Publier peu mais publier mieux. Pour cette rentrée hivernale 2016, les éditeurs ont suivi comme un seul homme ce principe prôné par tous mais rarement mis en application. Entre le 30 décembre et le 29 février, 476 nouveautés sont programmées d’après nos données Livres Hebdo/Electre : c’est 13,3 % de titres en moins que l’an dernier à la même période (549 en janvier-février 2015), mais c’est aussi et surtout le chiffre le plus faible depuis 2000, date à laquelle Livres Hebdo a commencé à étudier les parutions de cette "petite rentrée littéraire". Déjà amorcée en septembre, la décrue touche aussi bien la littérature française que le domaine étranger : aux côtés des 168 titres traduits qui paraissent pendant la période (contre 196 l’an dernier), 308 romans et recueils de nouvelles francophones tâcheront de trouver leur place sur les tables des libraires, alors qu’on en comptait 353 il y a douze mois. En cette période de reprise pour le marché du livre, et tandis que la fiction affiche une jolie croissance de 5,5 % au troisième trimestre 2015, la démarche pourrait passer pour un excès de prudence. Il n’en est rien. Mis en confiance par l’embellie, les éditeurs font au contraire le pari des voix émergentes, puisque l’on compte 73 premiers romans parmi les romans français, soit la fournée la plus dense depuis 2010. A côté de ces jeunes plumes, de nombreux auteurs installés, souvent multiprimés, s’imposent, sans pour autant qu’un grand nom ultramédiatique ne domine à l’instar de Michel Houellebecq ou de Virginie Despentes en janvier dernier.
Expérience et fidélité
Encore auréolé du troisième Goncourt de son histoire, Actes Sud fait confiance pour sa rentré française à Lyonel Trouillot (Kannjawou) et à Marc Trillard (L’anniversaire du roi) pour porter sa rentrée, tous deux ayant déjà frôlé la prestigieuse récompense. Gallimard, de son côté, aligne les académiciens : Goncourt avec Pierre Assouline (Golem) et Tahar Ben Jelloun (Le mariage de plaisir), Académie française avec Jean d’Ormesson (Je dirai malgré tout que cette vie fut belle) qui publie ses souvenirs. La maison programme aussi la lauréate du Renaudot 2012 Scholastique Mukasonga (Cœur tambour) et Camille Laurens (Celle que vous croyez), qui fait son retour au roman après cinq ans d’absence. Le Seuil mise logiquement sur Edouard Louis (Histoire de la violence), phénomène de la rentrée d’hiver 2014, et sur le Goncourt 1976 Patrick Grainville (Le démon de la vie), Grasset faisant le choix de l’expérience en programmant Patrick Rambaud (François le Petit) et Claude Arnaud (Je ne voulais pas être moi), tout comme Minuit qui parie sur le Goncourt 1999 Jean Echenoz (Envoyée spéciale). Albin Michel retrouve Sylvie Germain (A la table des hommes), quand Flammarion, outre le populaire Olivier Adam (La renverse), publie Clémence Boulouque (Un instant de grâce), qui avait fait paraître ses deux derniers romans chez Gallimard. Deux Besson viennent rythmer cette rentrée : Patrick arrive chez Plon (Ne mets pas de glace sur un cœur vide) et Philippe reste fidèle à Julliard (Les passants de Lisbonne), tandis que, dans le même groupe, Robert Laffont programme pour la première fois Marc Levy dès février, avec un opus au titre non divulgué mais à coup sûr bankable. En face, plusieurs éditeurs mettent les femmes en avant-poste : Linda Lê (Roman) tire la rentrée de Bourgois, Madeleine Chapsal (Légère brume sur notre amour) celle de Fayard, Olivia Rosenthal (Toutes les femmes sont des aliens) s’affiche comme toujours chez Verticales et, après dix ans d’absence, c’est au Tripode que Marie Redonnet (La femme au colt 45) décide de faire son grand retour, signant le seul livre de l’éditeur pour la rentrée. Marcela Iacub, que l’on avait laissée tout à son aventure avec DSK dans Belle et Bête chez Stock il y a deux ans, arrive chez Michel Lafon (M le mari). C’est d’ailleurs l’un des peu nombreux transferts de ce début d’année, à côté de Mathias Malzieu (Journal d’un vampire en pyjama), qui passe de Flammarion à Albin Michel avec un récit intimiste autour de sa maladie. Stock accueille la jeune Claire Berest (Bellevue), venue des éditions Léo Scheer, qui tentera de trouver sa place au côté de Philippe Claudel (L’arbre du pays Toraja), restant finalement dans la maison après les rumeurs de départ qui avaient suivi le décès de Jean-Marc Roberts. Michka Assayas (Un autre monde) publie pour la première fois chez Rivages, Stéphane Guibourgé (Toutes nos vies) au Rocher, Christophe Mouton (Excursion dans les bas-fonds : direction artistique) quitte Julliard pour Fayard et Louis Chedid (Des vies et des poussières) confie son nouveau recueil de nouvelles à Calmann-Lévy.
