7 mai > Roman Etats-Unis

Les nouvelles d’Anthony Doerr ont fait de lui l’un des meilleurs écrivains américains de sa génération. Avec A propos de Grace (Albin Michel, 2006), le natif de Cleveland avait prouvé qu’il était aussi un romancier de premier plan. Ce qu’il confirme avec Toute la lumière que nous ne pouvons voir qui vient d’obtenir le prix Pulitzer de littérature 2015 et a été couronnée "Livre de l’année" par l’Association des libraires américains. En effet, l’imposant volume a fait l’effet d’un ouragan. Sacré meilleur roman de l’année par une bonne partie de la presse américaine, Toute la lumière que nous ne pouvons voir a été finaliste du National Book Award (attribué à Phil Klay pour Fin de mission paru chez Gallmeister) et a figuré des mois d’affilée sur la liste des meilleures ventes. Ecoulé à plus d’un million d’exemplaires, il est en cours de traduction dans plus de quarante langues et son auteur passe actuellement d’Amsterdam à Copenhague pour en assurer la promotion. Difficile de ne pas être emporté par la puissance narrative d’une œuvre où aucun personnage n’est américain. L’auteur du Mur de mémoire (Albin Michel, 2013) a situé la majeure partie de l’action à Saint-Malo, en août 1944, lorsque la moitié de l’ouest de la France est déjà libre. Ce qui n’est pas le cas de la cité fortifiée, la "dernière citadelle au bout du continent", l’ultime "point fort" allemand sur la côte bretonne, où des tracts conseillent à la population de se disperser dans la campagne. A Saint-Malo, le lecteur fait connaissance avec deux personnages. La première, Marie-Laure Leblanc, est une jeune aveugle qui vit dans le pigeonnier délabré de son grand-oncle. Le second, Werner Pfennig, est un soldat de première classe aux cheveux blancs. A l’aide de retours en arrière qui balayent les dix dernières années, on apprend comment ces deux-là sont arrivés dans la même ville.

La mère de Marie-Laure est morte en couches. La gamine a été élevée par son père, serrurier en chef du Muséum d’histoire naturelle à Paris, et a perdu la vue après ses 6 ans. En juin 1940, elle a fui la capitale à la hâte avec son père, marché de longs jours avant d’arriver à Saint-Malo. Werner, lui, a grandi dans un orphelinat avec sa petite sœur. Doué pour les mathématiques et bricoleur, il a échappé à un travail à la mine et s’est retrouvé dans une école où l’on enseigne que la vie n’est que chaos et que l’ordre est nécessaire…

Anthony Doerr a une manière très poétique et aérienne de conduire son récit, de jouer sur la tension, le bruit et la fureur. Avec maestria, Toute la lumière que nous ne pouvons voir s’interroge sur comment composer avec l’adversité, la violence du monde qui l’entoure. Un éblouissant tour de force. Alexandre Fillon

Les dernières
actualités