La revue des Cahiers de l’Orient a annoncé sur Twitter la mort de son directeur historique, Antoine Sfeir, journaliste et politologue franco-libanais. Il avait fondé en 1985 ce magazine spécialisé dans l’analyse des mondes arabe et musulman où plusieurs élus ou personnalités de la société civile de premier plan comme Michel Rocard ou Laurent Wauquiez se sont exprimés dans ses colonnes par le passé.
Sur les réseaux sociaux, le personnel politique rend hommage à un pédagogue, "un passeur entre deux mondes, l’Orient et l’Occident [qui] aimait décrypter et transmettre", écrit le président du MoDem François Bayrou. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse (LR), fait quant à elle part de sa "grande tristesse" et salue une "parole toujours bienvenue et instructive pour faire la pédagogie des complexités de l’islam et du monde arabe".
De nombreux essais
Né à Beyrouth de parents chrétiens maronites, puis élève chez les Jésuites, Antoine Sfeir quitta son Liban natal pour gagner la France après avoir été séquestré et torturé par une milice du Front de libération de la Palestine en 1976, expérience dont il garda des séquelles toute sa vie. Il débuta ensuite une carrière de journaliste, d’abord pour le journal La Croix, puis se spécialisa sur les questions liées au Moyen-Orient pour Le Point ou encore Le Quotidien de Paris avant de fonder Les Cahiers de l’Orient dont il assuma la direction jusqu’à son décès.
Antoine Sfeir était l’auteur d'une vingtaine d'essais sur les problématiques du monde arabe, comme L’islam contre l’islam : l’interminable guerre des sunnites et des chiites (Grasset, 2013), sa dernière production avec laquelle il remporta le prix Livre et droits de l’homme de Nancy. Son ouvrage Tunisie, terre de paradoxes (L'Archipel, 2006), vendu à plus de 1200 exemplaires en France (estimation GFK), lui valut cependant d’être accusé de complaisance envers le régime de Ben Ali. Lors du "printemps arabe" en 2011, il concédera s’être "trompé lourdement sur ce pays".
Il est également à l’origine, en 2005, de la création de l’Observatoire international de la laïcité avec Jean-Michel Quillardet, ancien grand maître du Grand Orient de France, un groupe d’étude hostile aux comunautarismes, à ne pas confondre avec la commission consultative rattachée au Premier ministre. Habitué des interventions dans les médias pour lesquels il décryptait l’actualité du Maghreb au Moyen-Orient, notamment pour Europe 1 et l’émission "C dans l’air" sur France 5, il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy.