Que 200 écrivains et plus, dont plusieurs de premier plan, se soient émus, au point de pétitionner, devant l’attribution à Charlie Hebdo par le Pen American Center, le 5 mai à New York, de son Pen/Toni and James C. Goodale freedom of expression courage Award laisse perplexe. Certes, les réfractaires ont pris la précaution d’assurer, à l’instar de Francine Prose à l’Associated Press, qu’ils défendaient "la liberté de s’exprimer sans restrictions". Ils refusent simplement que le mode d’expression de Charlie fasse l’objet d’un "couronnement enthousiaste". Il n’empêche.
Au mieux, les pétitionnaires "choqués" par les caricatures de Mahomet, qui éclipsent malheureusement l’extrême diversité du travail des journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo depuis de longues années, font preuve d’une méconnaissance regrettable de l’esprit et des intentions de l’hebdomadaire satirique. Au pire, ils confondent l’hommage rendu par le Pen à "un engagement en faveur de la liberté d’expression, quel qu’en soit le prix" avec une approbation de la ligne éditoriale de Charlie Hebdo. Dans tous les cas, ils oublient qu’il ne peut y avoir une bonne et une mauvaise liberté d’expression et que, comme l’a rappelé le rédacteur en chef de l’hebdomadaire, Gérard Biard, très applaudi par les 800 écrivains réunis au gala annuel du Pen, si "être choqué fait partie du débat démocratique, être tué non".
Cette polémique a au moins le mérite de faire ressortir l’ampleur et la diversité de l’impact produit par les événements de janvier. Son onde de choc, portée par la quarantaine de livres programmés ce printemps, rebondit une nouvelle fois dans les palmarès des meilleures ventes. Avant le Catharsis de Luz à la fin du mois, et probablement le Qui est Charlie ? d’Emmanuel Todd, déjà très médiatisé, l’Eloge du blasphème de Caroline Fourest ouvre le bal cette semaine. C’est bien le moins que le livre s’impose comme le vecteur privilégié de débats qui le concernent au premier chef.
