Le jeune Han Han, né en 1982, est un exemple dans la Chine libéralo-communiste d’aujourd’hui. Célèbre dès son premier roman, Les trois portes, il a mis sa notoriété au service de la liberté d’expression dans un blog défiant la censure du Parti, dont un aperçu a été traduit en France (Gallimard, "Bleu de Chine", 2012). Il est aussi champion de rallye automobile et, comme son héros, Xiaolong, amateur de vitesse et de vie occidentale, qui fait rêver la jeunesse chinoise, et à quoi elle est en train d’accéder.
Tinglin, petite ville chinoise, ne fait pas exception. Elle est fière d’abriter l’usine Bobo, une imprimerie qui fait vivre une large partie de la population, mécène des distractions culturelles, et qui déverse largement ses déchets toxiques dans la rivière. Tous les animaux qui s’y abreuvent deviennent énormes. Cela n’inquiète guère les habitants, qui les dévorent. Au risque de devenir eux-mêmes des mutants. L’histoire est même parvenue aux oreilles du National Geographic, qui a envoyé sur place une équipe de télé.
Xiaolong, lui, a d’autres préoccupations. Sa Kawasaki, qu’il aime plus que sa copine Niba. Une chic fille, riche, mais trop jeune pour qu’il en tombe amoureux. Il a craqué sur Ying, une chanteuse sexy. Mais en vain : elle se réserve pour son mariage avec Lu Jinbo, directeur de l’imprimerie Bobo et éditeur. Il publie d’ailleurs Poison d’un certain Han Han, dont Xiaolong dit : "C’est un bouquin toxique et je suis sûr que l’auteur est un sale type."
C’est l’un des clins d’œil de cette sotie féroce où la nomenklatura chinoise en prend pour son grade, où les femmes chantent : "Si on fait trop de gosses/Ce seront des résidus de capote/Nous voulons ligaturer les trompes/Pour notre mère la Chine", laquelle est en train de fabriquer une jeunesse déboussolée, avec des millions de Xiaolong. J.-C. P.