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Dossier : le livre d’art fait de la résistance

La librairie du musée du Louvre. - Photo Olivier Dion

Dossier : le livre d’art fait de la résistance

Alors que les musées, sur lesquels s’appuie le secteur du livre d’art, ont subi en 2015 une chute de leur fréquentation, ses ventes baissent sans s’effondrer. Une résistance qui met en lumière la capacité d’une profession a adapter ses stratégies éditoriales et commerciales aux difficultés du rayon.

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Par Pauline Leduc
Créé le 13.05.2016 à 02h00 ,
Mis à jour le 13.05.2016 à 07h24

"Pour nous, éditeur de livres d’art, l’année qui vient de s’écouler n’est comparable à aucune autre", prévient Matthieu de Waresquiel, directeur général de Citadelles & Mazenod. "Comme l’ensemble de la profession, nous avons directement souffert des événements tragiques de 2015." En effet les attentats de janvier et de novembre dernier ont touché de plein fouet la fréquentation des musées parisiens qui enregistrent des chutes du nombre de visiteurs : - 13 % pour le Quai Branly, - 11,3 % pour le Centre Pompidou, - 6 % pour le Grand Palais ou encore - 6,45 % pour le Louvre, qui conserve cependant sa position de musée le plus visité au monde. "Même si le public n’a pas voulu céder à la peur et s’il est revenu nombreux, notamment en décembre, nous avons eu une année difficile en librairie : dans les trois semaines qui ont suivi le 13 novembre, nous avons constaté une baisse importante de la fréquentation", note Pierre Jaubert, responsable de la librairie du Louvre. Après deux ans de travaux et de déménagements, cette dernière a d’ailleurs retrouvé, mi-avril, "un écrin pour la mettre en valeur" avec l’ouverture d’un tout nouvel espace de part et d’autre de l’allée du Grand-Louvre. A la librairie du Centre Pompidou, Olivier Place, directeur des librairies Flammarion, évoque aussi une année "complètement atypique, certainement la pire" depuis sa prise de poste en 2003. Un coup dur pour le marché du livre d’art qui, à la peine depuis quelques années, s’appuie tout particulièrement sur l’actualité des musées pour maintenir la tête hors de l’eau.

"2015 a apporté quelques beaux succès comme Velázquez : plus de 15 000 catalogues vendus et 24 000 albums." Sophie Laporte, RMN-Grand Palais- Photo OLIVIER DION

Citadelles & Mazenod, comme les autres principales maisons du secteur, affichent des bilans économiques relativement conformes, et parfois même supérieurs, à leurs attentes. Si comme les années précédentes le segment du beau livre (constitué à 40 % du livre d’art) fait encore figure de lanterne rouge du marché, il ne suit pas la dégringolade de ses partenaires privilégiés : selon le baromètre Livres Hebdo/I+C, le segment accuse en 2015 une baisse de - 3 %, proche des - 2,5 % de l’année 2014. Des résultats dans le rouge, certes, mais qui prennent dans ce contexte particulier des allures de résistance laissant à penser que les acteurs du marché commencent à récolter les fruits de leurs efforts stratégiques des dernières années.

"Le Petit Palais a plutôt bien tenu le choc face aux attentats et nous avons été ravis de constater que le public, quoi qu’on en dise, est ouvert à la découverte." Isabelle Jendron, Paris Musées- Photo OLIVIER DION

Répartir les risques

Malgré la baisse du nombre d’acheteurs potentiels de catalogues d’exposition, ce segment qui tracte le marché depuis plusieurs saisons a encore réussi à porter nombre de maisons qui voient ainsi récompensé l’énorme travail effectué sur ce type d’ouvrages. Il voit revenir d’anciens acteurs comme l’éditeur d’art italien Skira, qui entreprend actuellement de réinvestir le marché français. La RMN-Grand Palais, premier éditeur du rayon, affiche ainsi une année satisfaisante avec "quelques beaux succès comme Velázquez : plus de 15 000 catalogues vendus et 24 000 albums", détaille sa nouvelle directrice des éditions, Sophie Laporte.

