Pour commémorer le 70e anniversaire de la publication du Petit Prince à New York, le 6 avril 1943 - avec ses deux éditions, en français et en anglais -, voici un document qu’aucun amateur n’aurait osé rêver voir un jour : le manuscrit original du conte, avec ses dessins préparatoires, croquis in texte ou pleines pages plus élaborées. Conservé aujourd’hui par le Morgan Library & Museum de New York, l’ensemble avait été offert par l’écrivain à Sylvia Hamilton, l’une de ses amies américaines, durant son exil new-yorkais, de la fin 1940 au printemps 1943. Il lui avait fait ce présent juste avant de partir pour la guerre - pour s’y faire tuer, le 31 juillet 1944.
Livre illustre, Le Petit Prince est aussi un passionnant sujet d’étude pour l’archéologue littéraire : il existe plusieurs états du texte, manuscrits, tapuscrits ou placards imprimés, qui témoignent de la méthode de travail d’un écrivain artisan jamais satisfait de son œuvre. Le présent fac-similé est émouvant et passionnant : on y découvre des épisodes non retenus au final, ou des ébauches de certains personnages. Le renard, par exemple, était à l’origine un chien-loup ! Et le Petit Prince, au cours de ses pérégrinations, rencontrait un « inventeur des serviteurs électriques ». Parmi les dessins aussi, une fois qu’Antoine de Saint-Exupéry, peu satisfait des essais effectués par un ami français illustrateur, eut décidé d’illustrer lui-même son texte, nombre de belles surprises.
Le Petit Prince, dernier livre de Saint-Exupéry paru de son vivant, est l’un des pivots de son œuvre. On sait que, loin d’être né à New York pour le Noël 1942, le «petit bonhomme» hantait déjà l’aviateur depuis les années 1930, en France. L’éditeur tourangeau Mame, pour sa part, confie que Le Petit Prince devait paraître chez lui en 1939, lorsque survint la guerre. Toutes les archives de Mame ayant été détruites durant les bombardements, le tout premier manuscrit a disparu. A New York, Saint-Exupéry se serait donc livré à une reconstitution, à une réinvention de son livre.
L’histoire est belle, le présent album aussi. Mais destiné, lui, résolument, aux « anciens enfants », restés fans du Petit Prince. Ils sont légion, dans le monde entier.
Jean-Claude Perrier