc des murs d'interprétation ; au-dessus d'eux vient de jaillir la Copy Party tirée par d'habiles artificiers, et chacun se demande où la fusée va retomber.
On voit pourtant bien que toutes les frontières sont bouleversées, le numérique abolit la distinction entre conservation et diffusion, il introduit des formes de culture de masse hors pratique scolaire, il transforme le stock en service. Le numérique n'est pas en aval du papier, mais en amont. Peut-on gérer un territoire si neuf avec nos vieilles cartes ou faut-il changer de regard sur le paysage ? Quand l'information circule partout, chaque singularité sur la Toile fait sens, elle mêle édition, diffusion, distribution. Les bibliothèques deviennent productrices et l'édition encourage la lecture dans le même flux. Faisons droit au changement d'ère ! "
ADBGV : Association des directeurs des bibliothèques des grandes villes de France.