Plus nombreux, mais pas forcément plus acheteurs. Les baby-boomers de l'an 2000 entrent à l'université - soit environ 30 000 élèves de plus qu'à la rentrée 2017 - mais les éditeurs ne s'illusionnent pas sur leur propension à dynamiser les ventes d'ouvrages.
« Nous ne prévoyons pas d'augmenter nos tirages moyens », déplore Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses. Dans le contexte d'un marché du livre universitaire qui a reculé de 5,98 % en valeur au cours de l'année écoulée selon GFK, et alors que les nouveaux étudiants confirment, rentrée après rentrée, leur moindre appétence pour l'objet livre, les éditeurs sont, une nouvelle fois, contraints à la prudence.
Entrées de gamme
Ils doivent aussi innover. « Les étudiants achètent moins de livres de fond et sont de plus en plus sensibles aux nouvelles parutions, il faut donc publier beaucoup et vendre vite pour maintenir l'activité, analyse Florence Young, directrice marketing chez Pearson. Un livre qui se vendait autrefois sur une période de trois ans a aujourd'hui beaucoup moins de temps pour trouver son public. » Les nouveaux concepts éditoriaux ont particulièrement la cote. Depuis trois ans, Dunod a pris l'habitude de développer des collections d'entrée de gamme repensées pour ce nouveau public. Après « Portail » en 2016 (sous la marque Armand Colin) et « Fluoresciences » en 2017, l'éditeur poursuit en cette rentrée avec la collection de lettres « Mon cours en fiches », de nouveau sous la marque Armand Colin. Trois titres inaugurent la série : L'ancien français,Les procédés littéraires et L'orthographe, le lexique et la syntaxe. « Les livres sont très chartés, proposent des synthèses claires de deux pages qui organisent visuellement les connaissances à acquérir, explique Martine Pierrard, responsable communication chez Dunod. Des exercices d'entraînement et leurs corrigés sont également proposés en deuxième partie d'ouvrage. » En parallèle, l'éditeur continue de développer « Portail » et « Fluoresciences ». « Nous tirons un bilan positif de l'année écoulée, en particulier grâce aux dernières collections développées pour les nouveaux étudiants », ajoute Martine Pierrard.
D'autres acteurs poursuivent le travail engagé au cours des dernières rentrées. Quatre ans et demi après avoir acheté Bréal, Studyrama continue de repositionner la marque surtout connue des étudiants de classes prépas. Pour la rentrée, Bréal lance une nouvelle collection intitulée « Lettres sup. », comprenant quatre titres, destinée aussi bien aux étudiants de licence/master qu'aux élèves de classes prépas littéraires. Dans le même temps, Bréal rajeunit « Amphi Lettres », qui a bénéficié d'une charte graphique remaniée et de nouvelles couvertures. « Cette collection est traditionnellement très forte chez Bréal, précise Frédéric Vignaux, directeur de Studyrama. En parallèle de la refonte graphique, la plupart des auteurs ont mis à jour leurs ouvrages. »
Logique d'ouverture
Après « Séquences » en 2017, Dalloz lance « Réussir ! », collection de révision et d'entraînement centrée sur les exercices juridiques et le cas pratique destinée pour l'essentiel aux étudiants préparant le CRFPA (voir LH 1178 du 15.6.2018). De son côté, Vuibert continue de développer la collection « Les essentiels du sup' », inaugurée en 2016. La directrice Gwénaëlle Painvin, qui a succédé à François Cohen au printemps dernier, annonce une dizaine de nouveautés pour début 2019 en droit du travail, droit des obligations ou encore droit espagnol des affaires.
Dans une même logique d'ouverture aux attentes des nouveaux étudiants, mais sur un tout autre positionnement prix, Pearson développe des ouvrages privilégiant le « learning by doing », ou l'immersion dans le concret. « L'étudiant moyen est moins capable d'une attention soutenue, nous lui proposons donc des livres aux contenus rythmés par des activités qui touchent son quotidien », indique Hélène Jean-Baptiste, responsable enseignement supérieur chez Pearson. C'est dans cette logique que l'éditeur a publié, fin juin, la nouvelle édition entièrement remaniée de L'identité de marque, best-seller des écoles de communication et de design.
