Dans le métro de New York, il est devenu banal de s'asseoir à côté d'un voyageur absorbé par sa liseuse (souvent un Kindle), alors qu'on prendrait presque une photo quand on croise un technophile avant-gardiste équipé d'une de ces machines dans une rame de la RATP. Entre les pays anglophones et le reste du monde, le livre numérique évolue pour le moment dans deux marchés presque étanches. Chez Hachette Livre, au premier semestre 2012, "il représente respectivement 27 % et 23 % du chiffre d'affaires du rayon grand public adulte aux Etats-Unis et au Royaume-Uni". En France, la vente d'ebooks en est encore au stade des "nouvelles perspectives de développement", nuance délicatement Lagardère, maison mère du groupe d'édition bien implanté des deux autres côtés de l'Atlantique et de la Manche.
1 LA FRANCE EST-ELLE NUMÉRICO-COMPATIBLE ?
Ce "retard français" serait-il une nouvelle manifestation de ce sous-équipement technologique dont Fernand Raynaud se moquait dans "Le 22 à Asnières" ? D'après la première enquête d'un panel mondial (Global eBookMonitor, Bowker) parmi la population connectée à Internet, seulement 5 % des Français interrogés disent avoir téléchargé un livre numérique au cours des six derniers mois. C'est le taux le plus bas des 10 pays étudiés, derrière le Japon (8 %), l'Allemagne et l'Espagne (13 %), les Etats-Unis et le Royaume-Uni (20 %), et l'Inde (24 %), entre autres. "Il ne s'agit en rien d'une résistance culturelle, comme le montre l'engouement des Français pour les smartphones et les tablettes", corrige Sébastien Rouault, responsable du panel Livres chez GFK. Bien qu'il prévoie un doublement du parc de liseuses, à 300 000 unités, il doute néanmoins que 2012 soit l'année de l'envolée numérique.
"Les ventes restent très marginales", souligne-t-il, prévoyant que, cette année, le volume d'affaires ne dépassera pas 21 millions d'euros, soit moins que l'estimation du SNE pour 2011 (35 millions d'euros), avec une méthode de calcul différente. Ces 300 000 e-lecteurs ne représenteront que 0,7 % de la population âgée de 18 ans et plus. Aux Etats-Unis, la proportion était de 19 % en janvier dernier (47 millions de personnes), contre 2 % en avril 2009, selon une étude du Pew Research Center (The rise of e-reading). En février dernier, 28 % des Américains disaient lire sur un terminal dédié, liseuse ou iPad, contre 8 % deux ans auparavant (sondage Harris Interactive en février 2012). La différence d'équipement est donc considérable entre les deux pays. En France, même si ces convaincus de la première heure sont de gros lecteurs, leur poids sera à peine perceptible dans le marché global.
On observe la même réserve dans d'autres pays non anglophones. Le numérique a représenté l'an dernier 1 % des ventes de livres en Allemagne, évaluées à 5,5 milliards d'euros, selon une estimation Börsenverein-GFK récemment publiée. En Chine, les éditeurs installés sont aussi méfiants, de même qu'au Japon. La lecture de romans ou mangas en épisodes sur téléphone portable qui s'est développée dans ces deux pays ressemble plus aux feuilletons de la presse du XIXe siècle qu'à de l'édition.
2 LA LIBRAIRIE PEUT-ELLE TENIR DANS UN MARCHÉ LIBRE ?
Sur les 25 meilleures ventes au format de poche publiées dans Livres Hebdo du 14 septembre, 16 >se trouvaient aussi en numérique, dont 14 plus chers que le papier, ce qui est incompréhensible pour les lecteurs : "Les livres en français, même lorsqu'ils sont déjà parus en poche, sont au tarif du broché ! Tant que l'offre Google de livres en français ne suivra pas à un tarif "numérique", l'application sera inutile", proteste "lelor63" sur la page "avis" de Google Play, à l'unisson d'innombrables commentaires sur les forums spécialisés. "Aux tarifs actuels, le terminal n'est plus un frein, contrairement au prix du contenu", juge Sophie Lubrano, chef de projet à l'Idate, institut d'étude qui a réalisé plusieurs enquêtes sur ce marché.
De fait, les grands éditeurs tiennent leurs tarifs en Europe, et tout particulièrement en France où ils portent ceinture et bretelles : ils utilisent le contrat d'agence, comme leurs confrères, et ils disposent en plus d'une loi, qui leur donne la maîtrise du prix. Rendu méfiant par l'exemple de la musique, observant avec inquiétude l'empoignade entre Amazon et les éditeurs aux Etats-Unis, le monde du livre ne voit rien de bien enthousiasmant dans cette irruption numérique. "Les éditeurs sont conscients du risque pour la librairie si ce marché se développe trop vite. Il suffit de quelques points de basculement de chiffre d'affaires pour la mettre en danger. L'adhésion du groupe Hachette à l'Adelc [groupement de soutien des éditeurs aux libraires indépendants] montre cette préoccupation", analyse Sébastien Rouault.