Chez les plus petits éditeurs, la fidélité est elle aussi de mise, et nombre de maisons poursuivent l’accompagnement de leurs auteurs sur la durée. Au Diable vauvert publie le dernier roman posthume d’Ayerdhal (Sexomorphoses) et renouvelle sa confiance à Nicolas Rey (Les enfants qui mentent n’iront pas au paradis) ainsi qu’à Romain Monnery, qui publie son troisième roman (Mémoires d’un jeune homme superflu). Héloïse d’Ormesson accueille le cinquième roman d’Isabelle Alonso (Je mourrai une autre fois), Préludes le second texte de Nicolas Delesalle (Le goût du large), Léo Scheer réitère son soutien au photographe et plasticien Thomas Lélu (Les tribulations d’Arthur Show) et Sabine Wespieser le sien à Kéthévane Davrichewy (L’autre Joseph), qu’elle suit depuis ses débuts en fiction adulte. Enfin, Pauvert renaît de ses cendres avec trois textes dont le journal du critique Bayon (Roulette russe : Journal d’un jeune homme perdu).
Repenser le monde
Après une année 2015 marquée par la multiplication des drames migratoires, on retrouve naturellement cette question au cœur de plusieurs fictions.
Le jeune Thomas Dietrich (Les enfants de Toumaï), qui livre à Albin Michel son deuxième roman après le remarqué Là où la terre est rouge, plonge son lecteur dans le quotidien des exilés tchadiens à travers le destin de deux amoureux, quand Denis Lemasson (Nous traverserons ensemble, Plon) met en scène un ancien médecin humanitaire découvrant le monde des réfugiés après le meurtre d’un Afghan à Paris. Vincent Message raconte l’histoire d’une jeune femme hospitalisée en attente de papiers dans une fable imaginant une espèce humaine privée de sa domination sur la nature (Défaite des maîtres et possesseurs, Seuil). Il n’est pas le seul à montrer un monde défaillant et à tenter de le comprendre, notamment au Seuil ou, outre Edouard Louis, Charles Robinson (Fabrication de la guerre civile) se confronte à l’univers en crise des cités. Leslie Kaplan, dans le texte de sa pièce Mathias et la révolution publié chez P.O.L, représente une ville en proie à des émeutes suite à une mort accidentelle dans un hôpital de banlieue. Entre tragique et grotesque, Jacques Sarthor, auteur mystère œuvrant sous pseudo chez Robert Laffont (Les affreux), illustre les risques d’une guerre communautaire avec les personnages de Philippe et Baldo, deux jeunes hommes ayant intégré la "Ligue de défense des nations européennes" et décidé à protéger les valeurs de l’Occident contre les "Mahométans", les "Blacks" et les "Youpins". Face à ces interrogations surgissent des remises en cause, plus ou moins directes, de la sphère politique. Sabri Louatah achève sa tétralogie à succès Les sauvages (Flammarion-Versilio), disséquant les magouilles et compromissions qui agitent l’Etat français, et Olivier Adam prend pour toile de fond de La renverse (Flammarion) une affaire de viols impliquant un ancien élu. Espérons que Patrick Rambaud, avec sa chronique du mandat de François Hollande (François le Petit, Grasset), sache nous redonner le sourire. M. D.