"Lorsque j’ai commencé en 1992 à faire des catalogues, les autres maisons faisaient beaucoup d’ouvrages hors actualité : ce qui est inquiétant, c’est qu’il y en a de moins en moins." Nicolas Neumannn, Somogy- Photo OLIVIER DION

Chez Gallimard, où 10 titres sur 13 s’inscrivaient dans l’actualité des musées, l’année 2015 a été "vraiment bonne", avec le succès du Charlotte illustré de David Foenkinos mais aussi du catalogue "tripartite"Chagall et la musique. "Dans des enveloppes budgétaires serrées, on s’applique à tout faire pour que le catalogue d’exposition soit conçu comme un livre d’art à part entière qui aura une vie bien au-delà de l’événement ; nous avons mis en place un gros travail éditorial mais aussi artistique qui porte ses fruits", estime Nathalie Bailleux, directrice éditoriale des livres illustrés, en observant la dizaine de catalogues déjà parus en 2016. Car, dès son arrivée en janvier 2015 au pôle illustré de Gallimard, chapeauté par Line Karoubi, elle a souhaité étaler la publication des titres sur toute l’année, plutôt que de les concentrer sur les derniers mois. Une façon, dit-elle, de "répartir les risques et les efforts puisque nous avons maintenant des résultats tout au long de l’année ; je peux donc déjà vous dire que 2016 s’annonce très bien".

"Plus que jamais, les acteurs de la chaîne du livre d’art sont étroitement liés, nous devons tous marcher de concert pour que cela fonctionne." Matthieu de Waresquiel, Citadelles & Mazenod- Photo OLIVIER DION

Autre "éditeur heureux", Paris Musées enregistre une année similaire, voire légèrement en hausse, par rapport à la précédente. "Le Petit Palais a plutôt bien tenu le choc face aux attentats et nous avons été ravis de constater que le public, quoi qu’on en dise, est ouvert à la découverte : notre Kuniyoshi, le démon de l’estampe, tiré à 8 000 exemplaires, a dû être réimprimé en décembre à 2 500 exemplaires", se réjouit Isabelle Jendron, la directrice des éditions. Elle poursuit cette année une stratégie éditoriale visant à enrichir le catalogue. "Pour nous, il ne s’agit pas simplement d’un support qui prolonge l’événement, mais plutôt d’un ouvrage-objet qui permet d’aller bien au-delà grâce à l’approche que nous proposons au lecteur." Ainsi l’éditeur a concocté pour la monographie de Paula Modersohn-Becker, présentée actuellement au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, un catalogue "particulièrement léché" auquel a collaboré l’écrivaine Marie Darrieussecq, auteure d’une biographie consacrée à la peintre, Etre ici est une splendeur, chez P.O.L. "C’est un phénomène flagrant, les catalogues ravissent de plus en plus nos clients, tant ils reflètent un travail autant sur le fond que sur la forme : ils tendent vers l’objet d’art avec un effort éditorial si poussé qu’ils deviennent des ouvrages de référence", s’enthousiasme Paul Emmanuel Roger, responsable du rayon beau livre de la librairie Mollat, à Bordeaux. En témoigne, par exemple, le succès continu dans ce magasin du catalogue Les archives du rêve, édité par Hazan en partenariat avec le musée de l’Orangerie il y a maintenant deux ans.

Chez Hazan justement, l’année 2015 s’est aussi révélée relativement stable. "Mais cette stabilité cache une tendance de plus en plus affirmée : si notre programmation se répartit équitablement entre les ouvrages proches des expositions et ceux qui ne le sont pas, ce sont nettement ces premiers qui tirent nos ventes vers le haut", note Jérôme Gille, qui a fait partie depuis septembre de la codirection éditoriale d’Hazan et s’occupe spécifiquement des catalogues, tandis que Delphine Storelli dirige le pôle création. La maison s’est en effet réorganisée autour d’une direction bicéphale suite au décès, début 2015, de son ancien directeur Jean-François Barrielle. Créditée l’an passé par GFK de la deuxième place d’éditeur de catalogues, avec notamment un beau succès sur celui de l’exposition "Pierre Bonnard" en 2015, Hazan entend en 2016 continuer ses multiples collaborations avec les musées. Mais aussi, comme l’explique Delphine Storelli, "défendre le large spectre du livre d’art qui peine à trouver sa place et son public au milieu des ouvrages d’actualité". Au programme, par exemple, une grande monographie sur Louise Bourgeois et le développement de concepts plus grand public, tel un livre pour "découvrir Michel-Ange pas à pas" réalisé par Hector Obalk à partir de son émission "Grand’art", diffusée sur Arte.

Faire le grand écart

"Lorsque j’ai commencé en 1992 à faire des catalogues, domaine dans lequel nous sommes d’ailleurs précurseurs, les autres maisons faisaient beaucoup d’ouvrages hors actualité : ce qui est inquiétant, c’est qu’il y en a de moins en moins", constate Nicolas Neumannn directeur éditorial chez Somogy, qui s’emploie à publier aussi bien des ouvrages "difficiles économiquement", tel le catalogue raisonné de George Desvallières, que des titres aux tirages ambitieux comme sa coédition avec le Louvre sur Hubert Robert.

