Des livres conçus pour promouvoir l'image d'une entreprise ? Du pain bénit pour les maisons d'éditions ! Du luxe au BTP en passant par les laboratoires pharmaceutiques, nombreux sont les ouvrages « soutenus » financièrement par des sociétés, des organismes ou des fondations. « Ces projets éditoriaux n'engagent pas des risques financiers pour la maison d'édition : le partenaire effectue souvent un pre-achat de son ouvrage », explique Maria Feliz Frazao, responsable des partenariats au Cherche Midi.
Cet éditeur du groupe Editis s'adonne aux partenariats depuis 1976. Sur une production de 80 nouveautés par an, une quinzaine résulte de ce type de collaboration. Parmi les derniers en date, un projet avec les chercheurs de l'Inserm intitulé Fake news santé : vaccin, alimentation, cerveaux, préfacé par le docteur surmédiatique Michel Cymes. Publié le 30 septembre, il s'est écoulé à plus de 2 000 exemplaires. «Une entreprise peut s'offrir un objet de luxe, un beau livre par exemple, pour le diffuser en interne. Mais aussi s'adresser au grand public. Soit parce qu'elle a envie de vulgariser son savoir-faire soit parce qu'elle voit dans le livre un côté statutaire», observe Benjamin Loo, directeur du pôle pratique/tourisme d'Edi8 où une équipe de cinq personnes travaille à plein temps sur les partenariats.
Parmi les marques populaires prisées par les sociétés, il cite la collection « Pour les nuls ». La SNCF pour les nuls raconte «l'histoire et l'épopée des transports ferroviaires» quand Gérer les effets secondaires de la chimiothérapie pour les nuls s'attarde sur les effets du nabilone, un médicament commercialisé par Bausch Health (ex-Valiant Pharmaceutical), à l'initiative de ce livre.
Résultat qualitatif
« Ce ne sont pas des livres publicitaires, défend toutefois Marie-Anne Jost-Kotik, directrice éditoriale de First, éditeur des Nuls. Nous appliquons la même ligne éditoriale à tous les ouvrages, qu'ils soient commandés ou pas par une entreprise ».
Rares sont aujourd'hui les maisons d'édition qui ne cherchent pas à travailler avec une entreprise. De la même manière qu'elles entrent en concurrence pour obtenir un manuscrit à haut potentiel, elles avancent des arguments pour signer un projet avec une société. Lorsque Bruno Pavie, directeur des ressources humaines de NGE-BTP et amoureux des BD, décide de créer un roman graphique sur un chantier emblématique que ses équipes avaient entrepris sur la Côte Bleue, à l'ouest de Marseille, il demande à la communication du groupe de solliciter plusieurs maisons d'édition.
« Nous avons finalement décidé de faire confiance à Autrement », se souvient-il. Le résultat est très qualitatif. Le dessinateur d'Un jour dans la nuit n'est autre que Virgile Dureuil, à l'œuvre des adaptations BD chez Casterman des romans de Sylvain Tesson, Bérézina et Dans les forêts de Sibérie. « Nous avons choisi ce format car nous avons une politique d'inclusion et d'intégration des jeunes très marquée, souligne Bruno Pavie. C'était donc une bonne manière de faire découvrir à ce public nos métiers, à travers une belle histoire ». Au fil des pages, discrètement, NGE laisse échapper un logo ou des couleurs qui rappellent leur charte graphique. Ils ne souhaitent pas se cacher : « Nous recrutons 4 000 collaborateurs par an depuis trois ans ».