Autre solution, l'installation de nouveaux ouvrages de référence : c'est l'un des aspects de la stratégie de Vuibert, qui a publié en juin Communication, avec en ligne de mire le Communicator de Dunod, dont la 8e édition vient également de paraître. Le 4 septembre, Vuibert a complété son offre de livres de référence avec Finance d'entreprise de Christophe Thibierge, là aussi dans le but de se faire une place face à des concurrents déjà installés (Finance d'entreprise, alias le « Vernimmen » chez Dalloz). « Ces nouveaux titres ont vocation à devenir des long-sellers, explique Gwénaëlle Painvin. Nous les mettrons à jour très régulièrement, l'objectif est qu'ils accompagnent les étudiants sur plusieurs générations comme c'est déjà le cas du "Peretti" aujourd'hui en ressources humaines. »
Mais innover ne garantit pas toujours le succès. Chez De Boeck, le bilan est « en demi-teinte », selon Frédéric Jongen, directeur éditorial. Il comptait l'an dernier sur sa nouvelle collection d'entrée de gamme « Sup en poche », destinée aux élèves de L1/L2, pour toucher le public des nouveaux étudiants, peu à l'aise avec les épais manuels d'autrefois. Le succès très inégal des ouvrages en fonction des matières concernées (satisfaisant en économie et sciences, plus faible en psychologie) pousse l'éditeur à revoir sa copie. « Une analyse plus approfondie devra encore avoir lieu, notamment afin de savoir si nous poursuivrons l'expérience demain, à quel rythme et selon quels critères de sélection des thématiques ainsi que de la présentation finale (couleur, format, prix) », confie Frédéric Jongen.
Bilan mitigé pour le poche
Au format poche, la collection reine reste « Que sais-je ? », devenue une marque à part entière, indépendante des Puf au sein du groupe Humensis. Depuis la nouvelle charte graphique inaugurée début 2017, « Que sais-je ? » a vu ses ventes du fonds progresser de 5 %, selon Julien Brocard, son directeur littéraire. Dans cette masse de 700 titres, les ouvrages purement universitaires sont, il est vrai, minoritaires. « Nous avons pour vocation de nous adresser au plus grand nombre, et pas seulement aux étudiants », souligne Julien Brocard. Cette particularité de « Que sais-je ? » est encore visible dans le programme de nouveautés : chaque année, à peine une dizaine de titres purement universitaires sont publiés. La marque se renforce sur ce double positionnement avec sa nouvelle collection « La bibliothèque », lancée le 5 septembre, dont les titres en grand format rassemblent autour d'un même thème, ou d'un même auteur, quatre ouvrages déjà parus en « Que sais-je ? ».
Dans ce contexte, les autres collections de poche, plus uniformément universitaires, peinent à défendre leur place dans les rayons. Chez Hachette Supérieur, « Les fondamentaux » se maintiennent grâce à la baisse de leur prix décidée en 2016, mais ne sont enrichis d'aucune nouveauté cette année. Sous la marque Armand Colin, la collection « 128 », même si elle a récemment bénéficié d'une nouvelle maquette, n'est plus développée. « Les étudiants ont tendance à se détourner de ce type de format, observe Martine Pierrard. Avant, ces livres de poche étaient achetés dans une logique de complément. Aujourd'hui les étudiants ne veulent acheter qu'utile. Si nous avons de très bons titres en "128", nous préférons les étoffer pour les transformer en "Cursus". » Chez « Que sais-je ? », Julien Brocard défend en revanche la fonction introductive du livre de poche universitaire : « Beaucoup d'étudiants veulent se mettre au clair dès le début de l'année pour découvrir une matière. C'est l'une des raisons pour lesquelles nos titres se vendent aussi bien. »
Dernière évolution notable, Dunod revoit les couvertures de la collection « Openbook », lancée en 2014 avec l'ambition affichée de toucher les étudiants de Bachelor. Avec quatre ans de recul, le bilan est mitigé : « Nous réorientons les titres en direction de la L1, explique Martine Pierrard. Le Bachelor n'est pas un diplôme valorisant sur un CV et surtout il n'est pas généralisé, ce qui le rend peu lisible. » Pour cette rentrée, les « Openbook » arborent donc des couvertures remaniées ne faisant plus mention du bachelor et centrées sur la licence. Dunod en a profité pour davantage valoriser les « + en ligne », son offre de compléments numériques.
Tests de langue : tous connectés
La réforme du Toeic a conduit les éditeurs spécialisés à revoir leur offre, notamment en proposant des services d'entraînement et de perfectionnement en ligne.