La fragilité du marché du livre d’art laisse en effet peu de place aux ouvrages sortant du champ sécurisé du catalogue d’exposition. Pourtant, les acteurs du secteur ont appris à diversifier leurs publications en s’adonnant à un véritable grand écart. "Notre stratégie éditoriale, hors catalogues d’exposition, consiste d’une part à ouvrir les portes de l’art au plus grand nombre, avec des livres en dessous de 25 euros, et de l’autre à proposer des titres très luxe s’adressant à un public d’amateur", explique Julie Rouart, la nouvelle directrice éditoriale des livres d’art chez Flammarion qui a succédé en début d’année à Sophie Laporte. La maison a ainsi lancé en 2015 une collection intitulée "Le guide", qui s’emploie à donner au plus large public "les clés de compréhension" des champs de la création contemporaine. "Les trois titres phares comme Art contemporain sont presque en rupture de stock alors que nous les avions tirés à 8 000 exemplaires : ils marchent si bien qu’ils ont été sélectionnés pour être diffusés en Maison de la presse." Cette année, l’éditeur développe dans le même esprit la collection "Tout sur", créée il y a quatre ans, en l’étendant aux mouvements artistiques comme l’impressionnisme ou le street art. Flammarion prépare parallèlement une monographie consacrée aux artistes photographes Pierre et Gilles qui paraîtra à l’occasion de leur quarantième anniversaire. Un "très bel objet" avec une édition sous coffret et une autre de bibliophilie qui sera accompagnée de tirés à part.

Approche similaire chez Citadelles & Mazenod qui a réussi en 2015 son incursion vers le grand public avec un cahier de coloriages à moins de 20 euros, tandis que le reste de ses publications s’articulait autour de riches ouvrages de référence dépassant généralement les 100 euros. "Nous avons pu résister à cette année particulièrement difficile grâce à un programme bien ciblé, conçu pour toucher un large public", analyse Matthieu de Waresquiel, qui se félicite notamment du succès de la monographie consacrée à Nicolas de Staël. Sans lien direct avec l’actualité et à 235 euros, l’ouvrage, tiré à 2 300 exemplaires, fait partie des meilleures ventes de la maison.

"Même si nous avons tous besoin de nous appuyer d’une façon ou d’une autre sur l’actualité culturelle, faire des propositions uniquement sur le créneau des expositions limite l’offre, son originalité et donc son attractivité", estime Thomas Vivien, directeur commercial chez Taschen. L’éditeur, leader sur le segment du livre d’art après une année 2015 "plutôt bonne", cultive aussi le goût des extrêmes. D’un côté, avec la "Bibliotheca universalis", nouvelle collection arrivée en 2015, il propose la réédition en poche et à tout petit prix de grands formats du catalogue, distribués notamment dans les magasins Nature & découvertes. Et de l’autre, Taschen, avec Naomi Campbell, publie une monographie très luxueuse du mannequin aux tirages limités à 1 000 exemplaires et au prix dépassant les 1 000 euros. "Il ne faut pas arrêter de faire des livres d’art chers sous prétexte que les ventes sont moins faciles ; le consommateur d’aujourd’hui perçoit très bien la valeur des ouvrages qui lui sont proposés et il est séduit par les propositions originales à des prix en adéquation avec la qualité", ajoute Thomas Vivien.

Créer l’émotion

Des propos avec lesquels Aymeric Mantoux, président du Cercle d’art, ne pourrait qu’être d’accord. Depuis son arrivée, fin 2014, à la tête de la maison créée par Picasso en 1949, suite à son rachat par le chef d’entreprise Richard Mille, cet ancien journaliste s’emploie à "ouvrir le champ des possibles de l’art" dans une optique de livre "unique et extraordinaire". L’éditeur a commencé en 2015 à retrouver un équilibre financier, après quelques années "très mauvaises", et a ouvert sa programmation 2016 par un titre à tirage limité et déjà épuisé, effectué en collaboration avec le malletier français Moynat. "Il s’agit d’une nouvelle de l’écrivaine Clémence Boulouque, accompagnée de photographies de Jérôme Bryon qui illustrent le savoir-faire de la maison : c’est aussi ça l’art." Cinq autres titres sont prévus cette année, parmi lesquels La gravure libertine : scènes du plaisir, un ouvrage qui paraît ce mois-ci, consacré à l’évolution de l’estampe libertine, présenté sous coffret aux allures d’œuvre d’art. Pour faire parler du livre, la maison a conclu un partenariat avec le club hédoniste Les Grands Ducs qui lui a ouvert ses portes le temps d’une soirée de lancement. "Face à un modèle économique en souffrance, le livre d’art est mort si on n’apprend pas à le montrer, à le faire vivre."



