13 avril > Essai France

Baudrillard et Derrida ne sont pas d’accord. Pour le premier, l’intervention voulue par Bush en Irak est la conséquence de l’humiliation subie par les Américains le 11 septembre 2001 : symbolique avant tout, cette fausse guerre, "répression d’un acte de guerre qui n’a pas été commis", rejoue un drame connu de tous dont le but est de remettre la puissance dominante dans sa position dominante. Pour le second, il faut reprendre la question dans sa tension entre aspect juridique et aspect économique : on ne peut appeler guerre cette guerre qui méprise l’ennemi et le droit international, et on ne peut la considérer comme virtuelle quand on sait qu’elle est liée avant tout aux gisements pétroliers irakiens - au territoire, donc.

Elle paraît loin, aujourd’hui, la guerre d’Irak. Mais, dit Baudrillard, "elle ouvre l’éventualité d’une guerre infinie qui n’aura jamais lieu, qui ne finira jamais car elle n’a jamais commencé". Pire, ajoute Derrida : "Le traumatisme ici vient de l’avenir", car le 11-Septembre et cette guerre annoncent la possibilité de leur répétition. Les deux penseurs voyaient juste. Posant les questions capitales du déni de démocratie par les démocraties en guerre, de l’enjeu des symboles et des images dans le terrorisme - et de la définition même de ce qu’est une démocratie, et de ce que le mot "terrorisme"? implique - , ce percutant Pourquoi la guerre aujourd’hui ? donne au lecteur matière à réfléchir sur des questions d’actualité. Et la preuve de son efficacité, c’est que les deux philosophes, autour de René Major, ne se réconcilient pas ; le consensus télévisuel n’aura pas lieu. Reste la brutale complexité du monde et, face à lui, la générosité des grandes intelligences. Fanny Taillandier

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