Avant-critique Essai

Christopher Clark, "1848, le Printemps des peuples. Se battre pour un monde nouveau" (Flammarion)

Christopher Clark - Photo © Nina Lübbren

Christopher Clark, "1848, le Printemps des peuples. Se battre pour un monde nouveau" (Flammarion)

L'historien australien Christopher Clark raconte l'année 1848 sur le Vieux Continent en quête d'un monde nouveau.

Parution 2 octobre

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Par Laurent Lemire
Créé le 26.09.2024 à 14h00

L'Europe en ébullition. Quand on se trouve dans une impasse politique, une alternative s'impose le plus souvent : retourner sur ses pas ou briser le mur en imaginant de nouvelles perspectives. L'historien australien et professeur à Cambridge Christopher Clark a choisi de raconter ceux qui ont ouvert de telles portes en 1848. Et pas seulement en France. Car cette effervescence s'est produite dans plusieurs régions en Europe comme s'il y avait eu une prise de conscience générale face à un bouleversement économique, social et culturel. Ainsi, le Printemps des peuples enflamme le Vieux Continent. En France, en Italie, en Hongrie, en Allemagne, en Autriche, en Pologne, on croit à la révolution − mais c'est la répression qui arrivera. Les activistes se nomment Lamartine, Mazzini, Robert Blum, Széchenyi ou Kossuth. Dans ce contexte, les Juifs sont émancipés et les esclaves libérés. Les femmes aussi participent à ce mouvement, comme la comtesse Marie d'Agoult, la princesse milanaise Cristina di Belgiojoso ou la journaliste américaine Margaret Fuller.

Christopher Clark dépeint avec fougue cette Europe en ébullition. Déjà, dans Les somnambules (Flammarion, 2013), il montrait comment elle avait marché, hallucinée, vers la guerre à partir de l'été 1914. L'ouvrage a reçu de nombreux prix à l'étranger et en France et a connu un beau succès en librairie (29 000 exemplaires GfK et 18 000 en poche). Avec la même méthode, il collecte ici des quantités de données pour les fédérer au service d'un grand récit. Il s'agit pour lui moins d'apporter des faits nouveaux que de les agencer autrement pour éclairer l'événement.

Cette manière de faire et de voir rappelle le beau livre de l'universitaire allemand Dolf Oehler, Le spleen contre l'oubli (Payot, 1996, réédité par La Fabrique en 2017) qui traitait de la même période, via les écrivains. La société qui s'installe alors sur les ruines d'une République n'a plus besoin de la littérature. Désormais, elle n'a que faire des vertus de tolérance et place les écrivains sous la tutelle de la morale. Ces reliquats d'une liberté perdue serviront de terreau aux fleurs maladives de Baudelaire. Ils feront croître aussi un sentiment nouveau, la mélancolie, seule façon pour ces auteurs modernes de s'opposer à une bourgeoisie aussi pâle que triomphante, une bourgeoisie pécheresse fustigée par Sartre dans L'idiot de la famille, son grand livre sur Flaubert, l'un des chantres de cette avant-garde littéraire.

Ce Printemps des peuples si bien évoqué par Clark a surgi de la précarité d'un milieu social malmené par des changements rapides, à la suite de crises agraires et industrielles. Il en résulte une « rencontre complexe entre des pouvoirs anciens et des nouveaux pouvoirs » pour aboutir à une autre vision du monde. Peut-être ce qui nous manque aujourd'hui.

Christopher Clark
1848, le Printemps des peuples. Se battre pour un monde nouveau
Flammarion
Traduit de l’anglais (Australie) par Marie-Anne de Béru et Gabriel Boniecki
Tirage: 6 500 ex.
Prix: 35 € ; 815 p.
ISBN: 9782081482050

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