De challenger à leader ? Un peu plus d'un an après la réforme du Toeic, Hachette Supérieur profite à plein de son nouveau statut d'éditeur officiel français du célèbre test de langue créé et organisé depuis 1979 par l'association à but non lucratif ETS. Après avoir publié
Le guide officiel du test Toeic en 2017, Hachette Supérieur a poursuivi avec Les tests Toeic officiels corrigés et La bible officielle du Toeic, ce dernier titre proposant un entraînement complet aux sept parties du test. Ces deux ouvrages sont conformes aux aménagements du nouveau Toeic, entré en vigueur en juin 2018. « Nous sommes très contents des ventes de ces ouvrages qui nous permettent d'être leader du marché et nous nous préparons au pic d'activité de septembre », se félicite Cécile Labro, la directrice des départements parascolaire, enseignement supérieur et pédagogie. En novembre, un nouveau titre viendra compléter le dispositif : Grammaire-vocabulaire du Toeic. Chacun des trois ouvrages ouvre un accès de sept jours à la plateforme de révision en ligne d'ETS.
Plateformes
De son côté, Nathan, ancien éditeur officiel du Toeic, a publié en juin un coffret comprenant un livre d'apprentissage doublé d'un livret de vocabulaire et pourvu d'un accès à la plateforme d'adaptive learning Polylearn, avec laquelle il a noué un partenariat en 2017. L'achat du coffret ouvre un accès à la plateforme pendant quinze jours et requiert ensuite un abonnement. Nathan a également installé en mars une nouvelle collection de cahiers d'activité intitulée « Voie express » qui propose de l'initiation en anglais, italien, espagnol et français langue étrangère. « Nous avons lancé cette série autour d'un concept ludique, explique Christine Asin, directrice éditoriale du secteur langues/formation chez Nathan Formation. La technologie Nathan Live permet d'entendre les textes audio via son téléphone. On scanne la page, et ça ouvre le fichier son correspondant. »
Pearson s'est pour sa part associé en juin à la plateforme d'e-learning Prepmyfuture pour aider les inscrits au Toeic à préparer l'épreuve dans les conditions du réel. « Nous avons un auteur très connu aux Etats-Unis, Lin Lougheed, et nous avons mis à jour nos deux ouvrages pour les rendre compatibles avec Prepmyfuture », indique Florence Young, directrice marketing chez Pearson. La plateforme n'est pas novice en matière de langues puisqu'elle collabore depuis l'an dernier avec Ellipses, également sur le Toeic. Les deux partenaires ont d'ailleurs reconduit leur association cette année dans le cadre de l'édition 2019 du 200 % Toeic d'Ellipses, paru le 10 juillet dernier.
Fiches et exercices
Début septembre, Belin Education a publié deux titres, New Toeic : comment optimiser son score et Toeic : quatre tests complets : listening-reading, ce dernier ouvrage proposant des fichiers audio gratuits téléchargeables sur le site Major ou écoutables en streaming grâce aux QR codes présents dans le livre. Les deux opus sont signés par Christel Diehl, qui couvrait déjà l'examen aux Puf. De la même manière, Assimil propose deux cahiers d'exercices dont l'un est dédié à l'écoute et ouvre accès à 140 enregistrements en ligne. Ophrys se concentre sur un seul titre, Toeic success story : objectif 900 points tandis que Studyrama intègre un CD-Rom d'exercices et de fiches de grammaire à son Réussir le Toeic, à paraître le 20 novembre. Sous la marque Bréal, en revanche, l'éditeur est déjà présent avec deux titres à petit prix parus en début d'année qui seront complétés en octobre par un manuel complet de préparation : How to EIC for success ? Les clés pour réussir le Toeic.
Numérique : la victoire du BtoB
Devant le faible succès des offres numériques vendues en direct aux étudiants, les éditeurs privilégient de plus en plus les relations directes avec les institutions. Car sans prescription, les ventes BtoC sont inexistantes.
Les étudiants aiment le numérique, à condition d'y être accompagnés. Les éditeurs qui ont développé des compléments en ligne très élaborés, tels Pearson avec son offre Mylab, s'en rendent chaque jour un peu plus compte.