Aux Etats-Unis, la librairie indépendante est en voie de disparition : au premier trimestre 2012, elle ne représentait plus que 6 % des ventes, contre 9 % à la même période l'an dernier, selon les derniers chiffres communiqués par Bowker Market Research. Barnes & Noble contrôlait 20 % du marché (1 point de plus que l'an dernier), mais c'est surtout Amazon qui a profité de la disparition de Borders (10 % de part de marché au 1er trimestre 2011), en accaparant 29 % des achats de livres, contre 23 % auparavant. Pour ne pas se laisser distancer, Barnes & Noble investit lourdement dans sa filiale numérique et dans sa liseuse Nook, ce qui déséquilibre ses comptes : sans les 286 millions de dollars (229 millions d'euros) de pertes de sa branche numérique, le réseau serait encore parfaitement rentable.
3 À QUELS PRIX ?
Sur les prix, les éditeurs français y vont donc prudemment. Gallimard a répercuté dès décembre la baisse de la TVA (passée de 19,6 % à 7 % et contestée par Bruxelles), et a aligné les prix de ses ebooks sur le poche - mais pas en dessous. Hachette l'a suivi trois mois après, mais c'était une figure imposée pour ces deux groupes : Antoine Gallimard devait appliquer dans son entreprise les mesures qu'il avait réclamées et obtenues en tant que président du Syndicat national de l'édition. Très observé par les pouvoirs publics français et par la Commission européenne, dans le collimateur d'une enquête de la DG Concurrence à Bruxelles, Hachette, premier groupe d'édition en France, se doit aussi de montrer sa bonne volonté. Albin Michel a aussi un peu baissé ses prix au 1er juillet, mais c'est à peu près tout parmi les grands groupes, qui avancent à pas comptés. "Nous développons une conception raisonnée du numérique", déclare Eric Marbeau, responsable de la diffusion numérique de Gallimard, qui met du fonds en vente en fonction de l'actualité des nouveautés, des sorties de films, des commémorations, etc. Car il ne servirait à rien de jeter des milliers de titres sur le marché numérique : "La longue traîne n'est finalement pas très opérante", estime Eric Marbeau.
4 QUELLE EST L'AMPLEUR DE L'OFFRE DISPONIBLE ?
Même les aides que propose le CNL (Centre national du livre) depuis des années n'ont pas incité les éditeurs français à mettre massivement leurs fonds en ligne. Le marché étant faible, ils jugent que c'est un investissement non prioritaire. Et comme il y a peu de contenus, les lecteurs jugent que ces librairies numériques n'ont pas grand intérêt. La gestion serrée de l'offre est donc un autre verrou, avec le prix. En Allemagne, les éditeurs ne se sont pas précipités non plus pour alimenter le Kindle : lors du lancement de sa liseuse au printemps 2011, Amazon n'avait que 25 000 livres allemands en ePub, rappelle le Börsenverein dans son étude sur le marché. Faute de base de données exhaustive, l'offre numérique disponible en France ne repose que sur des estimations. Il y a, au mieux, 10 % environ des références papier disponibles en ePub, la norme du fichier pour la lecture nomade. Les éditeurs ne répondent pas spontanément sur le sujet, et encore moins sur les prévisions d'accroissement.
Avec 15 000 titres en ePub ou en PDF (la répartition n'est pas précisée), le groupe Hachette propose le fonds le plus important, devant L'Harmattan (30 000 références en PDF, 6 000 en ePub). Eyrolles en est à 1 605 PDF et 903 ePub. A la mi-septembre, Eden Livres (Flammarion, Gallimard, La Martinière, etc.) indiquait 13 945 titres au compteur figurant en bas de la page d'accueil de son site. Le CDE, qui rassemble les filiales de Gallimard et les éditeurs tiers en distribution, en compte 2 323, indique Mathias Echenay, son DG, dont 911 pour P.O.L, l'éditeur du groupe le plus actif en numérique. La Martinière en a déposé plus de 1 100, déclare Patrick Gambache, responsable du développement numérique. Fleurus a numérisé 700 titres en ePub, une centaine en PDF. Editis n'indique rien.
La source d'information la plus simple est... Amazon, mais pour les ePubs seulement. Parmi les 75 171 titres en français (sur 1,5 million du Kindle Store, d'une écrasante majorité en anglais) que proposait Amazon à la mi-septembre, 37 156 étaient à moins de 5 euros, mais ce n'est évidemment pas du premier choix. Il y a notamment plusieurs milliers de classiques gratuits, ou, à quelques dizaines de centimes, de la littérature sentimentale, de vieux polars, des titres autoédités, ou encore de la SF - Bragelonne s'est notamment lancé dans une politique très volontariste. Il faut aussi distinguer la BD : aiguillonnés par une communauté pirateuse, ses éditeurs ont massivement appliqué une réduction de 50 %, proposant presque tous leurs titres à 6 euros, voir à 5 euros (contre 12 euros en moyenne pour un album). Cet été, les éditeurs diffusés via la plateforme Izneo, dont ceux de Média-Participations, ont proposé les premiers volumes de leurs séries à 2,99 euros.
D'autres éditeurs tentent des expériences, comme Au Diable Vauvert, qui propose gratuitement le premier volume de la série SF Le peuple de l'eau de Pierre Bordage, pour la lancer ; Universalis qui publie en numérique seulement des fiches de lecture de son fonds, encore relativement chères : 2,68 euros les 15 à 30 pages de texte. "La structuration des fonds éditoriaux en bases de données, qui permettent des réutilisations sur mesure, est un des axes de développement que permet le numérique, y compris couplé avec le papier. C'est une piste importante pour les éditeurs de tourisme, ou du pratique", explique Hervé Essa, directeur commercial international services éditoriaux de Jouve.