Une approche qui s’inscrit dans la stratégie d’Actes Sud chez qui Anne-Sylvie Bameule, chargée des beaux livres, prône "une relation au livre différente". "Lorsque le public sort d’une exposition, l’acte d’achat du catalogue est plutôt spontané puisqu’il s’inscrit dans le prolongement de l’émotion ressentie : cette émotion c’est à nous, éditeurs, de la créer dans d’autres contextes pour conquérir notre lectorat." Pour faire vivre ses livres d’art - 65 titres programmés en 2016 -, la maison arlésienne travaille de façon de plus en plus rapprochée avec les libraires, "des partenaires sans qui rien n’est possible". L’éditeur multiplie les rencontres et signatures autour de ses ouvrages, notamment dans les librairies qui lui appartiennent. "Nous collaborons beaucoup avec la toute petite librairie Chez Hermès (Paris, 6e), où nous avons par exemple monté une animation cette année autour de notre livre de photographies "No do", l’homme qui écoute les légumes". Nombreux sont les acteurs du secteur à se féliciter du solide tissu de librairies françaises sur lesquelles ils ont pu s’appuyer durant cette année 2015 particulière. "Plus que jamais, les acteurs de la chaîne du livre d’art sont étroitement liés, nous devons tous marcher de concert pour que cela fonctionne", estime Matthieu de Waresquiel.

Le livre d’art se trouve en effet pris dans une spirale : plus son économie est en souffrance, plus les rayons qui l’accueillent en librairie se réduisent et moins cet objet de désir par excellence peut donc espérer rencontrer son public. Pour rompre ce cercle vicieux, les opérations de soutien se multiplient. La 18e édition de la Fête de la librairie par les libraires indépendants s’est tenue le 23 avril autour de l’idée que "ce sont les beaux livres qui font les grandes librairies et fondent leur vocation". Et c’est l’éditrice Diane de Selliers qui a été sollicitée pour réaliser le traditionnel livre offert dans le cadre de l’opération "Un livre, une rose". La prestigieuse maison a ainsi mis tout son savoir-faire dans un beau livre d’art de poche, Amour & Psyché, histoire d’amour mythique, signé par l’écrivain carthaginois Apulée, illustré par des reproductions des vitraux du musée Condé à Chantilly. Distribué à 23 000 exemplaires, cet ouvrage réjouit Diane de Selliers qui voit là "une occasion unique de faire découvrir gratuitement et à un large public la richesse du livre d’art". Une vitrine aussi pour l’éditeur qui a vécu une année 2015 "assez tiède" faute de succès pour ses Poésies de Rimbaud illustrées. "Cela ne nous empêche pas de rester sur notre ligne éditoriale de rareté et qualité : nous fonctionnons ainsi depuis vingt-cinq ans et nous sommes toujours là, emplis de passion." De son côté, le groupe art et beaux livres du Syndicat national de l’édition (SNE) lancera à l’automne, en collaboration avec le Syndicat de la librairie française (SLF), un prix du Livre d’art des libraires, destiné, selon Pascale Le Thorel, sa présidente, à "soutenir et mettre en valeur la diversité du segment". La résistance s’organise.

Le livre d’art en chiffres

Les coloriages sur l’art ont le vent en poupe

 

Face au succès des livres de coloriages pour adultes, les éditeurs développent spécifiquement ceux consacrés à l’art qui connaissent un joli succès.

 

Photo OLIVIER DION

"Le petit phénomène de 2015 dans la librairie du Centre Pompidou, c’est le livre de coloriages autour de l’art : on a senti une forte appétence du public dans ce domaine", note Olivier Place, directeur des librairies Flammarion. Au Louvre, Pierre Jaubert constate aussi la montée en puissance de ce support, à mi-chemin entre le livre et ce qu’il nomme les "poupouilles", les petits produits dérivés (gommes, marque-pages, magnets), qui se vendent près des caisses. Alors que le succès des livres de coloriages pour adultes n’est plus à démontrer - sept d’entre eux se classaient en 2015 dans le top 50 des ventes livres pratiques GFK/Livres Hebdo -, les éditeurs du secteur développent spécifiquement ceux consacrés à l’art. Larousse ou Marabout ont ainsi fait paraître l’année dernière quelques titres isolés comme Fragonard : coloriages anti-stress ou Chefs-d’œuvre : coloriages magiques quand d’autres les intègrent à leur stratégie éditoriale.