Sept incontournables français
Plébiscité par les jurys des grands prix (Médicis en 1983 pour Cherokee, Goncourt en 1999 pour Je m’en vais) et fidèle depuis toujours aux éditions de Minuit, Jean Echenoz publie son 16e roman. Envoyée spéciale, dont le tirage atteint les 42 000 exemplaires, évoque le destin de Constance, une femme "oisive" enlevée, sur fond de contre-espionnage, par une bande de pieds nickelés que l’on suit du fin fond de la Creuse aux rives de la mer Jaune, séparant la Chine de la péninsule coréenne (voir notre avant-critique p. 45).
Après ses chroniques en six volumes du quinquennat de Nicolas Sarkozy, Patrick Rambaud, qui s’était éloigné un temps du paysage politique français avec Le maître (Grasset, 2014), livre cette fois sa vision des premières années du "règne" de François Hollande. Dans François le Petit, tiré à 35 000 exemplaires, le Goncourt 1997 (La bataille, Grasset) brosse le portrait du président de la République et de son entourage à l’Elysée avec l’humour et la distance qui le caractérisent (voir notre avant-critique dans LH 1063, p. 47).
Cinq ans après Romance nerveuse (Gallimard, 2010), Camille Laurens revient au roman avec Celle que vous croyez, tiré à 12 000 exemplaires. La lauréate du prix Femina 2000 (Dans ces bras-là, P.O.L) y met en scène Claire, 48 ans, amoureuse suspicieuse qui décide de se créer un faux profil sur Facebook afin d’enquêter sur Jo, son amant passager. Une chronique de l’amour au temps des réseaux sociaux centrée sur le désir féminin (voir notre avant-critique p. 46).
En janvier 2014, Edouard Louis faisait une entrée fracassante en littérature avec En finir avec Eddy Bellegueule, vendu après un premier tirage à 25 000 à quelque 300 000 exemplaires tous formats confondus. Deux ans plus tard, le normalien de 23 ans propose un roman une fois encore à dimension autobiographique et sociologique, tiré d’emblée à 60 000 exemplaires). Histoire de la violence raconte l’agression du narrateur à son domicile par Reda, fils d’immigré algérien, ainsi que les longues démarches policières, médicales et judiciaires qui s’ensuivent (voir interview et critique p 26).
Malgré des rumeurs de départ de chez Stock, Philippe Claudel publie bien son nouveau roman, trois mois seulement après la sortie en salle de son dernier film, Une enfance. Dans L’arbre du pays Toraja, l’auteur multiprimé (Lesâmes grises, prix Renaudot 2003 ; Le rapport de Brodeck, prix Goncourt des Lycéens 2007) se penche sur "la part que la mort occupe dans nos vies" à travers le personnage d’un cinéaste qui vient de perdre son producteur et meilleur ami. Tirage prévu : 50 000 exemplaires (voir notre avant-critique dans LH 1064, p. 45).
Apprenant la mort de Jean-François Laborde, ancien maire de son village natal, Antoine, le personnage principal de La renverse, se voit contraint de replonger dans le drame qui a secoué sa famille une dizaine d’années plus tôt. Après Peine perdue, paru en août 2014, Olivier Adam, auteur aux nombreuses adaptations cinématographiques, livre une fiction mêlant sphères intime, familiale et politique, inspirée d’une histoire vraie. Flammarion en imprime 60 000 exemplaires (voir notre avant-critique dans LH 1064, p. 45).
Romancière discrète à l’œuvre couronnée de succès (prix Femina 1989 avec Jours de colère, Gallimard, et prix Goncourt des Lycéens 2005 avec Magnus, Albin Michel), Sylvie Germain prend comme point de départ de son nouveau roman la naissance singulière d’un garçon sauvage aux origines porcines qui peine à s’intégrer dans le village où on l’a recueilli. Adopté par deux jumeaux, il découvre le pouvoir des mots et tente de mener une vie normale sans oublier d’où il vient. Une fresque sombre tendant vers le merveilleux qu’Albin Michel a tirée à 40 000 exemplaires (voir notre avant-critique p. 44).
Premiers romans : une parité quasi parfaite
Le cru de janvier-février 2016 des primo-romanciers compte pour une fois à peu près autant de femmes que d’hommes, qui évoquent la famille, la maladie et le désir.
