La couverture de Minuit indique qu'il s'agit d'un roman. Le narrateur des Découvertes, le nouveau livre d'Eric Laurrent, ressemble pourtant à s'y méprendre à son auteur.
Celui-ci nous ramène à Clermont-Ferrand où il a vu le jour en 1966, une "ville de grande amplitude thermique qu'il n'est pas rare de voir battre des records de température, qui en font, selon les saisons, le lieu le plus chaud ou le plus froid de France". En un temps où il était élève d'une "séculaire institution catholique", lorsqu'il peinait à apprendre à lire, avant de vite se rattraper. Ses yeux en amande lui valaient alors d'être traité de "Chinois". A l'époque, il lui arriva de couper net d'un coup de ciseaux la natte d'une camarade qui lui avait lancé à la figure une édition illustrée d'une fable de La Fontaine.
Pris soudain d'une fringale de lectures "incessantes et disparates", il lui vint par là même le goût des mots inconnus. Si bien qu'il demandait à tout-va : "Comment appelle-t-on cela ?", le monde ne prenant à ses yeux sa pleine dimension "que par le verbe". Une reproduction des Sabines de Jacques-Louis David, occupant une bonne place dans le hors-texte d'un Nouveau Larousse classique, lui donna la conscience du corps des femmes et de la fascination qu'il provoque.
Vint ensuite l'affiche du film Emmanuelle, avec le célèbre fauteuil en rotin "à dossier arrondi et cannage ajouré". Un poster détaché du numéro de mars 1977 de la revue Penthouse et accroché dans l'atelier de ferronnerie d'un ami de son père. Les joies du strip-tease forain ou celles fournies par les formes chatoyantes de la mère de Renaud Deligny, qui lui échauffait les sens. Sans parler de la venue conjointe du plaisir sexuel et de sa vocation littéraire...
Autoportrait drôle et senti de l'écrivain dans son adolescence, Les découvertes vaut par la langue précise et ciselée d'Eric Laurrent. Une prose que l'on prend chaque fois pareil plaisir à retrouver depuis Coup de foudre (Minuit, 1995).