5 DÉVELOPPEMENT OU SUSTITUTION ?
Aux Etats-Unis, depuis quatre ans, le CA net des éditeurs participant à l'enquête de l'AAP est resté à peu près stable, à 27,7 milliards de dollars (AAP/BISG, 2011), alors que le numérique a pris une part grandissante du marché, représentant 10 % des ventes au 1er trimestre 2012 (Bowker, Pub Track Consumer Survey), contre 6 % en 2011. Ce nouveau support n'a donc rien créé, il s'est seulement substitué au livre papier, et aux autres canaux de vente. Le broché et le poche ont souffert, perdant 4 points de part de marché à 33 %, alors que le relié se maintient, à 7 %. C'est la même chose au Royaume-Uni, selon les résultats du panel Books & Consumers Survey présenté par Bowker à la Foire de Londres, en avril dernier. Dans le rayon fiction adulte, le numérique représentait 12,5 % des achats en volume fin 2011, contre 2,8 % un an auparavant. Le marché britannique du livre dans son ensemble (papier + numérique) se maintient en volume (+ 0,4 %), mais il a reculé de 3 % en valeur, en raison des prix moindres du numérique : 3,39 livres sterling, contre 4,96 pour un poche, et 7,08 pour un relié. Au premier semestre 2012, le numérique a progressé de 188 % dans le segment fiction adulte en Grande-Bretagne, mais le rythme était à plus de 300 % l'an dernier. Les ventes d'ebooks représentaient 12,9 % du marché total au 1er semestre 2012, selon l'Association des éditeurs (PA).
Amazon assure que les possesseurs d'un Kindle lisent plus de livres, mais c'est chez lui seulement, parce qu'ils sont devenus des clients captifs. S'ils veulent lire des livres en version numérique, ils n'ont d'autre choix que de les acheter dans le Kindle Store, alors qu'auparavant ils pouvaient mixer leurs achats entre le site, ses concurrents ou des librairies physiques. Du printemps 2008 à l'automne 2011, en trois ans et demi, le nombre d'Américains déclarant avoir acheté des livres chez Amazon a augmenté de 51 %, à 61,11 millions, selon le panel consommateurs de l'institut Sarborough. Sur la même période, le nombre d'Américains ayant acheté des livres en librairie a fléchi de 2,5 %, à 168 millions. Le panel de Bowker (Consumer attitudes toward e-book reading, février 2012) confirme ce transfert : près de la moitié des lecteurs de livres numériques augmentent leur consommation de livres, mais c'est aux dépens des grandes surfaces spécialisées, pour 33 % des répondants, ou des indépendants pour 29 % d'entre eux.
6 QUELS NOUVEAUX MARCHÉS ?
Les éditeurs anglophones bénéficient néanmoins d'un atout considérable, qui commence tout juste à produire ses effets : l'anglais devient la langue universelle, et notamment celle de l'ascension sociale dans les pays en développement, dont les élites en devenir ont soif de livres qu'elles ne trouvent pas en version papier - voir p. 74 les 24 % d'Indiens déclarant avoir téléchargé un livre numérique en 2012. A un volume encore modeste de 21,5 millions de dollars, les exportations numériques des éditeurs de l'AAP ont quand même bondi en 2011 de 332,6 % (dont + 1 316,8 % vers le Royaume-Uni !), alors que celles du papier ont progressé de 2,3 %, à 335,9 millions de dollars. Les éditeurs hispanophones bénéficient aussi d'un grand bassin de population, que le numérique permettra de couvrir plus facilement. En revanche, le français vit sur son passé prestigieux ; la francophonie relève de la résistance linguistique, non de la conquête.
Eric Marbeau, chez Gallimard, croit beaucoup à la vente couplée papier + numérique, étant bien compris que le fichier serait vendu dans le cadre d'un "bundle", et non offert. Une innovation qui aiderait les libraires à prendre leur part de ce marché, mais qui est techniquement impossible pour le moment, en raison de l'incompatibilité des systèmes de gestion - même Amazon n'y arrive pas. En revanche, ce qu'Amazon propose sur ses nouveaux Kindle, c'est le passage de la lecture du texte au livre audio, et inversement, dans une technologie mise au point par Jouve, et qui suppose d'avoir acheté l'ebook et le livre audio : c'est bien une augmentation des ventes.
7 LE NUMÉRIQUE FACILITE-T-IL L'ACCÈS AU LIVRE ?
Les entreprises des nouvelles technologies ont réussi à convaincre les pouvoirs publics, et une partie des lecteurs, que le numérique facilite l'accès à la culture. C'est surtout vrai du lectorat qui maîtrise déjà cet accès, et pour qui ce nouveau moyen ouvre des possibilités inconnues jusqu'alors de recherche, de découverte, de mobilité et de fluidité d'usage. Cette idée de démocratisation numérique sert de base aux projets de modification des réglementations sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle, qui seraient une entrave à ces nouvelles possibilités de diffusion. L'une des plus sévères est actuellement menée au Canada. Elle est aussi au coeur du projet de numérisation des oeuvres indisponibles en France, et justifie une avance sur fonds public d'une quarantaine de millions d'euros, mais dans des conditions qu'un collectif d'auteurs juge bien trop favorables aux éditeurs.
