Le statut des directeurs de collection continue d’alimenter la chronique jurisprudentielle. Le 12 mars dernier, le Tribunal de grande instance a examiné le litige entre une maison et un directeur qui avait déposé pour son compte le titre de la collection en tant que marque. Or, les juges estiment, en l’occurrence, que : « Un directeur de collection est un professionnel indépendant qui, lié par un contrat, a pour mission la présentation à un éditeur de projets de livres, la recherche d’auteurs ; le suivi de l’édition des livres. Sa fonction correspond à un travail technique non protégeable au titre du droit d’auteur car le travail consiste à trouver des thèmes qui s’intègrent à l’esprit de la collection, de rechercher des auteurs, d’encadrer leur travail de façon à assurer la remise du manuscrit à la date convenue et en accord avec la forme de la collection ». De fait, traditionnellement, selon les tribunaux, la collection en tant que telle peut difficilement être qualifiée d’œuvre littéraire et artistique. En effet, les collections reposent tout d'abord sur un simple concept. Or, les juristes spécialisés ont l'habitude de proclamer que « les idées sont de libre parcours ». C'est ainsi que le principe d'une collection n’est pas susceptible d'appropriation par le droit de la propriété littéraire et artistique. En revanche, le Code de la propriété intellectuelle permet de défendre les mises en forme de ce concept, ses transpositions concrètes. Le titre d’une collection ou la maquette de ses couvertures, dans la mesure où ils sont originaux, peuvent donc être considérés comme des œuvres protégées. Pour le cas où les éléments distinctifs de la collection ne seraient pas protégeables par le droit d'auteur — notamment pour manque d'originalité — l'action en concurrence déloyale de la part d’un éditeur constitue souvent un palliatif efficace. La concurrence déloyale peut résulter en premier lieu d'une volonté délibérée de provoquer une confusion dans l'esprit du public. Il peut également s'agir de l'économie d'un effort substantiel en termes d'argent, de temps, de travail, de réflexion ou encore d'énergie ; on parle alors d'agissements parasitaires. Les juges répugnent, par exemple, à accorder aux éditeurs de purs droits de propriété intellectuelle sur le format de leurs publications, quand bien même celui-ci apparaîtrait comme véritablement révolutionnaire. En 1986, les présentations dites Triliber avaient ainsi opposé deux éditeurs de livres scolaires qui ont dû s'affronter jusque devant la Cour d'appel de Paris sur le terrain de la concurrence déloyale. Un éditeur s'était rendu coupable de concurrence déloyale En 1998, le Tribunal de commerce de Paris a considéré que, par le choix de certains thèmes et de certaines couvertures, un éditeur s'était rendu coupable de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard d'une autre maison d'édition. Selon les magistrats, les maquettes litigieuses présentaient en effet « des caractéristiques d'ordre visuel voisines de celles habituellement mises en œuvre par les ouvrages » du concurrent. Sur ce fondement, la difficulté principale pour celui qui s'estime copié devra être de prouver une faute (l'imitation), un préjudice (la baisse de ses ventes) et un lien entre les deux. Pour en revenir au jugement du 12 mars 2012, celui-ci en vient ensuite à statuer sur le contrat liant le directeur à l’éditeur : le directeur a d’ailleurs « convenu que la collection elle-même, ainsi que l’ensemble des éléments qui s’y rattachent, son titre, sa présentation et ses éventuels signes distinctifs appartiennent à l’éditeur, sans que le directeur de collection puisse prétendre à des doits autres que ceux prévus » au contrat. Or l’intéressé a, durant l’exécution de son contrat, déposé comme marque le nom de la collection… Les magistrats soulignent que « en conséquence, faute d’être auteur de la collection, de démontrer l’originalité du titre (…) et pour avoir reconnu contractuellement que le titre appartenait à la société, (le directeur) ne pouvait déposer le signe comme marque pour une exploitation comme collection ou dans les classes visées à l’enregistrement qui ont toutes à voir avec l’édition papier ou numérique ». Le droit des marques permet en effet de renforcer la protection d'une nouvelle collection et en particulier de son titre. Les juges ont ainsi sanctionné l'éditeur des Usuels de poche pour contrefaçon de la marque Les Usuels. Toutefois, la marque ne doit pas être descriptive, sous peine de nullité. Le Tribunal de grande instance de Paris a ainsi, en 1993, considéré que la marque « l'essentiel » était trop descriptive : elle ne pouvait donc servir à un éditeur pour poursuivre un concurrent qui voulait lancer un Dictionnaire de l'essentiel. Tous les moyens de protection que la maison d'édition peut mettre en œuvre ne seront véritablement pertinents que dans la mesure où le directeur de la collection aura valablement cédé ses droits à la société. Son contrat doit par conséquent avoir été rédigé de telle sorte qu'il ne puisse, un jour de fâcherie, venir revendiquer, par exemple, la propriété du titre ou encore de la présentation. Par ailleurs, il aura été utilement inséré dans le contrat de directeur de collection une clause de non-concurrence, aux termes de laquelle, pendant la période d’application du présent contrat comme, le cas échéant, après la rupture de celui-ci, « le directeur de collection s’abstiendra de créer ou de diriger chez un autre éditeur une collection susceptible de concurrencer directement ou indirectement » le premier éditeur à lui faire confiance.