15 mai > Essai France

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Dans son récent Court traité de complotologie (Mille et une nuits, 2013), Pierre-André Taguieff expliquait combien les fantasmes de la conspiration nourrissaient l’antisémitisme et la xénophobie. Dans ce copieux Dictionnaire historique et critique du racisme, à la tête de 250 spécialistes, il développe ce thème en faisant appel à tous les champs du savoir dans le domaine des sciences sociales pour fournir un éclairage décomplexé sur la question.

Directeur de recherche au CNRS (Cevipof, Centre de recherches politiques de Sciences po Paris), grand spécialiste du racisme, Pierre-André Taguieff se propose de circonscrire ce vaste sujet auquel il a déjà consacré plusieurs ouvrages. Pour cela, il a fait appel à quelques pointures pour rédiger les 540 articles qui convoquent l’histoire, la sociologie, la biologie, la criminologie, l’anthropologie, la linguistique ou la philosophie.

« Il s’est agi pour nous de présenter, de la façon la plus objective qu’il est possible, les pièces des multiples débats qui se poursuivent sur “le racisme?, c’est-à-dire, selon la formule convenue mais fort justifiée, “le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie?, conscients que chacun de ces termes se dit en plusieurs sens, selon les contextes, les visées théoriques ou les objectifs polémiques. »

Dans une mise en perspective historique et comparative, on trouve donc dans cette encyclopédie pluridisciplinaire les auteurs racistes, antiracistes, ou ceux dont les travaux ont été utilisés par un camp ou par l’autre, tel Darwin, mais aussi les notions (sexisme, homophobie, communautarisme, etc.), des termes associés (progrès, élitisme, choc des civilisations, identité, etc.) et, bien sûr, l’état des recherches pour chacune des entrées.

Mais que retient-on d’un tel édifice intellectuel ? Moins une vision qu’une approche. Taguieff sait que le racisme - tout comme l’antiracisme dont il n’est ici pas dissocié - est un mot gigogne, un mot piège mis à toutes les sauces au risque d’affaiblir ce qu’il représente vraiment. Pour contourner cet obstacle de taille, cet ouvrage aborde le racisme comme objet de connaissance historique. Il préfère l’examen critique à la disqualification, l’analyse scientifique à la dénonciation. Du racisme, il dévoile le mécanisme mental, ses origines historiques, ses ramifications idéologiques et son installation dans les discours. De l’insulte au génocide, la distance est immense, mais la direction reste la même. Nommer « raciste » une doctrine, une personne ou un acte ne suffit pas, ainsi que le constate Pierre-André Taguieff. « Le racisme n’explique rien : il est bien plutôt à expliquer. » D’où ce dictionnaire envisagé il y a près de quinze ans et qui paraît fort utilement, dans un climat social où l’on constate un délitement du vivre-ensemble. C’est donc un peu plus qu’une montagne de connaissances pour lutter contre les préjugés. Un livre pour réfléchir et s’engager.

L. L.

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