8 LA CRÉATION EDITORIALE RISQUE-T-ELLE DE S'APPAUVRIR ?
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, pays où le prix du livre est libre, "nombreux sont les éditeurs, mais aussi les auteurs et intellectuels américains et anglais qui tirent la sonnette d'alarme : il est de plus en plus difficile d'y publier des livres... difficiles", déclare Arnaud Nourry dans une lettre de soutien à la campagne pour le prix fixe au Québec. Ce serait donc le règne du livre commercial, du blockbuster mondial et formaté, ou d'une bouillie autoéditée. "Les seuls éléments aujourd'hui indispensables dans le processus éditorial sont l'auteur et le lecteur", déclarait en octobre 2011 Russell Grandinetti, vice-président chargé des contenus sur le Kindle. Les chiffres de vente de l'autoédition ne sont pas mesurés pour le moment dans l'appareil statistique de Bowker/AAP, car ses auteurs, par définition, ne font pas partie de l'association des éditeurs. Aux Etats-Unis, ceux qui réussissent sont très médiatisés, mais on parle surtout de leurs chiffres de vente, peu de la qualité de leur oeuvre. Cette médiatisation sert les intérêts d'Amazon, qui a massifié le phénomène, via Kindle Direct Publishing, même s'il ne l'a pas créé. L'outil d'observation le plus important est d'ailleurs le classement du site, mais ses caractéristiques sont trompeuses. Pour apprécier vraiment le phénomène, il faudrait une synthèse annuelle, qui n'est pas donnée. Cette littérature numérique devient par ailleurs le lieu de campagnes d'avis de lecteurs bidonnés par des spécialistes du marketing des réseaux sociaux. Mais le vrai danger viendra peut-être de la publication sur KDS de contenus de qualité, dont l'économie incertaine aurait bloqué l'édition traditionnelle. La poésie, la nouvelle, les revues pourraient ainsi retrouver un accès à un public plus large.
Contrairement aux consoles qui ont fait apparaître des éditeurs de jeux vidéo, ces machines à lire n'ont pas encore généré de contenus nouveaux, au-delà d'expériences qui s'apparentent à de la recherche et au développement. Les liseuses sont au contraire conçues pour retrouver au plus près l'expérience de lecture des livres papier, et la quasi-totalité de l'offre est composée de livres homothétiques de ces ouvrages. Mais les tablettes multifonctions changent la donne : "Il s'ouvre un deuxième chantier de conversion, avec des contenus multimédias", explique Hervé Essa, du groupe Jouve, qui trouve là un relais de croissance après la première transformation de livres homothétiques (150 000 conversions en ePub l'an dernier). Pour beaucoup d'éditeurs, ces frais de conversion sont cependant encore trop chers, notamment pour les livres pratiques (droits supplémentaires et mise en page complexe). Nombre d'entre eux sont pourtant exposés à la concurrence de contenus libres d'accès sur Internet, via d'innombrables forums consacrés au bricolage, loisirs, voyages, cuisine, pour le moment sans effet perceptible sur les ventes de livres. La cuisine en est le meilleur exemple.
9 LA CROISSANCE EST-ELLE DOPÉE AUX PRIX CASSÉS ?
La croissance a été si rapide aux Etats-Unis qu'un palier semblait même atteint en début d'année, la magnitude passant d'"exponentielle" à tout juste "forte" sur l'échelle des superlatifs qui caractérisent les ventes numériques. Au cours des cinq premiers mois de l'année (derniers chiffres disponibles), les ventes de livres numériques ont progressé de 31,7 %, à 469,8 millions de dollars (359 millions d'euros), selon les statistiques Bowker/ Association des éditeurs américains (AAP), ce qui semble bien modeste par rapport aux 160 % de progression constatés à la même période en 2011. L'extension du domaine du numérique s'est aussi calmée chez Hachette Book Group : elle doublait au minimum chaque année, passant de "1 % en 2008, à 4 % en 2009, puis 8 % en 2010, et 20 % in 2011", rappelle le site spécialisé Digital Book World. A ce rythme, elle aurait dû atteindre 35 ou 40 % au premier semestre 2012, au lieu des 27 % réalisés.
Tous ces indicateurs sont toutefois donnés en chiffre d'affaires, impacté par une baisse des prix. En littérature, le prix moyen d'achat d'un ebook a reculé de 8 % à 5,54 dollars (4,23 euros), et de 28 % en essais et documents, à 6,47 dollars (4,94 euros), selon l'enquête consommateurs de Bowker. Mais même hors effet prix, l'indice de progression devait fatalement ralentir, en raison même de l'élargissement du marché. "Le plein des early adopters est fait", explique Philippe Chantepie, spécialiste de l'économie numérique et chargé de mission auprès du secrétaire général du ministère de la Culture (voir p. 76). "Dans le monde entier, le livre papier représente encore au minimum 90 % du marché, et souvent la presque totalité : la marge de progression du numérique reste donc considérable", nuance Philippe Colombet, responsable des partenariats avec les éditeurs chez Google, qui a ouvert sa librairie numérique en France en juillet (150 000 titres en français, dont 65 000 titres payants).