« Mylab n'a de sens que si l'enseignant est derrière les élèves pour en susciter l'utilisation, confie Florence Young, directrice marketing chez Pearson. Nous proposons toujours en librairie des ouvrages contenant des compléments numériques censés générer de l'achat spontané, mais en pratique l'utilisation de ces services dépend du volontarisme des enseignants. »
Directement aux universités
Le phénomène est général. Faute d'avoir trouvé son public, la plateforme www.examprepecni d'Elsevier Masson, qui reposait sur un modèle BtoC, a été mise à l'arrêt. L'éditeur privilégie dorénavant la vente de solutions d'entraînement directement aux universités via sa plateforme ClinicalKey Education médicale. « Nous proposons un bouquet de l'ensemble de nos ouvrages et un traité de l'encyclopédie médico-chirurgicale, explique Antoine du Besset, directeur du département éducation. Les universités qui en font l'acquisition mettent ensuite les contenus à la disposition de leurs étudiants. » La commercialisation auprès des universités a démarré en septembre et ne se limite pas à la France ; l'Allemagne, l'Espagne ou le Royaume-Uni sont également concernés. Pour Antoine du Besset, ClinicalKey Education médicale n'a pas vocation à se substituer aux ventes de livres papier, qui restent la principale source de revenus de l'éditeur. « La plateforme répond à une logique de complémentarité dans les manières d'étudier, explique-t-il. Le papier reste important pour travailler ou prendre des notes. L'université offre quant à elle un accès distant au service, depuis son ordinateur ou son smartphone, pour une consultation plus morcelée des contenus. »
De son côté, De Boeck a décidé de ne plus créer de version Noto de ses ouvrages et de se concentrer sur son bouquet « NotoBib » à destination des institutions et bibliothèques universitaires principalement. « La version numérique des Manuels est une sorte de "must have", mais qui n'est pas, ou très peu, utilisée par les étudiants », observe Frédéric Jongen, directeur éditorial. Aujourd'hui, l'éditeur dénombre une vingtaine de clients institutionnels, dont les trois quarts en France. Dans le même temps, l'offre e-books de De Boeck continue de s'enrichir sur Adilibre, ainsi que dans le cadre du partenariat avec Cyberlibris, toutes disciplines confondues. « Il est intéressant de noter une activité relative à nos ouvrages sur Cairn, les monographies et les revues de sciences humaines principalement, qu'on nous annonce dès à présent en progression pour l'exercice 2018 », précise Frédéric Jongen.
Cycle long
Si les offres numériques destinées aux institutions représentent des revenus additionnels significatifs pour les éditeurs, elles se caractérisent aussi par leur grande complexité. En effet, un grand nombre d'acteurs est mobilisé, aussi bien côté vendeur que côté acheteur. Leur cycle de vente est long. Et elles requièrent une forte maîtrise technique de la part des commerciaux et ont aussi besoin de services associés (formation, maintenance...) pour fonctionner correctement. Raison pour laquelle, sans doute, l'ensemble des acteurs n'a pas encore franchi le pas. « Les universités ont besoin d'essayer le produit, de définir si elles s'adressent à un public large ou restreint, éventuellement de reconfigurer leurs achats en fonction des pratiques observées, analyse Antoine du Besset, chez Elsevier-Masson. Il faut savoir se montrer flexible et s'adapter aux attentes de chacun. »
La médecine en petite forme
En recul cette année, la médecine reste le maillon faible du marché universitaire. Le segment se distingue cependant par la bonne résistance des manuels de référence.
S'il fait nettement moins bien que le marché universitaire dans son ensemble (-10 % en valeur contre -5,98 %, selon GFK), le segment du livre de médecine se distingue par la singularité des comportements d'achat des étudiants. A l'inverse de ce qui est observé dans les autres disciplines, les gros manuels de référence restent plus facilement des valeurs sûres, à commencer par les titres d'anatomie (le Netter et le Gray's chez Elsevier Masson, Pierre Kamina chez Maloine, G.J. Tortora chez De Boeck Supérieur...), prisés même des étudiants de première année (Paces). Présent sur le marché via quelques titres publiés en collaboration avec le Québec pour « faire des économies d'échelle », Pearson réalise environ 10 % de son chiffre d'affaires universitaire grâce à la médecine, essentiellement avec « quelques grosses bibles » tandis que, chez Elsevier Masson, les livres de la collection « Les référentiels des collèges » maintiennent leur niveau de vente auprès des étudiants préparant l'examen classant national (ECN).
