Avant-critique Essai

Elsa Mari, Ariane Riou, "Génération bistouri. Enquête sur les ravages de la chirurgie esthétique chez les jeunes" (JC Lattès)

Elsa Mari et Ariane Riou©Olivier Roller - Photo © Olivier Roller

Elsa Mari, Ariane Riou, "Génération bistouri. Enquête sur les ravages de la chirurgie esthétique chez les jeunes" (JC Lattès)

Les journalistes Elsa Mari et Ariane Riou livrent une enquête effarante sur la banalisation, la marchandisation et les dangers de la chirurgie esthétique.

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Par Kerenn Elkaim
Créé le 22.02.2023 à 09h00

La beauté plastifiée. Madonna, Demi Moore ou Linda Evangelista ont incarné la beauté, or à force d'abuser de la chirurgie esthétique, elles ne se ressemblent plus. Pourquoi céder aux sirènes de la jeunesse éternelle ? Emmanuelle Béart avoue que « c'est un acte grave qui touche à notre âme ». Pourtant, de plus en plus de gens y ont recours comme s'il s'agissait d'un must, anodin. Pire encore, la tranche des 18-34 ans est au premier rang des patients. Un sondage 2022 révélait que « 67 % des femmes adultes et 78 % des jeunes n'aiment pas leur apparence ». Pourquoi ? Et que reflètent ces dérives sociales qu'on retrouve chez Kamel, 29 ans, qui déclare : « On ne peut plus se permettre d'être moche » ? À partir de quand se perçoit-on comme tel ? « Il y a le grand complexe, celui qui rend fou, détruit, et la chirurgie de confort, le désir brut de s'améliorer », soulignent Elsa Mari et Ariane Riou. Journalistes au Parisien, elles ont mené neuf mois d'enquête internationale pour tenter de comprendre cette obsession de l'apparence. Un essai aussi haletant qu'inquiétant, reflétant notre monde narcissique, piégé par une redoutable toile d'araignée financière. Le mal-être, savamment entretenu dès l'adolescence, consiste à « montrer ce qu'on pourrait être et ce que l'on n'est pas ». Certains deviennent accros aux interventions dès leur plus jeune âge. Une pratique déroutante qui n'est pas née par hasard. « Les réseaux sociaux peuvent se transformer en bourreaux. Leur influence crée une course à la beauté, ou plutôt à un idéal », inatteignable. Le Dr Bavarel en est témoin. « Certaines veulent ressembler à leur filtre ou à je ne sais quelle YouTubeuse. Je ne suis pas Photoshop. » Si « le corps n'est pas un produit », le règne des Kardashian prouve le contraire en imposant des canons esthétiques basés sur la chirurgie. Aux États-Unis, on fait des « botox parties, en buvant du champagne ». Cette « fabrique de la beauté » digne de Frankenstein cache une machine à cash engendrant des millions. « Le royaume du bistouri et de la seringue a des airs de Far West. Tout y est permis. Les abus sont nombreux : escroqueries, pratiques dangereuses, dégâts physiques et psychologiques. » Selon les journalistes, « chirurgiens, influenceurs et réseaux sociaux sont sur le banc des accusés ». Ce super pouvoir de remodelage encourage même les opérations des parties intimes, avec comme modèles les stars du porno. Des interventions pouvant susciter des traumas physiques, psychologiques et financiers. Certains ont des ravages irréversibles, d'autres en meurent. Luna pensait que « si tout était parfait à l'extérieur, ça le serait à l'intérieur ». Elle se sent « prisonnière de cette enveloppe de bimbo » qu'elle a « pour la vie », sans parler d'une santé détériorée par ces actes à répétition, qui ont mal tourné. L'enquête, accablante, craint que « toute une génération plastifiée se prépare. Gueules d'enfants défigurés. La médecine esthétique traduit chez les jeunes un refus de grandir ». Le réveil risquant d'être brutal, mieux vaut les alerter sur l'illusion de « rentabilité » qui les pousse à consommer à gogo cette chirurgie pernicieuse.

Elsa Mari, Ariane Riou
Génération bistouri. Enquête sur les ravages de la chirurgie esthétique chez les jeunes
JC Lattès
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20 € ; 296 p.
ISBN: 9782709670098

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