Amazon a prospéré sur ces nouveaux lecteurs technophiles, qui sont en fait aussi des lecteurs boulimiques sur papier, littéralement hypnotisés par les ebooks à prix cassés que leur propose le cybermarchand depuis cinq ans. Si Sony a relancé le premier une nouvelle machine à lire utilisant la technologie e-ink en 2006, les affaires sérieuses ont commencé en novembre 2007, avec la mise en vente du premier Kindle. "Aux Etats-Unis, Amazon a lancé le marché en faisant du quasi-dumping", rappelle Sophie Lubrano. Laid et cher (399 dollars, 305 euros, six fois plus couteux que l'actuel), il donnait en revanche immédiatement accès aux best-sellers bradés à 9,99 dollars (7,64 euros, soit le prix d'un poche ici), alors qu'ils en valaient 2,5 fois plus en première édition grand format reliée (hard cover). En bradant la liste des best-sellers, n'importe quel libraire arriverait à doper ses ventes, mais aucun ne dispose des ressources alternatives nécessaires pour vivre après avoir transformé son activité principale en produit d'appel. Début 2011, à la faveur du lancement de la tablette d'Apple, premier concurrent sérieux pour le Kindle, les éditeurs ont forcé Amazon à signer des contrats d'agence. French touch exotique au pays de la concurrence libre et sauvage, cette introduction d'un prix réglementé par contrat a permis à Apple et Barnes & Noble d'abord, ainsi qu'à Google, Kobo et Sony, de prendre une (petite) part du marché numérique, à la croissance ininterrompue alors que le pays traversait la plus grave crise financière de son histoire depuis celle de 1929.
10 À QUI SERVENT LES LOIS ANTITRUST ?
Mais depuis un mois, Amazon a triomphalement repris la main, et impose de nouveau son rythme d'enfer : le 9 septembre, le cybermarchand relançait la guerre des prix, en repassant certains best-sellers à 9,99 dollars. Le 6, il avait tout juste présenté une nouvelle génération de liseuses et de tablettes Kindle, plus performantes et moins chères que les précédentes, avec un premier prix à 69 dollars (53 euros ; voir article ci-dessous). Le matin, Kobo avait bien essayé de détourner l'attention, en présentant aussi ses nouvelles liseuses et sa tablette, également moins chères et de meilleure qualité, mais c'était insuffisant pour troubler la fête. Car le 5 septembre, le tonitruant Jeff Bezos avait dû hurler de rire en apprenant le fantastique dénouement de l'enquête visant 5 groupes d'édition et Apple, que les professionnels du livre le soupçonnent d'avoir inspirée : la justice américaine validait la transaction à 69 millions de dollars conclue entre les autorités de l'antitrust et 3 des 5 groupes, ainsi libérés de l'enquête pour entente sur les prix des livres numériques via ces contrats d'agence, mais surtout contraints de mettre fin à ces contrats. Le volet européen du dossier évolue aussi vers un assouplissement des contrats d'agence.
Barnes & Noble, qui a beaucoup contribué à la ruine des indépendants dans les années 1990, s'aperçoit à son tour que la libre concurrence totale est bien rude. A l'image de la Fnac, qui a pesé de tout son poids pour demander la version la plus rigoureuse de la loi sur le prix du livre numérique en France, la première chaîne américaine de librairies a défendu le contrat d'agence qui gelait toute guerre de prix entre revendeurs. Dans sa décision approuvant le démantèlement de ces contrats, la juge Denise Cote a sèchement balayé cette requête : "Bien que le développement d'une nouvelle industrie soit toujours déstabilisant, ce n'est pas le rôle du juge de protéger les librairies et autres parties prenantes des vicissitudes d'un marché concurrentiel", a-t-elle répondu à Barnes & Noble, comme aux centaines d'autres avis similaires qui lui étaient soumis.
11 ET SI AMAZON PAYAIT DES IMPÔTS ?
Avec son système fermé, Amazon tient ses clients, presque irrémédiablement perdus pour tous ses concurrents une fois qu'ils ont acheté un Kindle. En 2011, Amazon contrôlait 73 % du parc de lecteurs numériques américains, selon une estimation de Digitimes. Celui qui s'aviserait de préférer plus tard un Cybook, un Kobo, un Nook, un Reader, etc., sur lesquels les ebooks d'Amazon ne sont pas lisibles, devrait en effet accepter de perdre sa bibliothèque. Et il est de toute façon improbable que ce lecteur envisage de changer de matériel et de libraire : Amazon a été assez habile pour concevoir des adaptations de son système à d'autres appareils non directement concurrents (tablettes et smartphones), afin que le lecteur ne perçoive aucune contrainte d'usage et puisse naviguer entre différents terminaux. Et si l'entreprise s'est fait détester ou craindre de ses concurrents et des éditeurs, si elle est poursuivie par les services fiscaux du monde entier et irrite les boursiers depuis des années en raison de sa rentabilité à 2 % digne d'une librairie, sa qualité de service est en revanche plébiscitée dans toutes les enquêtes clients, et se trouve toujours en tête des classements de sites marchands. Mais il commence enfin à se savoir qu'Amazon est un organisme parasite, en ce sens qu'il profite des infrastructures et moyens publics (systèmes de communication, de transport, d'éducation, etc.), alors qu'il a mis au point une très efficace organisation d'évasion fiscale généralisée, et qu'il ne contribue donc pas, ou très peu, à l'entretien de ces infrastructures indispensables à son activité. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, a insisté sur ce point dans une interview au Républicain lorrain à la mi-septembre.
