L’écrivain hispano-péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature élu membre de l’Académie française en 2021, s’est éteint dimanche 13 avril à l’âge de 89 ans à Lima, au Pérou. Grand représentant de la littérature latino-américaine, Marion Vargas Llosa était également un homme politiquement très engagé, portant ses convictions jusque dans son œuvre littéraire.
L’annonce de sa disparition a été révélée dans un message publié par sa famille sur les réseaux sociaux. « C’est avec une profonde tristesse que nous annonçons que notre père, Mario Vargas Llosa, est décédé aujourd’hui à Lima, entouré de sa famille et en paix », ont signé ses trois enfants sur X.
Un jour de « deuil national »
« Son départ attristera ses proches, ses amis et ses lecteurs dans le monde entier mais nous espérons qu’ils trouveront une consolation, comme nous, dans le fait qu’il a joui d’une vie longue, multiple et fructueuse », ont-ils ajouté. Le gouvernement péruvien a d’ailleurs décrété un jour de « deuil national », ce lundi 14 avril, annonçant la mise en berne des drapeaux sur les bâtiments publics.
Si les causes de sa mort restent, à ce stade, inconnues, la santé de l’écrivain était fragile depuis son hospitalisation en raison d’une infection au Covid-19, alors qu’il vivait à Madrid, en Espagne, pays dont il avait acquis la nationalité en 1993. À son retour à Lima en 2024, l’écrivain avait choisi de vivre en retrait de la vie publique.
L’art de la plume et de la pensée politique
Né à Arequipa en 1936, Mario Vargas Llosa a écrit de nombreux romans et essais politiques. Marqué très jeune par les théories marxistes et l’œuvre de Jean-Paul Sartre, il milite d’abord aux côtés des communistes péruviens contre la dictature du général Odría, puis adhère aux thèses de la Révolution castriste.
À la même époque, il fait la rencontre des grands esprits littéraires hispanophones de son temps, à l’instar de Julio Cortázar, Jorge Luis Borges, du Cubain Alejo Carpentier, de l’Uruguayen Juan Carlos Onetti ou encore de son ami, et futur rival, Gabriel García Márquez, disparu en 2014. En fervent défenseur de la démocratie, il enfile également, tour à tour le costume de journaliste et d’universitaire.
À la suite de son premier ouvrage, Los jefes (Les Caïds en français), paru en 1959, Mario Vargas Llosa dévoile un rythme d’écriture effréné. En 1963, il publie La Ville et les Chiens, qui sera considéré par le journal El Mundo comme l’un des cents meilleurs romans en espagnol du XXe siècle, et auquel succèderont de façon non-exhaustive La Maison verte (1965), prix Romula Gallegos et prix espagnol de la critique, Les Chiots (1967), L’Homme qui parle (1987) La Guerre de la fin du monde (1981) ou encore L’Éloge de la marâtre (1988). A noter que l’ensemble de ses textes bénéficie d’une traduction en français aux éditions Gallimard.
Un monument de la littérature latino-américaine
Par la suite, ses opinions politiques prennent le chemin du libéralisme. À 54 ans, l’écrivain se présente aux élections présidentielles péruviennes de 1990 en tant que représentant du pouvoir centre-droit, cristallisé autour du Front démocratique. Battu au second tour par le populiste Alberto Fujimori, Mario Vargas Llosa reprend la plume et accouche du Poisson dans l’eau, livre de mémoires publié en 1995 chez Gallimard.
Dans ce récit haletant, l’auteur fait la rétrospective d’une existence tumultueuse, de son adolescence sous le joug d’un père impitoyable à sa fiévreuse bataille électorale, en passant par son mariage précoce avec sa tante - déjà retracé en 1977 dans La Tante Julia et le scribouillard, prix du meilleur livre étranger - et par ses velléités d’écrivain.
Après avoir reçu le prix Cervantès en 1994 et le prix Roger-Caillois en 2002 pour l’ensemble de son œuvre, l’écrivain reçoit, en 2008, le prix mondial de la fondation Simone et Cino del Duca avant l’ultime consécration. Monument de la littérature sud-américaine et habile maestro de la confusion entre fiction, intimité et convictions politiques, il reçoit, en 2010, le prix Nobel de littérature pour « sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l’individu, de sa révolte et de son échec ».
Virage politique d’un Immortel
En 2016, Mario Vargas Llosa devient le premier écrivain étranger à voir son œuvre publiée, de son vivant, à la Pléiade. Cinq ans plus tard, il est même invité à siéger parmi les Immortels de l’Académie française. Nommé au 18e fauteuil, il devient ainsi le premier membre de l’institution à n’avoir jamais écrit en français – langue qu’il maîtrisait pourtant impeccablement après avoir vécu de nombreuses années dans la capitale française.
Parmi ses dernières parutions figurent notamment Temps sauvages (2021), traduit comme l’ensemble de ses ouvrages chez Gallimard par Albert Bensoussan, ou encore Les Vents, paru aux éditions de l’Herne en 2023. Un autre titre, Le dedico mi silencio, a été publié en 2023 en espagnol et ne bénéficie pas encore de traduction française.
Outre ce palmarès littéraire, Mario Vargas Llosa aura également su se faire connaître par ses nombreuses prises de positions politiques, aussi assumées dans son œuvre littéraire que sur la scène publique. Après sa bifurcation en faveur du libéralisme dans les années 1990, l’écrivain aux idées humanistes a longtemps soutenu les représentants de la gauche péruvienne, avant d’opérer un nouveau virage inattendu.
Soutien de Pinochet au Chili, de Ronald Reagan aux États-Unis ou de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, l’écrivain s’est fait, au cours des dernières années de son existence, le sympathisant de plusieurs régimes d’extrême droite, adhérant aux propos de figures aussi controversées que celle de Jair Bolsonaro au Brésil ou de Jose Antonio Kas au Chili. Une position qui lui a été vivement reprochée lors de sa consécration à l’Académie française.