Boîte à outils
C'est plus compliqué, en revanche, pour les ouvrages de révision et d'entraînement. « Les étudiants achètent surtout les référentiels et sont peu sensibles aux initiatives éditoriales. Cela laisse peu de place à la créativité. Nous concentrons nos efforts sur quelques gros titres », souligne Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses. Le phénomène s'est accentué depuis que les épreuves de l'ECN sont organisées sur tablette : « Les collections que nous avons testées ces dernières années proposent des compléments en ligne pour préparer l'ECN, mais beaucoup d'étudiants préfèrent s'abonner aux offres d'entraînement en ligne via leur université », indique Antoine du Besset, directeur du département éducation chez Elsevier Masson. « Les étudiants veulent s'entraîner dans les conditions de l'examen, il est naturel qu'ils le fassent via des plateformes en ligne puisque l'ECN se déroule sur tablette », note pour sa part Patrick Bellaïche, P-DG de Vernazobres Grego. L'éditeur, qui n'a aucun référentiel à son catalogue, capitalise sur le besoin des étudiants de faire la différence à l'ECN. « Tout le monde achète les référentiels, c'est très bien mais ça ne suffit pas si l'on veut être bien classé. Les étudiants se procurent aussi nos KB parce qu'ils savent qu'ils y trouvent une autre approche. » Vernazobres Grego a également lancé en début d'année une petite collection « C.U.T », véritable « boîte à outils » de l'étudiant en médecine qui aborde des sujets très ciblés, l'imagerie par exemple. Quatre titres ont déjà paru et une dizaine de nouveautés sont prévues dans les prochains mois. L'éditeur annonce par ailleurs deux nouvelles collections pour début 2019, mais sans en préciser pour le moment ni le concept ni le positionnement. De son côté, Vuibert, présent sur le marché de l'ECN depuis 2015, renforce son offre en publiant de nouveaux ouvrages rédigés par des étudiants très bien classés, dont Scores, classifications, pièges QCM et autres notions clés pour réussir de Pauline Seriot, annoncé pour le 9 octobre. La nouvelle réforme de l'ECN, qui remplace l'épreuve de la fin de 6e année par trois notes échelonnées entre la 5e année et la fin des stages d'études, ne produira ses effets qu'en 2023. A ce titre, elle ne mobilise pas encore les éditeurs. « Les détails n'en sont pas encore très bien connus, relève Patrick Bellaïche. Nous attendons d'en savoir plus avant d'adapter notre offre. »
Réorientations
L'année a également été riche sur le plan stratégique avec le rachat d'Initiatives Santé par John Libbey Eurotext (JLE) en mai dernier. En décembre 2013, les deux groupes s'étaient partagé le pôle santé de Wolters Kluwer France (WKF), les marques Doin, Arnette et Pradel entrant dans le giron de JLE tandis qu'Initiatives Santé récupérait Lamarre et CDP éditions. Avec cette opération, c'est donc l'ensemble de l'ex-pôle santé de WKF qui est de nouveau réuni, cette fois sous la houlette de JLE. Selon un représentant de JLE, chaque marque conservera son identité propre et aucun bouleversement n'est à prévoir. Chez CDP, spécialisé dans le dentaire, une nouvelle édition du Manuel d'implantologie est ainsi attendue pour octobre tandis que Doin inaugure, en association avec l'université Paris-Diderot, la collection « La personne en médecine », autour de l'éthique médicale et destinée aussi bien aux chercheurs en philosophie, psychologie et sciences sociales en santé qu'aux chercheurs et professionnels de santé.
Plus incertain a longtemps été le sort de Lavoisier, en grande difficulté économique. Le placement de l'éditeur en procédure de sauvegarde en octobre 2017 s'explique en partie par le positionnement jugé trop « élitiste » de ses ouvrages. Lavoisier, qui réalise environ 40 % de son chiffre d'affaires avec des livres destinés à un public étudiant (20 % en universitaire et 20 % en classes prépas), s'est tiré de ce mauvais pas au prix d'une sévère cure d'amaigrissement - 17 personnes ont été licenciées sur un effectif total de 42 - et de la réduction de sa production. Le 11 juillet, le tribunal de commerce de Paris a validé le plan de sauvegarde présenté par le P-DG, Patrick Fenouil. « Nous avons retrouvé notre pleine et entière autonomie, se réjouit le dirigeant. L'objectif est de réaliser le plan de sauvegarde prévu, à savoir rembourser l'ensemble de nos créanciers, tout en maintenant notre production à un niveau satisfaisant. » La dette de Lavoisier, essentiellement des droits d'auteur, s'élève à environ 500 000 euros. « Nous allons aussi revoir notre stratégie qui était de proposer de très beaux livres. La qualité des contenus restera la même, mais nous publierons des titres plus petits et moins sophistiqués. » Afin de réduire les coûts de revient, les illustrations de plusieurs collections (« Imagerie médicale » et « Traités » en particulier) seront par exemple regroupées dans des cahiers couleur situés en fin d'ouvrage. Les collections « Le livre de l'interne » et « Guide de poche » devraient rester en l'état, l'usage d'illustrations en couleurs étant jugé « impossible à réduire ».