12 DANS QUEL MONDE DU LIVRE VEUT-ON VIVRE ?
Rien n'est joué en Europe continentale, où le marché n'a pas décollé. Parmi les gros lecteurs, cible étroite mais aussi essentielle à ce marché numérique qu'elle est indispensable à l'économie des librairies, les clients captifs du cybermarchand américain sont encore rares. Les alliances entre librairies et fabricants de liseuses (TEA/Decitre-Cultura avec Bookeen, ePagine/Bookeen, Chapitre et Sony, Kobo/ Fnac) conservent toutes leurs chances. En Allemagne, les réseaux Weltbild et Hugendubel proposent un eBook Reader à 60 euros, choisissant d'affronter durement Amazon, dont le Kindle de base reste supérieur, mais aussi plus cher, à 79 euros. En France, la Fnac devrait attaquer aussi sur ce terrain, avec la version "mini" de la liseuse de son partenaire Kobo. Sony, Bookeen et leurs partenaires restent pour le moment à l'écart de cette guerre des prix annoncée, où des outsiders peuvent se glisser. L'ukrainien PocketBook propose ainsi sa nouvelle machine à 89 euros. Mais tant que la tarification des contenus restera sous contrôle, l'expansion numérique ici ne ressemblera en rien au schéma américain, estime GFK, qui prévoit un marché à 55 millions d'euros en 2015, soit moins de 2 % des ventes totales de livres. Bien adossés aux lois sur le prix du livre, papier et numérique, les éditeurs peuvent continuer à façonner le monde dans lequel ils souhaitent vivre. Actuellement, ils n'ont aucune raison de favoriser un nouveau canal accaparé par une poignée de revendeurs puissants aux dépens du circuit traditionnel de la librairie et de la grande distribution, où le rapport de force leur est plutôt favorable. Aux Etats-Unis, les éditeurs ont pu utiliser la rivalité entre Amazon et son challenger Apple, mais la justice a condamné la méthode. En France, les inspections lancées par la Commission européenne contre 5 éditeurs français et le SNE >ont finalement débouché sur une procédure concernant le seul Hachette, visé en raison du volet américain du dossier, aux côtés d'Apple et des groupes HarperCollins, Macmillan, Penguin, Simon & Schuster. La solution acceptée par la Commission passe par une libération sous contrôle des prix des ebooks de ces groupes en Europe, sauf sur le marché français, à l'abri de la loi sur le prix du livre numérique.
Un bouleversement de valeurs
Philippe Chantepie est chargé de mission au secrétariat général du ministère de la Culture, spécialiste de l'économie numérique.
L.H. La croissance du marché du livre numérique grand public semble déjà ralentir aux Etats-Unis. Est-ce conjoncturel, ou se rapprocherait-il de son potentiel maximal ?
P.C. Le marché américain du livre numérique a fait une sorte de décollage vertical, à des taux de croissance incroyables en très peu d'années. Toutefois, ce décollage a été largement médiatisé par contraste avec une tendance de moyenne période plutôt atone ou déclinante du marché du livre. De plus, cet essor ne concerne cependant que de faibles parts du chiffre d'affaires de l'édition.
Le ralentissement n'est pas conjoncturel. Le plein des early adopters est fait. On entre dans une phase plus mûre, où les positions acquises ne sont pas garanties. Le vecteur du marché a été pour le moment davantage du côté des dynamiques industrielles, du marketing des équipementiers pour constituer une base installée de liseuses et de tablettes.
En Europe continentale, et notamment en France, il n'a pas encore décollé : est-ce parce que personne n'y a vraiment intérêt, parmi les acteurs actuels de la chaîne du livre ?
Même les plus conservatrices des industries de contenus ne négligeraient pas une extension des parts de marché. C'est dans leur ADN, y compris celui de l'édition, la plus ancienne, la plus importante en chiffre d'affaires, l'une des plus numérisées dans ses process, et qui a sans doute le plus observé, investi et préparé en son sein et avec les pouvoirs publics l'arrivée du numérique. En même temps, chacun des acteurs comprend la menace de la déstabilisation potentielle que le numérique peut opérer : au premier chef, une déflation massive et, dès lors, une remise en cause des grands équilibres de la valeur ajoutée et des rapports de force, des pouvoirs de marché et de négociation de chacun. L'arrivée de nouveaux acteurs déstabilise évidemment le maillon essentiel en termes d'accès et de diversité qu'est la librairie et, plus central dans la filière industrielle, celui des diffuseurs. Toutes ces questions se concentrent sur une clef de voûte : la fixation du prix du livre, augmenté des enjeux européens de concurrence fiscale.
Et quel est l'intérêt du public ?
Le public y a intérêt pour disposer d'un nouveau mode d'accès, le cas échéant par des différenciations de prix plus marquées. C'est pourquoi les nouveaux entrants numériques sont de nature profondément déstabilisatrice, car le livre et son prix ne concernent pas le coeur de leurs métiers, mais un produit d'appel parmi d'autres. Le public aura aussi accès aux catalogues et aux fonds parfois très importants d'éditeurs qui y trouvent la possibilité de nouvelles exploitations plutôt rentables. Cet accès à la profondeur des catalogues a un revers : il demeure très dépendant des goulots d'étranglement de l'économie de l'attention, autrement dit des moteurs de recherches et de recommandations.
N'est-ce pas qu'un marché de substitution ?
