Emilio Sánchez Mediavilla, "Une datcha dans le Golfe" (Métailié) : Bahreïn sans baratin

Emilio Sánchez Mediavilla - Photo © Alberto Saéz

Emilio Sánchez Mediavilla, "Une datcha dans le Golfe" (Métailié) : Bahreïn sans baratin

<b>Emilio Sánchez Mediavilla </b>livre, entre reportage et récit de voyage, un témoignage aussi piquant qu'instructif sur Bahreïn et la région du Golfe.

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Par Sean Rose
Créé le 17.05.2022 à 11h00

Quand il rejoint sa compagne expatriée à Bahreïn, Emilio Sánchez Mediavilla, quoique journaliste, n'a que peu d'idées sur cet État du golfe Persique. Bahreïn ? Un nom vaguement associé dans son esprit à un grand prix automobile... Il sait tout juste que c'est, comme sa ville natale Santander, au bord de la mer avec une plage. De l'eau, il y en a autour à foison : rappelons que Bahreïn est une île. Sur l'île il fait très, très chaud, quand on coupe la clim, s'entend, laquelle climatisation est toujours poussée à fond comme dans tous ces pays de la région, pas franchement des parangons de vertu écologique. Bahreïn, à l'instar de ses voisins, n'est pas non plus un modèle démocratique. La minuscule pétromonarchie - une superficie équivalente à celle de Minorque dans les Baléares -, coincée entre l'Arabie saoudite et l'Iran, est insulaire à plus d'un titre, avec des particularités qu'énumère Emilio Sánchez Mediavilla dans Une datcha dans le Golfe. De majorité chiite, l'archipel est gouverné par un émir sunnite. Pays musulman, l'homosexualité y a été dépénalisée. En comparaison avec le fer de lance saoudien du wahhabisme (islam ultra-rigoriste), le pouvoir bahreïni entend montrer un visage amène. Cela dit, la presse n'est pas libre et Nabil Rajab du BCHR (Bahrein Center for Human Rights) a été condamné à trente ans de prison.

Le séjour à Bahreïn dure de 2014 à 2016. Trop court sans doute pour en faire une anatomie qui prétendrait à l'objectivité... Que l'œil du reporter soit éminemment subjectif, le journaliste espagnol et cofondateur de Libros del K.O. (éditeur spécialisé ès chroniques « gonzo ») l'assume. Il nous livre ici de pertinentes impressions. Ce qu'on goûte dans cet hybride de relation de voyage et d'enquête est le ton - badin, personnel, critique... Sont ainsi abordés les dispendieuses îles artificielles, Henderson « le Klaus Barbie anglais » à l'époque du protectorat britannique, ou le prince playboy Nasser ben Hamed al-Khalifa chargé de la répression des sportifs dissidents. Le narrateur essaye d'apprendre l'arabe en notant que tout le monde parle peu ou prou l'anglais. La langue de Shakespeare mâtinée d'accent bahreïni donne lieu à des quiproquos : genital reminder pour gentle reminder (« petit rappel »). On entend aussi d'autres idiomes. Indiens, Philippins, Pakistanais, Sri Lankais... ces travailleurs immigrés asiatiques constituent la foule des esclaves 2.0 du royaume. Le vent de la liberté a toutefois soufflé jusqu'aux rives de l'île lors du printemps arabe. Témoin par procuration des manifestations de la place de la Perle en 2011, Sánchez Mediavilla raconte la mémoire des événements maintenue vive par les militants prodémocratie. Beaucoup sont morts. Celles et ceux qu'on a arrêtés ont été torturés. Le ton n'empêche pas l'information.

Emilio Sánchez Mediavilla
Une datcha dans le Golfe Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse
Métailié
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 20 € ; 208 p.
ISBN: 9791022612043

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