19 août > Premier Roman France

Dans un livre de Cocteau, Le grand écart (Stock, 1984), le narrateur raconte avoir écrit un livre qu’il a intitulé L’honorat silencieux. A ceux qui lui demandent la signification d’un tel titre, il répond qu’il ne prend son sens que dans l’ordre du rêve. Il y a de cela dans le premier roman d’Emily Barnett, Mary. Ce n’est pas le titre, mais le livre qui doit être lu à cette aune-là.

Il y serait question d’hier et d’aujourd’hui, de Paris et de New York, mais aussi de Naples et de grandes demeures comme autant de complots de colères, et de deux héroïnes qui s’appellent Mary. L’une est une jeune femme américaine qui vient d’épouser Jim, un peintre qui peine à se faire reconnaître. Le couple traversera l’Europe de l’après-guerre avant de revenir s’installer à New York, sans enfants et sans illusions, chacun exilé dans ses mensonges. L’autre Mary est encore une gamine qui vit quelque part dans un château, recluse avec sa mère. Les ombres de la folie leur tiennent lieu de décor ainsi que de ligne d’horizon. Des silhouettes passent et disparaissent, à peine entrevues, un petit théâtre de la cruauté se joue là chaque soir sans que l’on puisse deviner s’il n’est né que d’un esprit malade, ou de l’imagination enfiévrée d’une jeune fille trop seule. Sans que l’on puisse non plus savoir si l’homonymie de ces deux Mary a un quelconque sens…

Voilà quelques années qu’Emily Barnett se évolue sur le front de la critique, littéraire ou cinématographique. D’une troublante préciosité, son premier roman, qui évoquera chez le lecteur des échos lointains de Gombrowicz, des premiers livres de des Forêts ou des travaux récents d’Hélène Frappat, ne transige pas avec ce qui fait le cœur de tout projet littéraire, le sens du rituel et celui du sacré. Olivier Mony

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