L'effet de substitution n'est pas réel pour le moment, mais les volumes considérés n'y conduisent pas encore, sauf sur certains segments déjà largement touchés par le numérique (encyclopédies, sciences humaines, etc.). Rien de sérieux ne justifie l'hypothèse que la lecture numérique sur des tablettes, liseuses, etc., pourrait attirer rapidement de nouveaux lecteurs. Tout au contraire. Sociologiquement et économiquement, ce type de lecteurs se recrute parmi les CSP supérieures, avec un niveau d'études et de ressources élevé, et dans des classes d'âges relativement jeunes (25-44 ans). Or, ces classes d'âges participent du non-renouvellement générationnel des forts lecteurs engagé bien avant l'apparition de ces machines de lecture. Pour les plus jeunes, la transition vers la lecture numérique comprend un risque de rupture, particulièrement sur les tablettes où elle est en concurrence avec la musique, les jeux vidéo ou n'importe quelle application à la mode !
LE PRIX FIXE NUMÉRIQUE CONTOURNÉ PAR LA TVA
Pour les entreprises qui déduisent la TVA réglée sur leurs achats, il serait aujourd'hui très avantageux de commander leurs éventuelles fournitures en livres numériques sur... Google Play. Installée en Irlande en raison d'un impôt sur les sociétés quasi indolore dans ce pays, la holding européenne de Google doit en revanche appliquer un taux prohibitif de 23 % de TVA sur les services qu'elle vend, et dont les ebooks font partie. Les entreprises du livre soucieuses de bien préparer leur personnel au retour de la TVA à 5,5 % au 1er janvier prochain peuvent ainsi commander Les maths pour les nuls, qui vaut 15,99 euros, dont 2,99 euros de TVA déductible. L'ebook ne coûtera donc que 13 euros à la société. En revanche, Amazon n'offre aucun intérêt depuis le Luxembourg : la TVA n'y est que de 3 %, et de toute façon le site refuse de l'indiquer sur ses factures ; le fichier serait donc payé TTC. L'achat sur un site français n'est pas plus compétitif : au taux actuel, le livre coûterait encore 15 euros à l'entreprise.
C'est une des aberrations du système actuel de TVA sur le livre numérique, qui sera au mieux réglé dans deux ans, et qui vaut à la France et au Luxembourg l'ouverture d'une procédure par la Commission européenne. Comme les éditeurs veulent maintenir partout en Europe des prix TTC identiques, les seuls qui comptent pour le grand public, les libraires numériques doivent adapter leur marge en fonction du taux du pays où ils se trouvent. Pour Amazon, c'est tout bénéfice. Google Play s'y retrouve moins. "Nous sommes prêts à oeuvrer avec tous les éditeurs pour l'harmonisation des TVA sur les biens numériques en Europe", assure Philippe Colombet, responsable des partenariats dans le livre pour le moteur de recherche.
GFK VA MESURER LE MARCHÉ
"Nous préparons un baromètre du marché du livre numérique, dont nous prévoyons d'obtenir les premiers résultats d'ici fin 2012", >annonce Sébastien Rouault, chef de groupe Panel Livre chez GFK. Comme pour le livre papier, il s'appuiera sur la compilation et les traitements des ventes des librairies numériques. Il a fallu les convaincre, Amazon en tête, ce qui était la partie la plus difficile du projet. Le marché numérique est tellement concentré qu'il suffirait d'une demi-douzaine d'appels pour en connaître la tendance avec une précision inégalée, mais il est aussi très sensible, et donc très opaque. "Au début, nous ne proposerons que des grandes tendances, avec éventuellement un tableau des meilleures ventes. Lorsque l'enquête sera stabilisée, nous disposerons d'un classement par livres, comme pour le papier."
Liseuses branchées sur librairies
L'écran éclairé est l'une des principales innovations de la nouvelle génération de liseuses proposées pour la rentrée. Mais des tablettes couleur, moins chères que l'iPad, vont empiéter sur leur marché.
La rentrée est aussi devenue celle des machines à lire : Sony, Kobo, Amazon ont présenté depuis six semaines leur nouvelle génération de liseuses, avant leur mise en vente effective étalée de début septembre à fin octobre, entraînant une nouvelle rafale d'annonces suivant une communication bien rodée. Ces appareils sont plus puissants, ou dotés de nouvelles fonctionnalités, mais vendus au même prix que la précédente génération. Quand les anciens sont maintenus en vente, leur prix baisse et ils deviennent le produit d'entrée de gamme. Tous restent basés sur la technologie de l'écran à encre électronique, d'où le maelström numérique est parti : c'était en septembre 2006, date de la sortie du Reader de Sony (à 350 dollars/267 euros), après une tentative ratée au début des années 2000. Depuis 2008, le nombre de liseuses livrées dans le monde est estimé à 52 millions selon iSuppli, dont environ 500 000 en France (source GFK).
S'inspirant d'Amazon et de son Kindle, les alliances entre concepteurs de matériel et librairies numériques deviennent systématiques, et plus intégrées. Sony, qui n'avait plus de partenaire depuis la fin de l'accord avec la Fnac, rejoint Chapitre.com, qui proposera le nouveau Reader PRS-T2 à 129 euros (alors que le fabricant le vend à 149 euros sur son site). Il n'y a pas d'innovation majeure par rapport à la T1, qui disposait déjà d'un écran tactile de bonne qualité, d'une connexion Wi-Fi et d'une possibilité d'extension de mémoire. L'installation préprogrammée du lien avec la librairie Chapitre est la principale nouveauté, qui permet de télécharger directement des livres, sans passer par l'ordinateur, et se rapproche de la simplicité d'utilisation du Kindle. Elle évite aussi l'identification fastidieuse de l'appareil dans Adobe Digital Edition (le système de gestion de droit, DRM). Sony n'a rien annoncé concernant l'ouverture de sa propre librairie numérique, installée au Luxembourg. Une tablette tactile multimédia était aussi prévue pour la fin de septembre.