Elèves infirmiers : tous à la fac !
La disparition, dès 2019, du concours infirmier au profit d'un système d'admission des futurs élèves via Parcoursup va priver les éditeurs d'une partie majeure des ventes sur ce marché.
Voilà une réforme dont les éditeurs se seraient bien passés. Jusqu'alors sélectionnés via un concours d'entrée aux Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), les élèves infirmiers intégreront à compter de 2019 leur formation par le biais de Parcoursup. Les 326 Ifsi seront dorénavant rattachés à une université et la sélection s'opérera sur dossier. En faisant des élèves infirmiers des étudiants comme les autres, intégrés au système LMD, la réforme annoncée le 5 juillet dernier par les ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur bouleverse l'activité des éditeurs, dont certains réalisaient une part majeure de leur chiffre d'affaires sur le segment infirmier grâce aux concours.
Rude coup
Pour Elsevier Masson, Vuibert, Foucher, Dunod ou Lamarre, très présents sur les concours paramédicaux, le coup est rude. D'autant plus que les ventes d'ouvrages démarraient habituellement en août-septembre en vue des épreuves organisées pour la plupart chaque année au printemps suivant. « Nous n'aurons rien vendu à cette rentrée puisque le concours 2019 est annulé », déplore Emmanuelle Lionnet, directrice éditoriale chez Lamarre, dont le chiffre d'affaires des concours pèse 15 % de l'activité globale.
Dès les premières rumeurs de suppression du concours (LH 1156 du 12.1.2018, p. 50), certains éditeurs ont anticipé : faute de visibilité, Lamarre a annulé plusieurs projets éditoriaux, et Foucher, dont le chiffre d'affaires concours repose pour un cinquième sur l'infirmier, avait pris des mesures dès fin 2017. « Cela ne nous met donc pas en difficulté, même s'il y aura forcément un impact sur notre chiffre de 2019 », indique Nathalie Théret, directrice du département Foucher, chez Hatier.
Après la licence
« Cette réforme représente une grosse perte de chiffre d'affaires », convient pour sa part Antoine du Besset, responsable du département éducation chez Elsevier Masson. Pour y faire face, l'éditeur compte déployer une offre adaptée au nouveau parcours des étudiants : « L'entrée des étudiants infirmiers dans le cursus LMD ouvre des opportunités. Il y aura des épreuves de repêchage et de remise à niveau qui feront naître de nouveaux besoins. » Chez Lamarre, Emmanuelle Lionnet annonce déjà pour octobre un premier titre qui prend en compte la suppression du concours : Les maths, renforcer ses compétences pour réussir son entrée en Ifsi, destiné aux étudiants soucieux de se présenter à la sélection avec un dossier de bon niveau. Quant à Vuibert, sa nouvelle directrice, Gwénaëlle Painvin, prévoit quelques publications pour la fin de l'année, dont Je réussis mon entrée en Ifsi dans la collection « Admis » en novembre. Elsevier Masson compte également sur la poursuite des études infirmières au-delà de la licence pour développer de nouveaux titres. « Certains diplômés poursuivront en master, il faudra les accompagner même si pour le moment les programmes ne sont pas encore connus », précise Antoine du Besset.
Nouvelles collections
Pour les éditeurs, la meilleure option reste de se positionner, ou de se renforcer, sur les études infirmières stricto sensu. Elsevier Masson lance ainsi pour cette rentrée une nouvelle collection d'ouvrages spiralés de fiches intitulée « Bonnes pratiques infirmières ». De son côté, Lamarre a inauguré en août « Je réussis mon stage en service de... », qui compte 12 titres. « Un étudiant en Ifsi passe dès sa première année la moitié de son temps en école et l'autre moitié dans les services hospitaliers, explique Emmanuelle Lionnet. Avec cette collection, nous répondons à ses besoins. » Chez Foucher, outre la refonte de la grande collection de révision « Tout le semestre », achevée en juin, plusieurs nouveautés ont paru, dont un Guide infirmier : pharmaco & médicaments.