Bande dessinée

À BD à Bastia, la rémunération des auteurs exposés en question

Juana Macari (Una Volta), Amélie Payan (galerie Huberty & Breyne, Paris) et Emma Veyron (ADAGP), lors d'une rencontre professionnelle de BD à Bastia, le 5 avril 2025. - Photo Benjamin Roure

À BD à Bastia, la rémunération des auteurs exposés en question

Peu pratiqué par les festivals de BD, le versement d’un droit d’exposition aux auteurs dont les œuvres originales sont montrées commence à faire son chemin. Lentement, et laissant souvent les scénaristes de côté. C’est ce qui est ressorti d’une rencontre professionnelle du festival BD à Bastia sur ce thème.

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Par Benjamin Roure à Bastia,
Créé le 06.04.2025 à 09h51

Les auteurs et autrices de bandes dessinées, dont les œuvres sont exposées dans les festivals, doivent-ils être rémunérés ? La question était au centre d’une rencontre professionnelle du festival BD à Bastia, au centre culturel Una Volta, samedi 5 avril, animée par deux membres de l’ACBD (Association des journalistes et critiques de bande dessinée). Et la réponse n’est pas si évidente. « Le droit d’exposition ou de monstration est prévu par une loi de 1957, reprise dans le code de la propriété intellectuelle, et prévoit qu’un artiste doit toucher des droits quand son œuvre est montrée au public, quel que soit le procédé, a rappelé Emma Veyron, chargée d’adhésion et de l’action culturelle à l’ADAGP (organisme de gestion du droit d’auteur pour les arts visuels). Hélas, s’il est commun que des droits soient versés pour des projections de film ou des concerts, dans les arts visuels comme la bande dessinée, c’est plus difficile à mettre en place. Pendant longtemps, il a été considéré que l’exposition faisait partie de la promotion d’un livre et ne nécessitait pas de rémunération. »

Un peu comme l’acte de dédicacer, finalement : la rémunération des auteurs et autrices pour les dédicaces est une avancée toute récente dans le monde des festivals BD. « Il y a une progression, depuis les dix dernières années, sur la rémunération des auteurs, sous l’impulsion du CNL, de la Sofia, de l’ADAGP notamment, a constaté Juana Macari, directrice du centre culturel Una Volta. Les différentes activités proposées aux auteurs doivent être rémunérées, cela a commencé par les ateliers et les rencontres, puis les dédicaces. Le droit d’exposition n’est appliqué que depuis quatre ou cinq ans à Bastia. »

Car, évidemment, avec des coûts de production qui enflent (sur les postes de construction, de transport ou d’assurance principalement), rémunérer une vingtaine d’auteurs pour montrer leurs planches originales n’est pas anodin. Ce qui ne se fait d’ailleurs pas en galerie, a rappelé Amélie Payan, directrice de la galerie Huberty & Breyne à Paris, spécialisée dans le dessin et la BD contemporaine. « Il n’y a pas de droit de monstration en galerie, l’artiste est rémunéré sur la vente de ses œuvres. Il touche en général 50 % du montant. »

Bonnes pratiques

Dans un secteur de la bande dessinée qui commence à tirer la langue, et pour des auteurs qui vivent de moins en moins de leur contrat d’édition, l’exposition et la vente de planches peuvent représenter un complément de revenu non négligeable. En festival, le barème que l’ADAGP a négocié et fait valider par le ministère de la Culture recommande le versement minimum de 1 000 euros pour une exposition monographique, à partager entre les artistes exposés, avec un minimum de 150 euros en cas d’exposition collective à partir de sept artistes. 

Mais ces bonnes pratiques ne sont pas toujours appliquées à la lettre, comme l’a expliqué Juana Macari, tout en déplorant le manque d’accompagnement des organismes et institutions sur le sujet : « Il peut être difficile d’atteindre ce montant de 1 000 euros pour un artiste dont l’exposition sera de taille modeste. À BD à Bastia, nous faisons attention à ce que tous les auteurs invités perçoivent une juste rémunération pour l’ensemble de leurs activités sur le festival. »

Enfin, la place – et donc la rémunération – du scénariste a été questionnée, notamment par la voix de l’auteur Philippe Dupuy et du scénariste José-Louis Bocquet, qui a parlé d’ « omerta » sur le sujet. Juana Macari elle-même a convenu que les scénaristes n’étaient pas toujours rémunérés quand les planches de leur dessinateur étaient accrochées. « Cette problématique est en réflexion à la commission BD de l’ADAGP, qui en fait en priorité, a tenté de rassurer Emma Veyron. On espère avoir une réponse rapide sur ce sujet. »

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