NOUVEAUTÉS
Kobo est plus innovant avec trois appareils : deux liseuses et une tablette. Le >Kobo Glo devrait pacifier les relations dans les ménages : toujours à encre numérique, son écran tactile (6 pouces, 114 × 157 mm) intègre un éclairage qui rendra la lampe de chevet inutile. C'est Barnes & Noble qui avait entendu les réclamations montant des chambres à coucher et lancé le premier cette innovation. Le processeur est également plus puissant, et la résolution de l'écran supérieure. Il est doté d'une connexion Wi-Fi, et vendu 130 euros à la Fnac, soit le prix du précédent Kobo Touch, passé à 100 euros. Le concepteur canadien annonce un Kobo Mini, Wi-Fi et tactile, avec un écran de 102 × 133 mm. Le prix de vente en France n'est pas encore communiqué. Aux Etats-Unis, il est à 80 dollars (61 euros). Kobo présente aussi l'Arc, une tablette tactile multimédia, d'une dimension (7,4 pouces) légèrement inférieure à celle de l'iPad, dont le prix en France n'est pas non plus précisé. Aux Etats-Unis, elle est à 200 dollars (152 euros) dans sa version de base.
Amazon commercialisera à partir d'octobre sa tablette Kindle Fire, en deux versions : le modèle de base, lancé l'an dernier aux Etats-Unis, vendu ici à 159 euros, et le "HD", plus puissant et doté d'une meilleure résolution d'écran, à 199 euros. L'écran est de 7 pouces, légèrement plus grand que celui de la liseuse, proche d'un livre grand format mais extra plat. L'appareil est surtout plus léger (400 g) que l'iPad. Il s'approche de la machine à tout faire, brouillant les frontières entre les liseuses, exclusivement dédiées à la lecture, et les tablettes, plutôt destinées au multimédia mais étant aussi adaptées au livre, et davantage à la presse. Le cybermarchant a prévu une grande campagne de publicité dans la presse, pendant six semaines à partir de la fin d'octobre. Sony se limitera à quelques jours à la mi-décembre. Aux Etats-Unis, Amazon lancera aussi un modèle de tablette plus grand, visant directement l'iPad. Le site a également présenté un nouveau modèle de liseuse, dotée comme le Kobo Glo d'un éclairage intégré, d'un écran tactile et d'une résolution supérieure qui doit justifier le nom de ce modèle : Paperwhite. Ce nouveau Kindle existe en deux versions, en Wi-Fi seul (119 dollars/91 euros) ou avec une connexion 3G (179 dollars/137 euros). A ces prix-là, un écran de publicité apparaît à chaque mise en route. Pour y échapper, il faut payer 15 dollars supplémentaires. Amazon n'a pas prévu de lancer ce modèle cette année en Europe. Le prix du Kindle de base, non tactile, a simplement été réduit de 20 euros (à 79 euros), et le Kindle Touch n'est plus proposé qu'en version Wi-Fi, à 129 euros. Si l'entreprise suit le même calendrier que l'an dernier, ces nouveautés, aujourd'hui réservées au marché américain, arriveront au printemps prochain en France. Le système de recherche avancée du Kindle Store reste un des meilleurs, avec celui d'ePagine.
TERMINAUX MULTI-USAGES
Bookeen indique sans plus de précision qu'il mettra un nouveau modèle en vente dans les prochaines semaines. Sa Cybook Odyssée est la liseuse attitrée de plusieurs librairies indépendantes via ePagine, mais aussi de Virgin, Decitre et Cultura, qui ont toutes intégré leur librairie numérique sur l'appareil. Ces partenaires peuvent attendre une nouvelle version pour faire face à celles des concurrents.
Dans cette intégration du matériel et du contenu, il faut ajouter aussi la tablette Nexus7 de Google, conçue pour être le terminal d'utilisation des livres, des vidéos, des applications vendus sur la plateforme Google Play (presse et musique arriveront prochainement). "Google Play est un des piliers de Google dans la stratégie de l'Internet mobile. Et les tablettes de 7 pouces vont créer un nouveau marché" prévoit Philippe Colombet, responsable des partenariats du moteur de recherche dans le livre, dont la promesse est de rendre accessibles tous les contenus, sur tous les supports, et en permanence.
Au même prix et à la même dimension que le Kindle Fire HD, la Nexus7 sera directement concurrente de l'appareil d'Amazon, plus que de l'iPad, qui reste inégalé pour la lecture de BD, note Claude de Saint-Vincent, directeur général de Média-Participations. Nouveau venu sur ce terrain de la vente de contenus, Google dispose encore d'un grand potentiel... d'amélioration, tant il part de bas dans la présentation de sa première librairie multimédia. Très minimaliste dans ses options de recherche, elle est pour le moment surtout adaptée aux smartphones. Ce mois d'octobre devrait aussi marquer le retour de Microsoft sur ce marché, avec sa tablette Surface, après un premier essai raté il y a dix ans. Le groupe prépare une campagne de communication massive.