Après les Haïkus des quatre saisons (Seuil, 2010, remis en vente au même office), voici, dans la précieuse collection "Classiques en images", les Haïkus du temps qui passe. Le principe de ces petits volumes est simple, et astucieux : reprendre des haïkus d’auteurs classiques japonais déjà traduits en français (il y a parfois longtemps), et leur associer des estampes d’Hokusai. C’est Elisabetta Trevisan, ici, qui s’est chargée de réaliser cet accord parfait. On lui en sait gré. Mais si, dans le premier volume, les poèmes étaient dus au pinceau de plusieurs grands auteurs, comme Buson ou Shiki, cette fois ils sont tous signés du grand Matsuo Munefusa, dit Bashô (1644-1694), créateur du genre et son maître inégalé, tout comme Nakasuma Tetsujirô, dit Hokusai (1760-1849), est celui de l’estampe.
L’art du haïku, c’est à la fois la fulgurance - chaque poème ne doit comporter que trois vers -, l’irruption du lecteur dans une histoire déjà commencée, comme on se glisserait dans les coulisses d’une représentation de kabuki, et la capacité à dire énormément en si peu de signes. Comment traiter de sujets si fondamentaux que le cours de la vie, de la naissance à la vieillesse, si brièvement ? Virtuosité absolue de Bashô et de ses suiveurs. Mais la particularité du moine-poète d’Osaka, ce qui le rend unique, c’est son côté bon vivant : "Je bois du saké-/de plus en plus impossible de dormir/dans cette nuit enneigée", son humour moqueur : "Pleine floraison des cerisiers-/les bonzes deviennent des fêtards/et les femmes mariées séduisantes", son amour de la vie et de la beauté : "Les beaux garçons/des fleurs de prunier et les saules pleureurs/de belles femmes". L’association avec les estampes d’Hokusai, parmi ses plus réussies, fonctionne parfaitement. C’est une jolie création éditoriale, et un petit livre qui fait du bien, zen. J.-C. P.