Sur les 73 premiers romans français à paraître en janvier et février 2016, que Livres Hebdo a recensés pour cette nouvelle rentrée littéraire de l’hiver, 38 ont été écrits par des femmes et 35 par des hommes. Une quasi égalité entre sexes inédite chez les primo-romanciers, dans un cru record : + 23,7 % par rapport à celle de 2015. Début 2015, les 59 premiers romans se répartissaient entre 35 romancières et 24 romanciers. Sudarènes a la palme de l’éditeur tête chercheuse, avec 4 premiers romans cette année, juste devant Grasset et La Différence qui en éditent 3 chacun.
Parmi les métiers les plus représentés chez les auteurs d’un premier roman, figurent toujours les journalistes, dont Stéphane Barsacq (Figaro magazine), Macha Fogel (Radio France et i-Télé), Didier Pourquery (The Conversation France, Libération) ou Michel Contat (Le Monde, Télérama), et les enseignants : au lycée pour Guillaume Rihs, à l’université pour Isabelle Bunisset ou Olivier Schefer. Des habitués du monde du livre publient également leur premier ouvrage de fiction, à l’image de Colombe Boncenne qui travaille dans l’édition et organise des manifestations littéraires, le conservateur de bibliothèque Julien Donadille ou la journaliste littéraire Claire Julliard, qui a déjà écrit des livres pour la jeunesse.
D’autres exercent dans des domaines moins attendus. Rachel Khan, après une carrière sportive de haut niveau (championne de France du 4 × 100 mètres en 1995), est actrice et conseillère à la culture de Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France. Evains Wêche a été dentiste, et Aurélien Rousseau est haut fonctionnaire.
Drames familiaux
Le thème de la famille, toujours cher aux primo-romanciers est abordé cette année de manière sombre. Il s’exprime à travers le traumatisme d’une enfance sans la tendresse d’un père chez Adeline Fleury dans Rien que des mots (Les éditions nouvelles Francois Bourin). Philippe Rahmy, dans Allegra (La Table ronde), raconte l’arrivée inattendue d’un enfant qui va chambouler un jeune couple au bord de l’explosion. Dans Notre Château (Tripode), Emmanuel Régniez dépeint une relation fusionnelle entre un frère et une sœur vivant reclus depuis des années. A travers la vision d’un petit garçon, Olivier Bourdeaut décrit dans En attendant Bojangles (Finitude) l’amour intense qui unit ses deux parents, jusqu’à la folie.
Les maux du corps et de l’esprit
La maladie, dans sa fatalité tragique mais également à travers le prisme de la guérison, marque la production. Dans Bianca (Julliard), Loulou Robert suit l’entrée salvatrice d’une adolescente atteinte d’anorexie chronique dans une unité psychiatrique. Nathalie Gendrot livre dans Le monde sensible (L’Olivier) e journal de Delphine qui fait état de l’évolution de sa douleur à l’hôpital après un grave accident de voiture. Le héros de Boucle d’or (Passage) d’Aurélien Rousseau entreprend un voyage en train depuis Paris vers le Pays basque, alors qu’il sait pertinemment qu’il va devoir retourner à l’hôpital et y rester s’il veut avoir une chance de combattre sa maladie. Dans Les remparts de Dubrovnik (In octavo) de Florence Lizé, Alice part en Croatie pour découvrir les raisons du suicide de son mari et se guérir d’un passé douloureux.
La sensualité
Plus réjouissants, le plaisir et le désir sont également évoqués par les primo-romanciers. Dans Chair et âme (Fabert), Blanche Martire raconte comment quatre jeunes filles, amies depuis l’enfance, tentent de s’éveiller à l’amour charnel dans une société hypersexualisée par les médias. Maestria dépeint dans Expériences du domaine sensible (Fragrances) le parcours d’une femme décidée à devenir séductrice et dominatrice. Dans La proie du papillon (Pygmalion), Stéphane Soutoul explore rivalité et tentation : pour se débarrasser d’une concurrente, une femme utilise les services d’une mercenaire de la séduction excellant dans l’art de manipuler les âmes. A. A.
