On pourrait dire qu’il y a deux Laird Hunt. Le romancier urbain d’Une impossibilité (Actes Sud, 2005) et de New York n° 2 (Actes Sud, 2010). Et le romancier rural d’Indiana, Indiana : les beaux moments obscurs de la nuit (Actes Sud, 2007) et du présent, Les bonnes gens. Un volume lancinant et fort où l’Américain impressionne comme jamais par sa manière de faire cohabiter violence et poésie.
En 1830, le prologue montre un homme qui attaque la terre avec une pelle, creuse un puits. Celui qui a fait partie d’un détachement de forage lors des derniers mois de la seconde guerre contre les Anglais est marié, père d’une petite fille et s’occupe d’une ferme dans le Kentucky avec du bétail qu’il faut protéger des ours.
Le lecteur est ensuite promené entre 1911 et les années 1850-1861. Ginny, une vieille femme désormais surnommée Scary Sue, se rappelle le comté de Charlotte, à "cent cinquante kilomètres de nulle part", où l’on mangeait du porc, midi et soir. L’époque où, à l’âge de 14 ans, elle avait quitté ses parents et l’Indiana pour épouser un petit-cousin de sa mère, Linus Lancaster. Un veuf, père de deux filles, Zinnia et Cleome, qui allaient apprendre à Ginny à "envoyer" son esprit ailleurs.
Personnage terrible, Linus Lancaster avait la correction facile. D’emblée, il avait brûlé les livres de Ginny avant de se livrer à d’autres exactions… On taira ici ce qu’il advint de lui et ce qui conduit la jeune femme à prendre la route, à se retrouver au service de Lucious Wilson, un homme bon, dans le pays du comté de Clinton, dans l’Indiana, et à devenir "récureuse de porridge" et maîtresse d’école…
Laird Hunt explique avoir écrit un "roman de la révolte". On y chemine pas à pas, fasciné par la puissance de narration de l’écrivain et sa manière éblouissante de peintre les êtres et les lieux. Al. F.