1983 : Raymond Jean. 2007 : Brigitte Giraud. Lauréats, le premier pour Un fantasme de Bella B. et autres récits , la seconde pour L’amour est très surestimé . Un peu par hasard, parce que leurs recueils de nouvelles ont été réédités presque en même temps (dans les collections Babel et J’ai lu ), je viens de les lire l’un après l’autre. Deux livres excellents dans lesquels les sentiments occupent la place centrale, mais de manière très différente. La nouvelle est un genre sous-estimé dans la littérature française, dit-on souvent. A force de se l’entendre répéter, on ne prend plus la peine de s’interroger sur la véracité de cette affirmation. Et d’ailleurs, où trouver un recueil de nouvelles dans les classements des meilleures ventes ? Dans les romans ? Vous voyez tout de suite la difficulté… Pourtant, si, il y en a un, niché à la 44 e place : Fugitives , d’Alice Munro (L’Olivier). Ah ! une traduction, c’était couru d’avance, la tradition anglo-saxonne de la nouvelle, etc., etc. Pourtant – car je n’oublie pas que je m’occupe des poches –, Anna Gavalda fait de la résistance, avec son inusable Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part , classé 23 e parmi les autres poches, et présent depuis 223 semaines. Si vous l’avez lu, vous vous en souvenez encore. Si vous ne l’avez pas encore lu, achetez-le pour faire durer son succès… Anna Gavalda n’avait pas reçu, je crois, la bourse Goncourt de la nouvelle. Mais même l’académie du même nom ne tient la chronologie de cette bourse (et des autres) que depuis 2001. Oubliée, notamment, l’époque de Saint-Quentin, quand Martine Grelle virevoltait d’un coin à l’autre de la manifestation qu’elle avait montée autour, précisément, de la nouvelle, surveillée du coin de l’œil par un Daniel Boulanger qui tétait son cigare, couvée par Robert Sabatier, protégée par Michel Tournier… Il en faut quelques-uns, des passionnés par le genre, pour lui donner parfois une exposition plus grande que la discrétion avec laquelle les nouvellistes sont généralement accueillis. Les deux livres qui suscitent cette note sont minces – c’est assez souvent le cas, et cela doit satisfaire les académiciens Goncourt, quand ils se coltinent, du côté du roman, des volumes comme Les Bienveillantes . Une raison de plus pour y aller voir de plus près, sans crainte de passer un temps démesuré dans des textes qu’on pourrait ne pas aimé – même si ceux-ci, je le répète, sont très bons, avis qui n’engage que moi et que je n’oblige personne à partager, cela va de soi.