Entretien

Dimitri Pawlowski : « Aux Humanoïdes Associés, je suis une sorte de directeur de collection augmenté »

Dimitri Pawlowski fondateur des éditions L'homme sans nom - Photo Deuskin Photography

Dimitri Pawlowski : « Aux Humanoïdes Associés, je suis une sorte de directeur de collection augmenté »

Spécialisées en imaginaire, les éditions de L’Homme Sans Nom ont été rachetées en décembre 2022 par le groupe Les Humanoïdes Associés. Après une année blanche en 2024, la désormais collection « HSN » relance son activité avec cinq nouvelles parutions. Son fondateur Dimitri Pawlowski revient sur ce rapprochement économique et artistique, facteur de nouvelles perspectives éditoriales.

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Par Louise Ageorges
Créé le 04.04.2025 à 15h11

Livres Hebdo : De maison d'édition à collection, comment concevez-vous votre travail d’éditeur depuis le rachat de L’Homme Sans Nom par les Humanoïdes Associés ?

Dimitri Pawlowski : Depuis le rachat, je suis une sorte de directeur de collection augmenté. Je garde la main sur les projets éditoriaux et réfléchis de concert avec Marie Parisot, directrice générale des Humanos, sur l’orientation et les décisions de certains projets à gros investissement. Ces projets, dont je n’aurais pas pu rêver seul, prennent vie grâce à ce rapprochement et la souplesse qui en découle. En revanche, j’ai complètement lâché prise sur le plan administratif, l'événementiel et le marketing.

Jusqu'à maintenant, fidèle à son credo « Publier peu pour publier mieux », L'Homme Sans Nom ne publiait que peu d’ouvrages par an. Cette réalité a-t-elle évolué ?

Augmenter le nombre de titres à l’année faisait partie de nos objectifs. Rejoindre les Humanos nous a permis d’atteindre un rythme de croisière plus pertinent pour une maison indépendante. Deux parutions, c’est trop peu en termes de visibilité. Je pense que 7 à 8 titres seraient idéals. En réalité, même si elle choisit des papiers magnifiques, une maison d'édition qui ne vend pas n’est pas viable. C’est un équilibre qu’il faut trouver.

La collection « L’Homme sans nom » n’a rien produit en 2024. Dans quelle mesure cette année blanche vous a-t-elle été bénéfique ?

L’année 2024 nous a permis de finaliser la transition de maison d'édition à collection et plusieurs projets ont eu le temps de se concrétiser. La collection « HSN » entame ainsi 2025 avec une parution et quatre ouvrages programmés. Nous avons également embauché une nouvelle personne entièrement dédiée à l'événementiel et au suivi quotidien de la collection. C’est un drôle de changement pour moi qui ai toujours travaillé seul. Enfin, nous bénéficions désormais d’une fabricante, ce qui nous a permis de mettre en place de nombreuses améliorations. Nous attaquons 2025 avec des processus de travail plus fluides et équilibrés.

« Je préfère ne pas m’attacher aux tendances »

C’est en adaptant l’un de vos ouvrages en BD que s'est opéré le premier rapprochement avec les Humanoïdes Associés. Ce partenariat artistique est-il toujours d’actualité ?

En effet, deux de nos romans ont été adaptés, et trois autres projets sont en cours. Certains auteurs d'« HSN » ont ainsi pu s’essayer plus facilement à l'écriture de scénarios. Ce fut notamment le cas de Yann Bécu, dont le roman Les bras de Morphée a été adapté en 2024 par le dessinateur Francesco Trifogli. La proximité avec Métal Hurlant permet également à nos auteurs d’écrire de courtes histoires pour la revue. Ainsi, il arrive que Cécile Chabraud, éditrice chez Métal Hurlant, propose une thématique à certains de nos auteurs avant de trouver un illustrateur correspondant. Cette transversalité correspond totalement à la vision que je me fais d’une maison d'édition. C’est une plaque tournante, une manière de mettre les talents en résonance et de tirer le maximum de chaque projet.

Que ce soit dans votre parcours professionnel ou dans votre appétence pour les adaptations, la transversalité prend une place centrale dans votre approche éditoriale. La proximité avec les Humanoïdes Associés vous a-t-elle offert de nouvelles perspectives ?

En ce qui concerne la transversalité, « HSN », les Humanos et Métal Hurlant ont une approche plutôt similaire, ce qui facilite les dynamiques. Ces questions sont au cœur du relationnel que l’on développe avec les auteurs : qu'est-ce qu’on peut faire ensemble, de la BD au jeu de rôle, ou l'inverse ? Une adaptation de l'œuvre d’Emmanuel Chastellière par les éditions Antre Monde est d'ailleurs en cours. Il en va de même pour les jeux vidéo : c’est un sujet auquel nous réfléchissons sérieusement. Les Humanos ont une réelle culture de l’audiovisuel, et je travaille moi-même toujours dans ce domaine. Étant cofondateur d’un studio de traduction français-japonais, cela crée des ponts, des appétences.

Que pouvez-vous nous dire des cinq nouveautés parues ou à paraître en 2025 ?

Les cinq ouvrages du programme rendent hommage aux quatre catégories littéraires de la collection « HSN » : science-fiction, fantastique, fantasy et IR_Réel. Lancé en 2023, ce nouveau label propose des textes hybrides, à la frontière entre littérature générale et imaginaire. Passer sans silence, d’Adrien Mangold, première parution de l’année 2025, est d'ailleurs le deuxième ouvrage à l’intégrer. Sous la brume de Yann Bécu arrivera, quant à lui, en librairie fin avril. Ce grand texte de science-fiction conte la découverte d’une technologie qui permettrait d’extraire le son de certains objets. Le troisième et dernier ouvrage du semestre, Se méfier de l’eau qui dort de Julia Richard, est un récit fantastique qui nous plonge dans la France du XVIIIe siècle. Enfin, deux ouvrages paraîtront au deuxième semestre. En revanche, il faudra attendre 2026 pour de potentielles adaptations BD.

L’imaginaire est un genre littéraire en constante mutation. Comment vous situez-vous face à l'évolution des tendances ?

La Romantasy et le Dark academia fonctionnent très bien, mais je préfère ne pas m’attacher aux tendances. J’y garde un œil, mais je ne vais pas essayer de m’y inscrire de manière automatique. Je préfère me positionner en lanceur de tendance qu’en suiveur. J’ai toujours cette inquiétude avec les tendances : on les identifie quand elles sont là, mais on ne sait pas quand elles vont s'arrêter, et c’est risqué vu la temporalité du système éditorial. Ce n’est pas facile de suivre l’air du temps ; je pense que tous les éditeurs aimeraient avoir cette boule de cristal. Dans le contexte politique actuel, nos lecteurs vont-ils privilégier l'évasion ou des sujets plus sombres ? Personne ne le sait.

Comment appréhendez-vous cette année de relance pour « HSN » ?

Il y a toujours un petit peu d'appréhension, surtout dans cette conjoncture loin d'être favorable à la culture, mais également beaucoup d’excitation. C’est un projet auquel je crois, et je pense que c’est le lot de tout éditeur d'être tiraillé entre ces deux émotions. Avec L’Homme Sans Nom, j’ai toujours souhaité poser des bases solides pour avancer étape par étape. Cette année 2025 est un nouveau premier pas vers la suite. Je garde bien évidemment 2026 en ligne de mire pour les 15 ans de la maison. Beaucoup de belles choses sont à prévoir, et notre but est de nous installer dans la durée et la continuité.

 

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