Romans étrangers : nouvelle génération
Si les éditeurs publient moins de romans étrangers, ils font partager leurs découvertes avec de nombreux premiers romans ou premières traductions
La rentrée de janvier est celle de la découverte", rappelle l’éditeur Jean Mattern, responsable des acquisitions de littérature étrangère de Gallimard. Plus modeste qu’en 2015 avec 168 titres (contre 196), la rentrée d’hiver étrangère 2016 se montre néanmoins pleine de découvertes, avec de nombreux premiers romans ou premières traductions, aux côtés des titres incontournables signés Louise Erdrich, Richard Flanagan, Jens-Christian Grondahl, Nedim Gürsel et Haruki Murakami.
Des titres comme Le marchand de premières phrases : roman kaléidoscope (J. Chambon), Mémoires de poisson rouge (éditions d’En Bas), On a vidé la mer (Galaade), Retour à Oakpine (Gallmeister), Une salle d’attente dans l’Atlantique (Noir sur blanc), Lettre à la république des aubergines (Piranha), ou Manuel érotico-culinaire judéo-japonais et comment élever des loups (Wombat) porraient bien susciter la curiosité des lecteurs. Ceux-ci devraient aussi s’intéresser à l’entrée en littérature du cinéaste canadien David Cronenberg, sur deux journalistes amants et concurrents (Consumés, Gallimard) et de l’acteur d’X-Files, David Duchovny, l’histoire d’une petite vache américaine qui ne veut pas finir en steack (Oh la vache !, Grasset). Toujours parmi les premiers romans, ils découvriront le très shakespearien Une nuit d’été de l’Américain Chris Adrian (Albin Michel), Une très belle jeune femme de l’Argentin Julián López et La fille aux papiers d’agrume de l’Allemand Hanns Zischler (tous deux chez Bourgois), Randall, une satire du monde de l’art contemporain par le Britannique Jonathan Gibbs (Buchet-Chastel), Manhattan people de l’Américain Christopher Bollen (Calmann-Lévy), Cœurs en travers de l’Américain Jeff Bartsch (Anne Carrière).
Ce sont ainsi pas moins de 20 premiers romans publiés en janvier et février : avec Eileen de l’Américaine Ottessa Moshfegh (Fayard), Le premier méchant de l’Américaine Miranda July (Flammarion), Le chagrin des vivants de la Britannique Anna Hope (Gallimard), Comme un livre ouvert de l’Anglaise Liz Kessler (Hugo Roman), L’incendie de la maison de George Orwell de l’Américain Andrew Ervin (Joëlle Losfeld), Le jeu à somme nulle d’Eduardo Rabasa (Piranha), le très attendu City on fire, un pavé de 1 000 pages par l’Américain Garth Risk Hallberg qui a mis six ans à l’écrire (Plon), Les corps conducteurs de l’Américain Sean Michaels (Rivages), La douleur porte un costume de plumes du Britannique Max Porter (Seuil), Parmi les dix milliers de choses de l’Américaine Julia Pierpont (Stock), Phalène fantôme de l’Irlandaise Michele Forbes (La Table ronde) et J’ai toujours ton cœur avec moi de l’Islandaise Soffía Bjarnadóttir.
Ce sera aussi la première rentrée d’hiver de la nouvelle maison L’Antilope, avec un roman traduit de l’hébreu, Comme deux sœurs de Rachel Shalita, qui accompagnera trois autres traductions de l’hébreu, signés Yoram Kaniuk (Fayard), Eshkol Nevo (Gallimard) et Abraham Yehoshua (Grasset). On lira aussi cinq auteurs russes, Narine Abgaryan (Macha Publishing), Maxim Kantor et Youri Maletski (Louison), Mariam Petrosyan (Monsieur Toussaint Louverture) et Alexandre Sneguiriev (L’Aube), cinq Coréens (la Corée du Sud sera l’invitée du prochain Livre Paris), Bandi et Gong Ji-young, l’un du Nord, l’autre du Sud (tous deux chez Picquier), Han Kang (Le Serpent à plumes), Park Min-kyu (Intervalles) et Lee Seung-u (Decrescenzo), deux Chinois Mo Yan (Seuil) et Xu Zechen (Philippe Rey) et deux Irakiens, Inaam Kachachi (Gallimard) et Sinan Antoon (Sindbad). Tandis que les traductions de l’italien reviennent en force avec Alessandro Barbero, Luisito Bianchi, Elena Ferrante, Giorgio Fontana, Andrea Molesini, Sergio Claudio Perroni, Giorgio Scianna, Simona Sparaco et Sandro Veronesi, l’auteur de Chaos calme, prix Femina étranger 2008.