"Nous nous sommes lancés sur ce segment l’année dernière, dès que nous avons compris qu’il y avait une demande, et les résultats sont bons", se réjouit Fabienne Kriegel, directrice générale du Chêne. La maison publie dans ce domaine une quinzaine de titres à l’année, tirés entre 6 000 et 8 000 exemplaires, qui se centrent sur des mouvements artistiques ou des œuvres d’un artiste - Vigée Le Brun, Bonnard, Vélasquez… - et paraissent en synchronisation avec les expositions.

Haut de gamme

Ces cahiers de coloriages sur papier de qualité prennent des allures de beau livre, avec une introduction aux travaux du peintre et une reproduction de chaque tableau à côté du modèle à remplir. Ce dernier est détachable au cas où on voudrait l’afficher ou l’offrir. "Ce développement constitue un investissement donc, puisque nous avons dû acheter les droits de toutes les œuvres auprès de la RMN-GP", note Fabienne Kriegel. Selon elle, "ce qui plaît aux acheteurs, ce n’est pas simplement de faire un joli coloriage, c’est aussi une autre façon d’approcher l’art, de comprendre un tableau, de se l’approprier en quelque sorte pour un prix très raisonnable". Le grand modèle du cahier (34 × 26) coûte 12,90 euros, tandis que le petit avoisine les 6 euros.

Plusieurs éditeurs d’art se positionnent sur ce créneau comme les éditions du Centre Pompidou qui proposaient l’année dernière le cahier Inspirations : motifs à colorier, art moderne & contemporain, Place des Victoires avec Vitraux : coloriages anti-stress ou encore Citadelles & Mazenod qui a publié à l’automne Les chefs-d’œuvre de la peinture : l’art en coloriages. "Nous voulions rester dans le haut de gamme avec un bel objet, il est donc enrichi de textes expliquant la vie et les techniques du peintre ; cela a particulièrement bien marché, nous en lançons un nouveau en 2016 autour de la peinture moderne", explique son directeur général Matthieu de Waresquiel. Pour l’instant les éditeurs ne travaillent pas en coédition avec les musées sur ce segment, mais certains y pensent comme Anne Le Meur, responsable éditoriale du pôle art-thérapie et coloriage pour adultes chez Hachette Pratique qui édite une collection "Art-thérapie. Peinture". "C’est une option envisageable qui nous ravirait", estime-t-elle avant de nuancer : "Il ne faut pas se leurrer, si le sujet de l’art est bien porteur, nos gros succès en coloriages portent plutôt sur des thèmes plus généralistes comme les fleurs ou les jardins."

Meilleures ventes : oxygénation

Le palmarès GFK/Livres hebdo des 50 meilleures ventes du rayon art pour les douze derniers mois montre un élargissement des achats. Alors que le dernier classement comportait 37 titres ayant trait à l’actualité muséale, celui-ci n’en contient que 17, conséquence en partie de la baisse de fréquentation des musées suite aux attentats de 2015. Deux créations - Les couleurs expliquées en images (Seuil) suivi de Retour à Tombouctou (Gallimard) - se hissent ainsi dans le top 3, d’habitude occupé par les catalogues d’exposition.

Ces derniers continuent cependant de tracter le marché comme l’indique la présence, en pole position, de celui de la RMN-GP consacré à la rétrospective "Elisabeth Louise Vigée Le Brun". L’exposition qui s’est tenue du 23 septembre 2015 au 11 février 2016 au Grand Palais a attiré 236 818 visiteurs. Neuf autres catalogues se positionnent dans les 20 premières places du classement

Autre grande tendance, l’intérêt du public pour le street art ne faiblit pas : 6 titres sur le sujet s’installent dans le palmarès dont 2 dans le top 10. Street Art : poésie urbaine chez Tana dont plus de 15 000 exemplaires se sont écoulés depuis sa parution en octobre 2015, prend ainsi la 4e place tandis qu’à la 9e on trouve un ouvrage d’Alternatives sur Banksy, une des figures de proue du street art.

Enfin, la photographie et les ouvrages d’art à visée pédagogique tirent leur épingle du jeu. On trouve par exemple en 7e position les clichés de Matthieu Ricard réunis dans Visages de paix, terres de sérénité chez La Martinière et à la 11e place le volume 3 de la série D’art d’art !, signée Frédéric Taddeï.

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