Enfin les lecteurs retrouveront les Américains Jodi Picoult,Ron Rash et Adam Thirlwell, le compositeur et écrivain brésilien Chico Buarque, l’Egyptien Gamal Ghitany, mort en octobre dernier, l’Irlandaise Kate O’Riordan, la Japonaise Yôko Ogawa, la Néerlandaise Anna Enquist, la Norvégienne Anne B. Ragde (passée chez Fleuve) et le Suédois Jonas Jonasson. Sans oublier Bob Shacochis avec un livre-culte, La femme qui avait perdu son âme, finaliste du Pulitzer en 2014, et Meg Wolitzer, l’auteure très remarquée des Intéressants, avec son nouveau livre, La doublure. C. C.
Cinq incontournables étrangers
Né en 1961 en Tasmanie, l’Australien Richard Flanagan s’est inspiré de la vie de son père, auquel il dédie son livre, pour raconter l’histoire oubliée de la construction par les Japonais de la ligne Siam-Birmanie en 1943. A travers le regard de Dorrigo Evans, médecin militaire affecté au chantier, on découvre le sort des 100 000 prisonniers victimes de "la voie ferrée de la mort". Ce roman lauréat du Man Booker Prize 2014 est annoncé comme le chef-d’œuvre de l’auteur de La fureur et l’ennui. Il est tiré à 15 000 exemplaires (voir notre avant-critique dans LH 1062, p. 44).
Avec Le pique-nique des orphelins, l’auteure de La malédiction des colombes livre une chronique familiale sur trois générations et quarante années. Elle démarre en 1932, quand Karl, 14 ans, et Mary, 11 ans, abandonnés par leur mère, partent pour le Dakota du Nord afin de rejoindre leur tante et retrouver leur plus jeune frère nouveau-né, enlevé par un couple en mal d’enfant. Un livre très attendu de la romancière amérindienne, National Book Award 2012 pour Dans le silence du vent, et libraire dans le Minnesota. Tirage NC (voir notre avant-critique dans LH 1061, p. 46)
L’amour et la solitude, le désenchantement de l’individu occidental, le drame bourgeois sont au cœur du nouveau roman du plus connu des romanciers danois (Quatre jours en mars). A la veille de ses 60 ans, le narrateur évoque les trois moments décisifs de sa vie : sa jeunesse avec la découverte de la littérature allemande, l’engagement communiste et le voyage à Berlin pour rejoindre Erika ; puis, à la quarantaine, la naissance de sa fille Julie, le divorce et la passion éphémère pour la mère d’un de ses élèves ; et enfin, jeune grand-père, la rencontre avec une photographe qu’il emmène à Paestum en Calabre (voir notre avant-critique dans LH 1064, p. 44).
Tous les soirs, le narrateur d’Ecoute le chant du vent refait le monde dans un bar miteux avec son ami "le Rat" et croise une mystérieuse femme qui n’a que quatre doigts. Puis, dans Flipper, 1973, il se souvient d’une ex-petite amie qui s’est suicidée. Omniprésence de la musique, nostalgie, solitude, pop culture et fantastique…, l’univers de Murakami est déjà manifeste dans ces deux premiers livres écrits "sur une table de cuisine", publiés au Japon en 1979 et 1980 et inédits en français, que l’auteur refusait de voir réédités, et composant les deux premiers volets de la "trilogie du Rat" close par La course au mouton sauvage.
Ancien journaliste, le narrateur du Fils du capitaine évoque ses souvenirs d’enfance et d’adolescence : l’absence de la mère, la tyrannie et la brutalité d’un père militaire, l’amour de la grand-mère qui l’a élevé, les camarades du lycée, les blagues et l’éveil à la sexualité. Comme à son habitude, l’auteur des Filles d’Allah oscille entre passé et présent, la Turquie des années 1960 et celle d’aujourd’hui, les souvenirs tendres et amers… sur fond de rébellion contre l’autorité paternelle et étatique, au nom de la liberté.